Cet article te propose de travailler sur l’analyse d’un sujet plus que jamais d’actualité : Mondialisation et dépendances. De cette façon, tu pourras d’autant mieux appréhender la méthodologie de la dissertation en HGGMC. Ci-dessous te sont présentés l’analyse exhaustive du sujet et un plan très détaillé illustré par des exemples réutilisables.
L’analyse du sujet
Remarques préliminaires
Méthodologie
D’abord, on a ici deux notions qui se confrontent, ou plutôt qui demandent à être articulées. Il convient de le faire dans chaque partie de la dissertation. Il s’agit de penser à l’une puis à l’autre individuellement, puis de les lier dans le plan :
- L’un des phénomènes est-il la cause/conséquence/le frein/l’outil de l’autre ?
- L’un puise-t-il dans l’autre ? L’exacerbe-t-il ?
- L’un est-il un miroir de l’autre ?
Ensuite, ce sujet n’a pas de bornes temporelles, il est donc intéressant de penser à réaliser un retour sur les origines de la mondialisation et leur rapport avec la dépendance. Puis, sur ce type de sujet, il est conseillé d’étudier le ou les phénomènes à différentes échelles et les contrastes entre les territoires concernant l’impact ou l’intensité de ces phénomènes.
La thématique
On aborde une notion centrale du module II de première année : la mondialisation. Plus que classique, elle est omniprésente. Il faut donc en avoir des définitions multiples, à décliner selon les besoins. La dépendance, quant à elle, n’est pas à proprement parlé inscrite dans le programme, mais elle recoupe la majorité des sujets du module II de première année et elle est vraiment actuelle.
Enfin, c’est un sujet qui est plus que d’actualité (guerre en Ukraine, pénuries, dette…). Les États mettent aujourd’hui en place des mesures pour réduire leur dépendance dans les domaines stratégiques, trouver des alliés dont l’aide soit durable et s’assurer l’autosuffisance.
De même, il semble qu’une réticence face aux conséquences du processus mondialisé, et surtout face à la perte de souveraineté, apparaisse ces dernières années : relocalisation, régionalisation des échanges… L’heure est-elle à l’indépendance ?
Définition des termes du sujet
Mondialisation : la mondialisation est un ensemble de processus, inhérents à l’extension du capitalisme libéral à l’échelle mondiale, reliant entre eux les différents territoires du monde et les rendant donc interdépendants. Elle est multidimensionnelle et a une emprise à différentes échelles sur les territoires. Elle s’applique à l’ensemble des activités humaines, sans se limiter aux aspects commerciaux (matières premières, alimentation, produits manufacturés et services) et économiques (finance), et en touchant également les aspects sociaux, culturels et politiques.
Dépendance : situation d’un État ou d’une région source de vulnérabilité, en raison du manque d’une ressource ou d’économie fragile mettant ces espaces sous la pression de fournisseurs et d’investisseurs. La notion de dépendance est applicable dans des domaines variés (d’où l’utilisation du pluriel) qui occupent chacun une place spécifique dans les logiques d’échanges. Les dépendances caractérisent les domaines où les États ne sont pas compétents pour assurer la satisfaction de leurs propres besoins. Ils doivent ainsi s’en remettre à des tiers.
La dépendance s’oppose alors à l’autosuffisance. Elle peut prendre différentes formes (militaire, énergétique, alimentaire, hydrique, en matières premières, en main-d’œuvre industrielle, commerciale ou financière).
Une problématisation possible
Constat
Les deux termes sont intrinsèquement liés. En effet, la mondialisation est un processus de mise en relation des territoires et d’internationalisation des échanges. Elle crée donc nécessairement des situations d’interdépendances entre les pays qui exportent et ceux qui importent pour assurer leur sécurité. La mise en place progressive de la DIPP, depuis les années 1980, a favorisé un fonctionnement réticulaire du monde où les nœuds s’alimentent en synergie. Ceci a réduit la vulnérabilité, corollaire de la dépendance, de certains États. C’est la naissance du système-monde (R. Brunet). Les dépendances sont un miroir de la mondialisation et les deux s’entretiennent mutuellement.
Toutefois, lorsque les interdépendances sont dissymétriques, et c’est le cas dans le système mondialisé contemporain, alors elles deviennent des dépendances pour le parti qui est le plus dépendant. Il convient de ce fait d’analyser les contrastes notables entre les différents pôles de la mondialisation, lesquels sont singulièrement insérés au processus et dépendent plus ou moins de son bon fonctionnement pour survivre (modèle centres/marges/périphéries d’A. Reynaud). Si les périphéries sont dépendantes du centre, le centre est lui aussi dépendant des périphéries qui fournissent. Ainsi, on pourrait penser qu’un certain équilibre se dégage de ces logiques d’interdépendances.
Problème
Pourtant, on se rend compte aujourd’hui que ces interdépendances se transforment en dépendances : le risque est grand pour les territoires dépendants. Ceux-ci sont vulnérables à l’heure où les défis globaux se multiplient et s’exacerbent.
La conjoncture géopolitique joue d’abord un grand rôle dans l’évolution des dépendances. Toute situation instable, conflictuelle aux échelles infra et interétatiques, peut créer ou accentuer les besoins et les manques de certains espaces. Les crises récentes en témoignent et montrent la réalité des rapports de force entre des acteurs inégaux.
Il apparaît que les relations d’interdépendances sont maintenant aux mains des rapports de force géopolitiques qui gouvernent également le processus mondialisé. Les échanges commerciaux sont des questions diplomatiques, tandis que la gestion des crises est soumise à celle des dépendances, et que ces dernières constituent des outils efficaces de puissance économique et géopolitique, du fait des liaisons solides créées par la mondialisation.
Conjointement s’ajoutent les problématiques propres au XXIᵉ siècle qui sont autant de défis pour les pays dont les lacunes sont importantes : la pénurie de ressources due à la surexploitation, au changement climatique ou encore à l’augmentation de la population mondiale…
Conséquences et perspectives
Dès lors, il apparaît que mondialisation et dépendances vont de pair, mais que les dépendances ont pris une nouvelle dimension à l’heure d’un monde globalisé.
Pourtant, et cela rejoint le fait que la dépendance dépasse le champ économique pour rejoindre également la défense militaire, la diplomatie ou encore la culture, il semble que la tendance soit aujourd’hui à une remise en cause du processus de mondialisation, certains États voulant retrouver une forme d’autonomie, d’indépendance, en somme une pleine souveraineté dans les domaines.
Problématique possible
Dans quelle mesure la mondialisation, qui par définition est liée à l’interdépendance des territoires et des acteurs, favorise-t-elle des situations de dépendance contraignant la capacité d’autosuffisance des États ?
Proposition de plan détaillé
Ce plan prend la forme du constat – aspects – conséquences.
1. La mondialisation a créé un système-monde (R. Brunet) reposant sur une logique d’interdépendances, ce qui a permis de réduire la vulnérabilité de certains États
A) Le fonctionnement du monde en système depuis les années 1980
=> Conceptualisation et profondeur historique.
« La mondialisation, c’est l’échange généralisé entre les différentes parties de la planète, l’espace mondial étant l’espace de transaction de l’humanité. » O. Dollfus, La Mondialisation (2007)
- Une redéfinition du rôle de l’État s’opère dans les années 1980 : privatisations, remise en cause des frontières par le développement de la mondialisation, libéralisation du marché et financiarisation du monde par les 3D.
- Logique transcalaire (Cynthia Ghorra-Gobin) des entreprises dans laquelle l’espace mondial devient le cadre des activités humaines, créant nécessairement des interdépendances entre les territoires. Cela va de pair avec la division internationale du processus productif. Les entreprises partent construire des systèmes productifs dans d’autres pays.
B) Crée des interdépendances entre les centres de la mondialisation, mais aussi les périphéries essentielles et dépendantes à la fois
=> Typologie des pays concernant le phénomène étudié.
- Les centres intégrés au système, mais invariablement liés entre eux et aux marges.
- Des pays qui ont profité de la DIPP, car elle a engendré du développement, comme les NPIA en ISI.
- Certaines périphéries et nouveaux pôles importants qui utilisent leurs avantages comparatifs (Smith), comme le Brésil et les bénéfices de l’agrobusiness par exemple.
C) Mais ne donne que l’illusion d’un équilibre trouvé, car les interdépendances restent majoritairement asymétriques
=> Approche multiscalaire.
Malgré des avantages notables, la mondialisation met en avant des disparités entre les territoires concernant les ressources disponibles. En somme, les dépendances restent majoritairement asymétriques.
- Tout d’abord à l’échelle internationale. Par exemple, beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne se trouvent aujourd’hui pris au piège par l’emprise de la Chine sur les investissements publics nationaux. Dans le cadre de la BRI (Belt and Road Initiative) et pour développer des voies de commerce dont la Chine a besoin, cette dernière investit beaucoup sur le continent pour favoriser le développement d’infrastructures avantageuses pour elle. Elle détient également une grande partie de la dette de certains pays, ce qui crée une dépendance financière importante et met les pays débiteurs en situation de soumission. Par exemple, 80 % du PIB de Djibouti est alloué au remboursement de la dette chinoise.
- Mais aussi à l’échelle régionale, comme pour la Méditerranée qui abrite une petite mondialisation à elle toute seule. Elle montre les disparités de développement entre la rive nord et la rive sud : les pays riverains du Maghreb font la majorité de leurs échanges avec l’Europe, tandis que le Maghreb ne représente que 3 % des échanges commerciaux de l’Europe.
- Et enfin, à l’échelle locale, comme c’est le cas dans les maquiladoras, par exemple (il peut être intéressant de réaliser un croquis explicatif).
Transition
Les interdépendances deviennent des dépendances et ne profitent pas nécessairement aux acteurs, tandis que la mondialisation crée de nouvelles dépendances risquées et qui s’accentuent.
2. Mais des dépendances de plus en plus contraignantes, car elles s’accroissent avec les défis actuels posés par la mondialisation et ses conséquences
A) Les crises récentes et leurs conséquences : typologie des crises
- Les crises économiques sont révélatrices des failles du processus de mondialisation et des dépendances croissantes. La crise des subprimes en 2008 a à ce titre affaibli les États-Unis, aujourd’hui, leur dette extérieure est très importante. La Chine en est ainsi le deuxième pays contributeur, ce qui lui confère un puissant levier géopolitique.
- Les crises qui sont des conséquences de dysfonctionnements de la mondialisation liés aux dépendances, telles que la dépendance alimentaire. Durant les émeutes de la faim (2007-2008), plus d’une trentaine de pays, majoritairement des PMA, ont connu les révoltes des populations urbaines incapables de se nourrir du fait de l’explosion des prix. C’est une conséquence des politiques agricoles des pays qui tiennent les ficelles du marché. Ils utilisent l’exportation à bas prix de leurs denrées alimentaires excédentaires dans les PED, induisant une mise à genou de l’agriculture vivrière locale.
B) Les défis du XXIᵉ siècle : exacerbation des dépendances pour tous les pays
=> Sous-partie thématique : aspects des dépendances.
Les dépendances auxquelles tous les pays se sont accoutumés deviennent contraignantes et menaçantes. Elles s’accentuent du fait des défis propres au XXIᵉ siècle et qui s’inscrivent dans les changements globaux (pénuries en ressources, manque d’eau, changement climatique, surpopulation…).
- Dans les PED et PMA, malgré l’abondance de ressources dans certains pays, il y a l’impossibilité de les gérer au sein d’États faillis. De plus, la dépendance à la rente et la dutch disease ne permettent pas d’engendrer du développement et ne comblent pas les pénuries. Un exemple édifiant est celui du Nigéria, car ses ressources en hydrocarbures sont abondantes. Toutefois, ce pays n’est pas en mesure de raffiner le pétrole. Il se trouve donc dans l’obligation d’importer du pétrole raffiné. C’est une situation paradoxale qui montre que les mécanismes de la mondialisation engendrent des dépendances difficiles à endiguer.
- Dans les pays développés se fait notamment ressentir le besoin de main-d’œuvre. Dans les Émirats du Golfe peu peuplés, cela est prégnant. Le système du Kafala permet d’employer de la main-d’œuvre étrangère, majoritairement asiatique. Ainsi, aux États-Unis, plus de 80 % de la population est étrangère.
C) La résolution des crises prend en compte le facteur dépendance
=> Approche plus géopolitique, on élargit la notion de dépendance.
- Les pays développés arrivent plutôt bien à gérer les dépendances, mais ce n’est pas le cas des autres, ce qui a tendance à exacerber les contentieux et c’est donc facteur de conflictualité et de précarité. Il y a de nombreux exemples en Afrique subsaharienne.
- Les dépendances influent sur les alliances et les inimitiés. La dépendance militaire au sein de l’OTAN le montre. Les pays d’Europe de l’Est sont très favorables au maintien du parapluie américain pour leur propre sécurité. Elles orientent également le choix des partenaires diplomatiques.
- La dépendance est difficile à enrayer au regard de la géopolitique. Ainsi, l’Union européenne n’a pas cessé l’importation d’uranium russe après le début de la guerre, notamment car cette ressource est rare mais indispensable au fonctionnement des centrales nucléaires. Selon la journaliste Adriana Rodrigo, cette faille crée un « trou dans les sanctions de l’Union européenne si grand qu’on pourrait y faire passer un char ».
Transition
Les dépendances, à mesure qu’elles s’accentuent, tendent à devenir des menaces pour les États qui en souffrent, et les crises récentes en témoignent. La résolution de ces crises passe invariablement par celle du facteur dépendance, lequel oriente la recherche d’alliés et définit la marge d’action des États.
Il existe une ambivalence entre la condition de la satisfaction de ses besoins qui sont parfois assurés par des acteurs externes avec lesquels il faut coopérer et la volonté croissante de remédier à cette situation par le développement d’une autosuffisance stratégique. C’est le cas de certains États qui souhaitent réduire les dépendances pour restaurer leur souveraineté.
Alors cela signifie-t-il conjointement de dire au revoir au système mondialisé ? Celui-ci n’est-il par un frein à la quête d’indépendance ?
3. Ce qui amène les États à vouloir tendre vers une réduction des dépendances : par la remise en cause du modèle mondialisé ?
A) Une nouvelle manière d’appréhender le rapport entre puissance (autonomie d’action) et mondialisation
=> Perspectives actuelles et aspects.
« Le principal symptôme de la mondialisation est l’interdépendance, qui est le contraire de la souveraineté, qui est la base de la puissance. » Bertrand Badie
Il semble que la mondialisation rentre en opposition avec la volonté de souveraineté d’États qui refusent aujourd’hui les dépendances, car elles sont facteur de faiblesse. Ceci témoigne d’une nouvelle manière d’envisager la puissance d’un État. Celle-ci passe par la prise de conscience quant au caractère conflictuel des relations d’interdépendances, lesquelles peuvent être à la fois un outil de puissance ou un frein à la puissance.
B) Face au constat de la dépendance renaît la volonté d’indépendance, de souveraineté
« L’impératif de limitation des dépendances prend une place nouvelle dans les stratégies commerciales », d’après l’économiste Sébastien Jean. Il décrypte une « nouvelle grammaire » de la mondialisation dans laquelle « la volonté d’indépendance est érigée en vertu cardinale ».
Ceci passe par des tentatives de relocalisation, de réindustrialisation… Prenons l’exemple de l’« Armageddon des puces ». Cette situation est un miroir de la guerre technologique et commerciale entre les États-Unis et la Chine.
En effet, la majorité des microprocesseurs essentiels à l’innovation est fabriquée à Taïwan. Or, il y a dans la zone une instabilité géopolitique. Celle-ci est liée aux prétentions chinoises en mer de Chine méridionale qui s’ajoutent aux problèmes de pénurie déjà advenus. Ainsi, les États-Unis ont décidé de produire ces puces sur leur territoire (CHIPS Act) pour éviter d’être tributaires des soubresauts géopolitiques.
Washington pourrait effectuer un « découplage ciblé » dans les domaines où la Chine a des besoins, mais n’est pas autosuffisante. Parallèlement, on envisage un « couplage précis » avec un assouplissement des contrôles à l’exportation pour ces produits vers la Chine. (Rapport de l’Université de Pékin, 2022)
C) Mondialisation et indépendance : un oxymore ?
=> Limites des perspectives et prospective dans la conclusion.
Il paraît difficilement envisageable de replier totalement les productions sur le territoire national, et ce, car les pays n’ont pas tous les mêmes ressources ni les mêmes opportunités. Pallier une dépendance, c’est souvent en créer une autre.
Le cas de l’Europe et de sa « translation énergétique » (E. Hache) est emblématique. L’Union européenne souhaite devenir indépendante des productions de gaz russe, mais doit ainsi se tourner vers de nouveaux pays fournisseurs. Le maintien de la sécurité énergétique prime sur l’envie d’autosuffisance.
L’autarcie n’est pas non plus un modèle viable : les économies en marge de la mondialisation en difficulté sont finalement en situation de manque dans des domaines divers (Cuba, Corée du Nord…).
Conclusion
On pourrait développer sur la tendance à la régionalisation des échanges : l’intégration régionale, en grand développement depuis plusieurs décennies, est-elle une alternative pour concilier relative indépendance et système commercial internationalisé ?
N’hésite pas à consulter tous nos articles de géopolitique !