Patrick Artus (né en 1951) est un économiste français. C’est un auteur important dans le programme d’économie (ESH) en prépa ECG. Il a écrit sur de nombreux sujets économiques : il est spécialiste des politiques monétaires et du SMI, théoricien de la stagnation séculaire, théoricien des liens entre variation de population et croissance, et il prône une réforme urgente du capitalisme.
Sa carrière
Il est polytechnicien, diplômé de l’ENSAE et de Sciences Po, il a été directeur de la recherche et économiste en chef de la banque Natixis, puis administrateur de Total et est également professeur à l’Université Paris-Dauphine, puis à Polytechnique et enfin à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Ses ouvrages
La France sans ses usines, 2011, avec Marie-Paule Virard
Et si les salariés se révoltaient ?, 2018, avec Marie-Paule Virard
40 ans d’austérité salariale, 2020
Les mutations du SMI, note Natixis de 2020
La Dernière chance du capitalisme, 2021, avec Marie-Paule Virard
Regards sur la zone euro, 2021
Ses théories
Sur les difficultés à la suite des mutations récentes du SMI
Module 3.2 – La dynamique de la mondialisation financière : le SMI
Dans sa note à Natixis, Les mutations du SMI en 2020, Artus évoque deux périodes récentes de mutations du SMI.
- 1990-2012 : il l’appelle « Bretton Woods 2 ». La situation est plutôt stable, malgré le privilège exorbitant des États-Unis, qui financent leur déficit grâce à des bons du Trésor, détenus par des non-résidents (notamment la Chine, qui détient 1/5 de ces bons en 2012).
- À partir de 2012, il évoque une zone de turbulence monétaire internationale : le SMI dysfonctionne. Les raisons :
- la Chine stabilise sa détention de bons du Trésor américains, alors que le déficit américain augmente ;
- le paradoxe de Lucas : détournement de l’épargne et des capitaux des pays en besoin de financement vers les États-Unis, qui n’ont pas besoin de financement… mais qui semblent fiables. Ce qui entraîne une mauvaise allocation des capitaux et une rentabilité moindre de ces derniers.
Le problème est que les États-Unis sont encore favorisés par ce SMI, car ils attirent l’épargne du reste du monde. Mais le principal risque, selon Patrick Artus, est qu’un nouveau paradoxe de Triffin émerge. La surexploitation du dollar comme monnaie de réserve pourrait entraîner une hausse intenable de l’endettement, ce qui engendrerait une baisse de confiance dans leur capacité à attirer des capitaux étrangers.
Critique de la théorie monétaire moderne de Stephanie Kelton
Module 1.1 – Les fondements de l’économie : la monnaie
Pour savoir ce qu’est la MMT (théorie monétaire moderne), je t’invite à lire cet article de Major-Prépa.
Stephanie Kelton est une économiste américaine, apportant une vision radicale de cette théorie, dans son ouvrage Le Mythe du déficit, paru en 2021. Je vais te résumer en quelques mots ce que tu dois savoir sur cet ouvrage. Il n’y a pour elle aucune raison de limiter la création monétaire par les banques centrales et par les États. Les États doivent émettre de la monnaie massivement et sans limite (la création monétaire), qu’ils doivent utiliser pour pratiquer du déficit, permettant d’atteindre à terme le plein emploi (son objectif). Elle appelle cet argent émis sans limite « l’argent magique ».
Un grand nombre d’économistes ont critiqué la MMT et surtout les théories de Stephanie Kelton. Patrick Artus fait partie de ces économistes critiques. Il défend qu’une telle gestion du déficit générerait une utilisation inefficace de l’épargne. En effet, l’épargne privée ne serait plus drainée par des titres de dette publique.
Sur les défaillances du capitalisme et les solutions envisagées
Cette partie se base sur l’ouvrage d’Artus avec Marie-Paule Virard : La Dernière chance du capitalisme
Je t’invite à aller lire ces articles (partie 1 et partie 2). Je vais te les résumer.
- Artus dresse d’abord le constat alarmant des importantes défaillances du capitalisme néolibéral, menant à trois impasses : une hausse des inégalités, l’insoutenabilité environnementale et la stagnation séculaire. Le capitalisme contemporain essaie tant bien que mal depuis de survivre, par une envolée des dettes privées, un endettement public mondial qui menace d’être insoutenable et le quantitative easing (depuis 2008 pour la Fed, 2015 pour la BCE) qui menace d’amener à l’impasse de l’inflation et de la crédibilité de la monnaie. Il y aura d’importantes crises, si l’on ne change pas, avertit-il.
- Il propose deux solutions :
- il faut faire que le libéralisme et le capitalisme soient au service du bien collectif (et non seulement au service des actionnaires). Il faut suivre l’exemple de la RFA, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ;
- il faut que l’État intervienne pour créer un esprit de responsabilité et de communauté. Cela passe par une meilleure représentation des syndicats, par le versement d’une partie des salaires en actions de l’entreprise, pour qu’ils soient intéressés par les résultats de long terme de cette dernière, par la réduction des inégalités de patrimoine, par la lutte contre les monopoles et oligopoles, notamment des plates-formes numériques, et par la stimulation de l’innovation et la reprise de la croissance économique.
Si le capitalisme ne s’aligne pas sur ces solutions, il disparaîtra, entraînant des désastres économiques, politiques, géopolitiques et sociaux.
Sur la stagnation séculaire
Module 2.1 – La croissance et le développement depuis le XIXᵉ siècle
D’abord, qu’est-ce que la stagnation séculaire ? Un rapide rappel : la stagnation séculaire est la stagnation des taux de croissance aux alentours de 2 % par an. Les causes peuvent être multiples et de nombreux économistes cherchent à les comprendre. Pour Alvin Hansen (en 1939), elle est due à un ralentissement démographique, pour Robert Solow (en 1987) et Robert Gordon (Is US Economic Growth Over?, 2012), elle est due à la déconnexion entre l’innovation et les gains de productivité.
Patrick Artus, lui, évoque encore une autre cause : les politiques monétaires trop accommodantes, engendrant une trappe à liquidité. Il prend l’exemple du Japon, car ce pays a connu depuis les années 70, à cause de la crise immobilière, des taux d’intérêt faibles et une croissance économique faible. Il parle même de la « japonisation de l’économie mondiale », depuis les années 70.
Sur le lien entre variations de population et économie
Artus établit une causalité positive entre l’immigration et la croissance économique d’un pays. Selon lui, l’afflux de population entraîne une hausse de la population active, qui entraîne un gain de productivité, engendrant une hausse de la croissance potentielle du pays.
Par exemple, Patrick Artus voit la crise migratoire en 2015 en Europe comme une « chance pour l’Europe » et pour son économie.
Artus montre, dans une note Natixis, que le vieillissement de la population peut être une cause d’une faible inflation.
Module 4.1 – Équilibre et déséquilibres macroéconomiques : l’inflation
Le mécanisme est le suivant : lorsque la population vieillit, elle génère une épargne trop abondante par rapport aux besoins de l’économie, ce qui entraîne un taux d’intérêt bas et donc une inflation structurellement basse. Artus prend l’exemple du vieillissement démographique de la Chine. Mais il semble que ce critère ne soit pas suffisant, car tu le constates bien aujourd’hui, les pays d’Europe connaissent un vieillissement accru et une inflation forte !