enseignement

Beaucoup d’ex-khâgneux A/L et B/L se tournent vers l’enseignement à l’issue de leur prépa. La voie royale pour y arriver : le master MEEF (master de l’éducation, de l’enseignement et de la formation). Nous te proposons d’en apprendre plus sur ce débouché à travers le témoignage de Lucie. Ancienne khâgneuse A/L, elle est en master MEEF à la Sorbonne (Paris 4).

Une petite présentation pour commencer : quel a été ton parcours scolaire du lycée jusqu’au master MEEF ?

J’étais au lycée à Sainte-Marie de Neuilly en filière littéraire et je suis restée là-bas pour ma prépa. J’ai fait une khâgne classique en spécialité lettres modernes. Par la suite, j’ai poursuivi des études de lettres à la Sorbonne directement en L3 grâce aux équivalences.

Actuellement, je suis les cours du master MEEF dans la même fac.

Pourquoi avoir intégré le master MEEF de la Sorbonne ? Que comptes-tu faire à l’issue de ton M2 et quels sont les débouchés offerts par la formation ?

Je voudrais être prof de lettres au collège ou au lycée. Le master MEEF était le meilleur moyen pour moi d’y arriver, puisqu’il prépare aux concours de l’enseignement. Quand tu t’inscris, tu choisis entre le parcours 1er degré qui prépare au CRPE, le concours de professeur des écoles (primaire et maternelle) et le 2nd degré qui prépare au Capes et au Cafep, qui sont les concours pour l’enseignement public et privé au collège et au lycée.

C’est un master assez spécialisé et professionnalisant puisqu’on veut tous devenir profs. Néanmoins, on a tous des profils et des parcours différents au sein du M1 et du M2. J’ai quelques cours en commun avec les gens en parcours 1er degré, mais je les vois assez peu puisque l’on n’apprend pas les mêmes choses.

Et ensuite, au sein du parcours 2nd degré, on n’a pas tous les mêmes cours puisqu’ils dépendent aussi de notre matière de spécialisation. J’ai beaucoup cours avec ceux qui veulent être profs de lettres, mais il y a d’autres cours pensés pour les futurs profs de maths, de physique, d’EPS, etc.

Tout le monde passe les concours de l’enseignement à l’issue du master ?

Sur le papier, personne ne t’impose de les passer à l’issue des deux ans, mais les cours sont calibrés en fonction de ça. Le programme de mes cours de lettres est déterminé par le programme du Capes. Par exemple, j’ai quatre œuvres à préparer et sur lesquelles je vais être évaluée.

Pour avoir le Capes, il faut avoir validé le master. Il y a des gens qui redoublent le M2 parce qu’ils n’ont pas obtenu le concours. Mais d’autres redoublent aussi parce qu’ils avaient réussi le concours sans valider leur deuxième année ! Après, cela arrive rarement…

Est-il obligatoire de faire ce master pour passer les concours de l’enseignement ?

Le master MEEF n’est pas le seul qui permet de passer les concours de l’enseignement. Il suffit d’avoir un bac+5 pour être autorisé à postuler. J’ai en tête une fille qui était en khâgne avec moi et qui fait un double master plus théorique en lettres et en philo. Elle veut rejoindre l’enseignement à terme, mais pour le moment ses cours sont centrés sur la recherche et la préparation d’un mémoire. Ça ne l’empêchera pas malgré tout de présenter le Capes à l’issue de son M2.

Maintenant, le master MEEF reste selon moi le plus pratique pour préparer les concours de l’enseignement, puisque tous nos enseignements sont calibrés en fonction des épreuves. Je pense notamment aux enseignements de didactique. Le master MEEF t’apprend à apprendre à autrui. À l’écrit puis à l’oral, il y a une épreuve où on te donne une question en fonction de ta matière de spécialité. Dans mon cas, ça sera une notion pointue en grammaire. Le but, c’est de décrire comment tu t’y prendrais pour l’expliquer à une classe. L’exercice demande de la méthodo et beaucoup d’entraînement. Je ne vois pas comment j’aurais fait sans des cours spécialisés sur le sujet !

Comment se déroule le cursus ?

Je vais parler uniquement du parcours 2nd degré qui est celui que je suis. Ma semaine se répartit entre des cours de lettres plus théoriques à la Sorbonne et deux jours à l’INSPE (Institut national supérieur du professorat et de l’enseignement), où on nous apprend le métier d’enseignant.

À la fac, j’ai des cours de stylistique (de la grammaire un peu avancée) et sur les œuvres au programme du Cafep. On en travaille deux par semestre, chaque fois avec des profs spécialistes de l’auteur. À l’INSPE, on a les cours de didactique pour apprendre la pédagogie, mais aussi des cours plus théoriques. Par exemple, en « Culture commune de l’éducation », on découvre le code de l’éducation ainsi qu’un certain nombre de normes et de structures de l’Éducation nationale.

Pendant les deux ans, tu t’entraînes surtout à préparer des cours. Est-ce que tu passes par des exercices ? Des questions à l’oral ? Quels manuels tu peux employer ? etc. On t’apprend aussi à mieux transmettre les connaissances aux élèves. Par exemple, j’ai découvert qu’il y avait parfois une vraie logique derrière certaines fautes d’orthographe que font les élèves. On n’est plus dans les années 60, donc l’idée n’est pas simplement de punir ou de reprocher bêtement à l’élève de s’être trompé. Il faut comprendre la logique derrière la faute pour en proposer une autre et éviter qu’elle se reproduise.

Je dis « faute » depuis tout à l’heure, mais en soi je ne devrais même pas… On nous incite à plutôt parler d’« erreur » pour éviter de donner un aspect trop culpabilisant et moralisateur à la chose. Les cours abordent plein d’aspects plus psychologiques de la didactique. Et c’est aussi ça qui est intéressant !

Les cours à la fac et ceux de didactique dispensés par l’INSPE dépendent vraiment de la matière de spécialisation. En lettres, je travaille sur la grammaire, la lecture et l’expression écrite. J’imagine qu’en maths ou en physique, des problématiques bien différentes sont abordées.

 

Quelles sont les qualités nécessaires pour rejoindre le master MEEF ?

Il faut vraiment être motivé par l’enseignement ! C’est un master assez difficile parce que l’organisation des cours n’est pas toujours optimale. Beaucoup de gens abandonnent en chemin aussi parce qu’ils n’avaient pas conscience de la réalité du monde de l’enseignement qui ne se porte franchement pas très bien. Pour ceux qui ont la vocation d’être prof chevillée au corps, le master MEEF peut vraiment être bien parce qu’il permet de découvrir plein d’aspects pratiques du métier d’enseignant.

Pour ce qui est du recrutement, j’ai échappé de justesse à la plateforme « Mon Master » et peut-être que les choses ont changé cette année. Dans ma promo, en tout cas, il y a pas mal de gens qui ont fait prépa puis validé une équivalence en bac+3. Je ne pense pas qu’il faille se coller une pression monstre pour le recrutement. Même s’il y a une sélection à l’entrée, elle est loin d’être drastique. On a un besoin vital de recruter des profs…

Vraiment, le plus important, c’est d’être motivé et enthousiaste à l’idée de rencontrer ses premiers élèves et de se préparer à gérer une classe. En soi, je pense qu’on n’est jamais vraiment prêt quand on sort du master (rires), mais il faut que la bonne volonté et l’énergie soient là.

 

Comment s’est déroulée ton année et tes études te plaisent-elles ?

Pour être honnête, ça n’a pas toujours été facile. Les cours sont durs, pas toujours super bien organisés et les attentes élevées. Les matières comme la didactique peuvent être passionnantes, mais c’était la grande découverte. Certains profs sont bienveillants et d’autres un peu trash. Ils veulent nous prévenir des difficultés du métier, donc ils nous parlent beaucoup des conditions de travail difficiles, de l’école qui va mal et aussi du fait qu’on sera confrontés à beaucoup de choses difficiles. Par exemple, quand ça se passe mal dans les familles, mais qu’on ne peut pas y faire grand-chose.

Le tout est un peu plombant parfois et pas mal de gens ont abandonné. Mais pour la plupart des gens, ça se passe bien malgré tout. Je m’accroche parce qu’après les deux ans, je passerai mes concours et je pourrai enseigner. Et puis honnêtement, les difficultés du monde enseignant mises en avant par le master, je les connaissais déjà avant de me lancer.

Je ne regrette pas ce choix d’études parce que j’en avais marre des cursus génériques et qui manquaient de concret. Ça fait aussi du bien d’avoir des enseignements plus pratiques à l’INSPE, même si c’est toujours chouette d’aller à la fac pour des cours plus théoriques. J’ai aussi beaucoup aimé les stages que le master m’a permis de faire.

Comment s’était déroulée ta prépa ?

J’étais un peu une khâgneuse en souffrance (rires)… En première année, ça allait encore parce que j’étais juste contente de découvrir de nouveaux univers intellectuels. Je bossais et ça marchait plutôt bien, j’étais dans la première moitié de classe.

Mais en deuxième année, j’ai un peu plus décroché parce qu’il y avait eu la Covid. La compétition a beaucoup dégradé l’ambiance de classe et ça ne m’a pas aidée… Je n’étais pas souvent là, quoi (rires). Je venais pour les cours et je repartais dès que la sonnerie retentissait. Je me suis fait des copains quand même, hein ! Mais le reste de ma classe n’était pas forcément génial…

 

Quels conseils donnerais-tu à des hypokhâgneux ou khâgneux sur la prépa en général ?

Si j’étais mauvaise langue, je dirais juste : « Fuyez, pauvres fous. » (rires) Mais je pense qu’en vrai, il y a des petites astuces qui peuvent permettre de mieux vivre son année. Pour commencer, choisissez bien votre prépa en fonction de vos objectifs. À rebours, je me dis que j’aurais peut-être préféré une prépa avec un peu moins de compétition, une meilleure ambiance et de la bienveillance.

De manière générale, le plus important, c’est de ne pas laisser cet esprit de compétition prendre le dessus. Osez garder votre propre rythme, même s’il est plus lent que celui des autres ! Ça permet de ne pas péter les plombs. Si pour vous sentir bien, vous avez besoin de pauses, prenez des pauses ! On s’en fiche que certains bossent tous les soirs jusqu’à 23 heures… Fixez vos priorités en fonction des débouchés qui vous intéressent et n’hésitez pas à vous changer les idées. Je me suis fait l’entièreté des dix saisons de Friends pendant mon année de khâgne parce que ça me faisait du bien, et je n’ai aucun regret (rires).

Un grand merci à Lucie pour son témoignage sur le master MEEF ! Tu peux également consulter notre article sur le monde de la recherche et la préparation à l’agrégation à l’ENS de Lyon qui se trouve dans notre rubrique dédiée aux prépas littéraires.