toyotisme

Le toyotisme est une forme d’organisation du travail novatrice initialement imaginée au Japon par Taiichi Ono. L’ingénieur du groupe Toyota partagea son idée après la Seconde Guerre mondiale. S’inspirant du fordisme, son modèle tente d’augmenter les gains de productivité tout en favorisant la responsabilité des travailleurs. Nous proposons dans cet article de t’en présenter quelques caractéristiques afin de comprendre comment il s’est progressivement distingué du modèle tayloro-fordisme par son efficacité opérationnelle.

Contextualisation

La remise en question du système tayloro-fordiste

La crise de 1970 signe un essoufflement certain du tayloro-fordisme. Elle met en évidence une baisse des rendements, mais aussi une incapacité à répondre à la diversification de la demande.

De plus, l’aliénation des ouvriers travaillant à la chaîne est condamnée. C’est ce qu’expliquent notamment Boltanski et Chiapello dans Le Nouvel esprit du capitalisme en 1999. À travers leur « critique artiste », ils soulignent la suppression radicale de l’autonomie et de la créativité des travailleurs engendrée par la parcellisation des tâches. En effet, chaque ouvrier réalise jour après jour la même activité.

Ronald Inglehart met également en avant l’émergence de valeurs post-matérialistes dans les années 1970. Autrement dit, les individus attacheraient moins d’importance à la sécurité matérielle et valoriseraient davantage le sentiment d’appartenance et l’expression de soi.

Relancer l’économie japonaise à tout prix

L’idée du toyotisme fait donc suite à cette nécessaire refonte du tayloro-fordisme. Elle a été principalement motivée par le désir de faire du Japon une grande puissance mondiale après 1945. Faisant face à une pénurie de capital et à un manque de demande intérieure empêchant toute production de masse, il semblait impossible pour le pays de copier le modèle fordiste.

À la fin de la guerre, Taiichi Ono note que la productivité d’un ouvrier américain est environ neuf fois supérieure à celle d’un ouvrier japonais. En août 1945, le PDG de Toyota déclarait, en accord avec les préoccupations de l’ingénieur, « qu’il faut absolument rattraper les États-Unis d’ici trois ans, sinon l’industrie automobile japonaise va mourir ».

Les principes phares du toyotisme

La flexibilité de l’organisation du travail

Le toyotisme met tout d’abord en avant la polyvalence des ouvriers. Cette dernière favorise la réduction des coûts, mais aussi la continuité dans la production, notamment face à l’absence potentielle de salariés. La flexibilité du système permet à tous les ouvriers d’échanger sur les manières d’améliorer le schéma de réalisation de la tâche et donc de gagner en gain de productivité.

Les ouvriers sont également plus enclins à trouver du sens dans leur travail, ne se spécialisant pas uniquement dans une activité limitée.

La production en flux tendus et le « juste à temps »

La méthode de gestion de la production appliquée par le toyotisme est dite en « flux tendus ». Elle revient à diminuer le plus possible le temps de passage des produits à travers les différentes étapes de leur conception. Elle est souvent associée au principe des cinq zéros :

  • 0 stock : les stocks s’adaptent à la demande en temps réel, c’est-à-dire que la production est lancée au moment où la commande est passée. Cela permet à la fois de réduire les moyens mis en œuvre pour la gestion des stocks, mais aussi d’éliminer le gaspillage ;
  • 0 délai : les délais de production et de livraison sont drastiquement réduits ;
  • 0 papier : le poids de l’administratif est diminué au maximum ;
  • 0 défaut : les produits finis se doivent d’être complètement fonctionnels ;
  • 0 panne : les difficultés techniques sont évitées par le partage des difficultés rencontrées. Un système de circulation optimale de l’information, appelé Kanban, vise à rendre publiques et accessibles les données essentielles concernant la production. Ce nom provient des étiquettes ou fiches de renseignement associées à chaque pièce, limitant les zones d’incertitude et encourageant l’adaptabilité de l’organisation de la production.

Cette méthode s’oppose à celle dite en « flux poussés », qui s’attache davantage aux prévisions de la demande. Alors que la méthode en flux tendus adopte le « juste à temps », on parle parallèlement pour la stratégie des flux poussés de « juste au cas où ». Dans le cadre de cette dernière, la satisfaction renforcée des clients se voit contrebalancée par le risque d’invendus.

La compétitivité hors prix

Le toyotisme insiste par ailleurs sur la qualité en opérant une différenciation croissante des produits. Il se distingue sous cet angle de la standardisation du tayloro-fordisme. Dans son ouvrage Économie japonaise : information, motivations et marchandage publié en 1991, Masahiko Aoki explique que la compétitivité hors prix et la capacité d’adaptation à la demande des produits japonais deviennent les piliers du succès des firmes du pays (modèle J) face aux firmes américaines (modèle A).

L’implication des travailleurs

Enfin, le toyotisme instaure des cercles de qualité rassemblant ouvriers et dirigeants pour comprendre comment la production est vécue. Dans les années 2000, les industries automobiles japonaises recevaient ainsi cent fois plus de suggestions de la part de leurs employés que les compagnies américaines.

Dans son ouvrage A Theory of Human Motivation, publié en 1943, Abraham Maslow théorise sa pyramide des besoins. Il explique que l’accomplissement de soi, l’estime et le sentiment d’appartenance font partie des cinq besoins fondamentaux de tout être humain, au-delà des besoins physiologiques et des besoins de sécurité. Le toyotisme permettrait donc dans une certaine mesure d’améliorer le bien-être des travailleurs.

La généralisation du toyotisme

Dans les années 1980-1990, la flexibilité initiée par le toyotisme devient progressivement un dogme dans toutes les organisations du travail occidentales. Cependant, ce modèle n’est pas si facilement exportable. La flexibilité est souvent davantage objet d’affichage que réalité.

Comme le montre Philippe d’Iribarne dans son ouvrage La Logique de l’honneur, publié en 1989, le toyotisme est culturellement situé et intrinsèquement lié au système culturel japonais. En effet, les Japonais sont caractérisés par leur grande loyauté et leur respect rigoureux des consignes collectives. Bon nombre d’entre eux gardent même leur emploi dans la même entreprise tout au long de leur vie.

Et après le toyotisme ?

Dans son ouvrage Le Modèle Tesla – Du toyotisme au teslisme : la disruption d’Elon Musk, paru début 2020, Michaël Valentin, directeur associé chez OPEO, partage le système d’organisation de Tesla initié dans les années 2010 et aujourd’hui suivi par de nombreuses entreprises. Il développe la thèse qu’Elon Musk serait à l’origine d’un nouveau modèle d’organisation associé à la quatrième révolution industrielle, venant remplacer le toyotisme.

Selon lui, « Tesla incarne la mutation de l’industrie vers un secteur hybride entre le digital et l’industriel. » Face à la pénurie des semi-conducteurs après la crise de la Covid-19, Tesla adapte à distance ses voitures aux composants disponibles. En 2021, l’entreprise modifie plus de vingt et une fois le logiciel sur lequel reposent ses voitures. Cette agilité du modèle d’organisation repose donc sur l’hyperconnexion permise par le numérique.

Le teslisme est également un modèle participant à la promotion de l’économie de l’usage. Il ne s’agit plus de vendre uniquement un produit, mais également des services. Sur le marché automobile notamment, les constructeurs proposent des véhicules avec des technologies toujours plus évoluées. Enfin, ce modèle tente de répondre aux préoccupations des consommateurs en accompagnant l’accélération de la transition énergétique.

J’espère que cet article t’aura permis d’approfondir tes connaissances sur le toyotisme et l’organisation du travail. N’hésite pas à aller consulter les autres articles d’économie ici et les bonnes copies de concours .