croissance

Toutes les thématiques ciblées comme la démographie, l’alimentation, ou encore l’énergie nécessitent des connaissances précises sur les sujets ainsi que sur l’emploi du champ lexical associé. Major-Prépa te propose ici un corrigé détaillé, des petites astuces et des points méthodologiques sur un sujet qui n’est encore jamais tombé au concours : la démographie. Ce dernier pourrait très probablement tomber, car c’est un sujet brûlant d’actualité. L’intitulé de la dissertation que nous allons traiter est : « La croissance démographique est-elle une chance ou une menace pour le monde ? »

Introduction

« L’Afrique est confrontée à deux défis majeurs, un démographique et un climatique ; mais sa population et sa jeunesse sont une chance pour le développement. » Directeur régional du Fonds des Nations unies pour la population pour les 23 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, Mabingué Ngom présente ici la population africaine comme un levier de développement et d’émergence du continent. Dans un contexte de croissance démographique, qui désigne la hausse de la population due à un solde migratoire ou naturel positif, le continent africain est le plus touché par ce phénomène, avec des taux de natalité, comme au Niger, qui avoisinent les sept enfants par femme. Plus largement, le monde a connu une croissance exponentielle de sa population, multipliée par huit en l’espace de deux siècles, pour atteindre le palier des huit milliards d’habitants le 15 novembre 2022. Si, pour Mabingué Ngom, cette hausse de la population peut être considérée comme une opportunité, salvatrice en tant qu’elle pourrait accélérer le développement du continent, d’autres la voient comme une menace, un risque. C’est notamment le cas de Thomas Malthus, économiste anglais, qui alerte dans son ouvrage Essai sur le principe de la population (1798) sur les menaces qu’une trop nombreuse population pourrait faire peser sur la planète. La question démographique est donc un sujet clivant, qui fait s’affronter des idéologies bien souvent différentes. C’est également ce que l’on observe aujourd’hui sur le continent européen. En effet, alors que certains pays d’Europe, comme c’est le cas de la Hongrie, sont touchés par un hiver démographique, avec des taux de fécondité inférieurs au seuil de renouvellement d’une génération (2,3), et manquent de main-d’œuvre, dont les pays en développement disposent en abondance, ces mêmes pays mènent des politiques antimigratoires, alors que ces flux humains pourraient être une manière de subvenir à ces pénuries de travailleurs. De plus, on observe que la croissance de la population est concomitante à une baisse de la disponibilité des ressources, d’où la mise en place de fronts pionniers, mais dont les dégâts causés par la déforestation contribuent à la crise climatique actuelle. Dès lors, la croissance démographique effrénée réduit-elle les chances pour l’humanité d’accéder à un développement plus durable ? Si la croissance démographique est sujette à de nombreux débats (I), les potentialités tout comme les risques liés à la croissance démographique sont nombreux (II). Mais dans un objectif de développement durable, l’enjeu lié à la démographie ne peut se réduire qu’à la question du nombre (III).

Point méthodologique : la difficulté de ce sujet réside, à mon sens, dans la mise en place d’un plan cohérent qui ne traite pas, d’une part des avantages, et d’autre part, des inconvénients que peut induire la croissance démographique. Dans un sujet qui fait s’affronter deux notions contradictoires, il faut toujours essayer de traiter les deux aspects du sujet dans chaque partie et ne pas proposer un plan qui ne permet pas d’établir une véritable réflexion sur le sujet.

I/ La question de la croissance démographique est sujette à de nombreux débats

A/ Rappel des tendances démographiques depuis un siècle

Depuis le 15 novembre 2022, la population mondiale a franchi la barre symbolique des huit milliards d’êtres humains. En l’espace de 70 ans, la population mondiale aura donc été multipliée par 3,2 (2,53 milliards en 1950). Mais cette croissance de la population a lieu inégalement sur Terre. Les pays développés du Nord sont proportionnellement parlant les moins touchés, en comparaison aux pays du Sud en développement, qui représentent depuis 2000 près de 80 % de la population. Cela est dû au phénomène de transition démographique, qui désigne le passage d’une situation de forts taux de natalité et de mortalité à des taux plus réduits. Cette période intermédiaire permet donc d’expliquer cette croissance démographique inégale sur la planète. L’ONU prévoit pour 2050 près de 9,7 milliards d’habitants, dont les 87 % résideront dans les pays en développement.

Astuce : il peut être judicieux ici de faire un schéma du phénomène de transition démographique, facile à reproduire, et qui peut te permettre de te démarquer des autres candidats.

Point méthodologique : pour un sujet de ce type, tu as le choix entre une profondeur historique dans la première sous-partie de ton premier mouvement, ou bien un rappel des dynamiques démographiques. Cela peut te permettre de poser clairement les bases du sujet et de mobiliser le champ lexical relatif à la démographie (transition démographique, taux de natalité, etc.).

B/ La perception de la croissance démographique est différente selon les écoles de pensée : populationnistes vs antinatalistes

Pour certains, cette croissance de la population est une opportunité, c’est-à-dire une chance dont on peut profiter. Dès le XVIIe siècle, le philosophe français Jean Bodin déclarait : « Il n’est de richesses que d’hommes. » Cette approche populationniste est également reprise par la philosophie marxiste, à l’image de Mao Zedong qui déclarait « qu’un homme, c’est une bouche à nourrir, mais c’est surtout deux bras. » Cette croissance démographique vue comme une chance peut être rapprochée de la notion de dividende démographique, qui désigne ce dont une population peut profiter quand la part de la population active est supérieure à celle en âge d’être inactive. Mais la perception peut être radicalement autre : c’est l’approche malthusienne. Celle-ci met en garde contre une croissance géométrique de la population face à une croissance arithmétique des ressources. Elle considère une croissance de la population trop forte comme une menace pour la pérennité de l’humanité. Dès lors, dès 1948, certains pays comme le Japon mettent en place des politiques antinatalistes eugénistes, donnant raison aux préceptes malthusiens. Également en Chine, dès 1979, est adoptée la politique dite de « l’enfant unique » pour réguler la natalité de la population chinoise. Mais l’abandon sous Xi Jinping de cette politique en 2015 montre toute la difficulté de fixer un optimum démographique.

Astuce : il est judicieux de mobiliser tous types de références, qu’elles soient scientifiques, philosophiques, géographiques, etc. Cela permet d’apporter un éclairage différent sur une même thématique en fonction des disciplines. De plus, n’hésite pas à utiliser des références et des exemples assez éloignés entre eux dans le temps : cela montre que le problème auquel tu t’attaques se pose depuis longtemps.

C/ La maîtrise (ou non) de la démographie a également des considérations géopolitiques

Il en reste que les problématiques liées à la croissance démographique ont pu prendre au cours de l’histoire un fort tournant géopolitique. À la fin de la Première Guerre mondiale, Aristide Briand justifiera son rapprochement avec l’Allemagne par son adage : « Je fais la politique de ma démographie. » Au cours de la guerre froide sont organisées, sous l’égide de l’ONU, de nombreuses conférences au sujet de la croissance démographique. Dès 1974 à Bucarest, les pays du Nord voient d’un mauvais œil l’augmentation de la population des pays du Sud et imposent dès lors des politiques plus restrictives en matière de population. Ceci est vivement critiqué par les pays en développement, qui dénoncent une forme de néocolonialisme déguisé, d’impérialisme démographique. Mais le caractère prédateur et raréfiant des ressources sur la planète, dénoncé dans le rapport Meadows (Les Limites à la croissance), tend à justifier ces pratiques. Aujourd’hui encore, ceci est source de débats, mais pour Roland Pourtier, géographe et professeur à l’université de la Sorbonne, ce « devoir d’ingérence démographique reste essentiel ».

II/ Les potentialités tout comme les risques liés à la croissance démographique sont nombreux

A/ Une croissance démographique soutenue peut être gage de développement et de croissance

La croissance démographique peut être essentielle et souhaitée en tant qu’elle peut contribuer à dynamiser la croissance. À la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, la période faste de croissance économique que connaîtront la plupart des pays développés, connue sous le nom de Trente Glorieuses, sera accompagnée d’une très forte croissance de la population, de par le baby-boom. Cette hausse de la population a pu permettre de développer un véritable marché intérieur et ainsi soutenir la croissance. De même, l’émergence de la Chine peut aussi être analysée via le prisme démographique. En effet, le développement d’un marché intérieur, permis par la croissance démographique, a pu permettre l’autonomisation de la croissance, gage de réduction de la dépendance vis-à-vis des exportations, et donc finalement, d’émergence. Ester Boserup parle de la « pression créatrice » de la croissance démographique, qui incite aux investissements et à la modernisation afin de profiter des dividendes démographiques.

Astuce : il est important d’éclairer son raisonnement avec des références et des réflexions économiques, surtout pour un sujet comme celui-ci qui n’est à proprement parler pas fondamentalement « géopolitique ». On oublie trop souvent, mais la géoéconomie fait partie de la discipline.

B/ Mais croissance démographique rime souvent avec baisse des ressources, ce qui peut mener à des conflictualités

Mais dans un contexte de raréfaction des ressources, la hausse non contrôlée de la population peut contribuer à nuire à un équilibre déjà fragile. C’est le cas par exemple de l’eau, « l’or bleu » selon Maude Barlow, qui est caractérisée par un effet de ciseau, c’est-à-dire que la hausse de la demande est corrélée à une baisse de la disponibilité. Près de 663 millions de personnes n’ont pas accès à de l’eau potable selon l’ONU, alors que cette dernière considère qu’un accès à l’eau potable pour chaque être humain est un droit fondamental. La hausse de la population pourrait donc être un risque en tant qu’elle entraînerait une hausse de la demande ainsi qu’une baisse de l’offre. On comprend dès lors mieux la véritable hydrohégémonie que mènent certains pays, à l’image de la Chine qui construit de nombreux barrages sur le Mékong, contribuant à réduire le débit des pays situés en aval du fleuve. Cette tension entre offre et demande contribue à augmenter les risques de conflictualité autour de ressources essentielles pour l’humanité. Il ne faudrait donc pas que l’eau devienne un facteur aggravant de risques sur l’humanité déjà existants, car « l’eau par nature, sert à éteindre les feux, pas à les allumer » (Munther Haddadin).

C/ Les masses démographiques peuvent être instrumentalisées dans le cadre d’un impératif de peuplement

Également, dans un contexte de croissance démographique, ces masses démographiques peuvent être instrumentalisées et présenter un risque en tant qu’elles pourraient nuire à des objectifs de développement ou de paix. En effet, dès la fin de la Première Guerre mondiale, et l’avènement du IIIe Reich en Allemagne, les politiques natalistes et la croissance de la population légitiment les ambitions pangermanistes d’Adolf Hitler de réunir les peuples aryens sous une seule et même nation. Plus près de nous dans le temps, la colonisation des territoires du Xinjiang ou du Tibet par l’ethnie Han montre tout l’enjeu que pose la question démographique. Cette instrumentalisation de la population peut également nuire au développement : en Israël, espace cristallisant les rivalités israélo-palestiniennes, la question démographique est essentielle. Les politiques natalistes et de planning familial instaurées sous Netanyahou s’inscrivent dans un rapport de force avec les Arabes palestiniens. Depuis, le début des années 2000, le taux de natalité des femmes arabes palestiniennes est inférieur à celui des femmes juives israéliennes. La colonisation des territoires palestiniens par les Juifs s’inscrit donc dans une véritable « course à la procréation ». On voit donc là tout l’enjeu du nombre. Yasser Arafat, ancien président de l’OLP, disait d’ailleurs que « le ventre des Palestiniennes est une chance ».

III/ Dans un impératif de développement durable, la question de la croissance démographique ne peut se réduire qu’à la question du nombre

A/ Les migrations : une relation gagnant-gagnant ?

Les migrations peuvent être profitables pour les pays développés. En effet, ils peuvent ainsi acquérir une main-d’œuvre à bas prix et ainsi dynamiser la croissance. Ceci explique la création de l’Office national de l’immigration en France en 1945, qui vise à attirer cette main-d’œuvre. Également, en Allemagne, les travailleurs étrangers, les Gastarbeiter, ont contribué au miracle économique allemand pendant les Trente Glorieuses. Les migrations pourraient également permettre d’enrayer l’hiver démographique que connaissent certains pays d’Europe. Mais par peur que « les racines chrétiennes de l’Europe ne soient menacées » (Viktor Orbán), certains pays comme la Hongrie sont hostiles aux migrations. C’est aussi à travers les remises, qui sont une « pluie fine de capitaux » selon Bernard Bret, que les migrations peuvent s’avérer cruciales pour les pays de départ. L’enjeu n’est pas des moindres concernant ces remises qui représentent souvent des sommes colossales. Envoyées par les diasporas, elles peuvent contribuer au développement. Ce fut le cas de la Chine avec l’ouverture des Zones économiques spéciales sous Deng Xiaoping en 1978, où les investissements de la diaspora chinoise ont permis le développement économique du pays. Enfin, à travers le brain gain, de nombreux pays pourraient profiter du retour sur investissement lié à l’expatriation des natifs. En ce sens, le programme TOKTEN, lancé par l’ONU en 1985, encourage les immigrés à regagner leurs pays de départ.

B/ Faire de la démographie un avantage : l’éducation

L’éducation est également un enjeu majeur face à la question de la démographie. En effet, une jeunesse éduquée et instruite est davantage une chance qu’une menace pour ces pays. Le confucianisme très présent en Chine a d’ailleurs permis de mettre la population au service du développement, à travers l’éducation. C’est ici tout l’enjeu des investissements démographiques dont il est question. Pour mettre la croissance démographique au service du développement, cela passe par des investissements en matière d’infrastructures, d’accès aux soins de santé, d’éducation. Mais, pour certains pays d’Afrique kleptocratiques, une jeunesse instruite est une menace. En effet, celle-ci risquerait de menacer leur pouvoir, fondé en partie sur un contrôle massif de la population. L’exemple des Printemps arabes illustre parfaitement cette idée.

C/ La croissance démographique est-elle vraiment incompatible avec un modèle de développement durable ?

Ces dernières années, dans un contexte de croissance démographique et de prédation des ressources, c’est la question de la soutenabilité du modèle de croissance qui est posée. Notre modèle de développement et de croissance serait alors incompatible avec la croissance démographique. Ces idées trouvent leurs racines dans les travaux du roumain Nicholas Georgescu-Roegen qui prône la décroissance. Non pas une décroissance généralisée, mais une décroissance de certains secteurs qui engendreraient des externalités négatives. Directement inspirés de ces travaux, le rapport Meadows de 1972 puis le rapport Brundtland de 1987 font dès lors émerger l’idée d’un développement durable, modèle de développement qui permet de satisfaire les besoins des générations actuelles sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs. Parmi les objectifs du développement durable, il y a la volonté de réduire la pauvreté, la faim, d’améliorer l’éducation ou encore de lutter contre le changement climatique. Tous ces éléments ne sont donc en aucun cas antagonistes et inconciliables : la croissance démographique ne constituerait donc pas un risque pour notre planète.

Conclusion

Ainsi, la hausse exponentielle de la population que connaît notre planète pourrait être une chance de se diriger vers un développement durable, à condition que cela s’accompagne d’une transformation des modes de vie, d’une réduction des gaspillages, et notamment alimentaires. La principale menace serait donc celle concernant les ressources, d’autant plus dans un contexte de guerre en Ukraine et de spéculation, alors que l’on prévoit une crise alimentaire sans précédent, renforcée d’autant plus avec la sortie de Vladimir Poutine le 18 juillet 2023 de l’accord sur les céréales ukrainiennes, qui autorisait l’acheminement de ces denrées essentielles vers les pays qui en ont besoin.

Tu es arrivé(e) au bout du traitement de cette dissertation. Évidemment, cette proposition de résolution du sujet n’est pas la seule qui vaille. L’essentiel est de ne pas tomber dans le traitement binaire du sujet, comme expliqué plus haut. Veille également à bien mobiliser les notions relatives au sujet (croissance, développement, transition démographique, hiver démographique, optimum démographique, pression créatrice, etc.), qui nécessite pour son traitement l’utilisation d’un vocabulaire précis. N’hésite pas à consulter cet article très bien écrit sur la démographie qui te permettra d’enrichir et approfondir tes connaissances sur un sujet hautement probable au concours.

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