Lors de l’épreuve de HGGMC ESSEC/EDHEC, il peut être bénéfique de réaliser un croquis relativement concis, si le sujet s’y prête, car cela ajoute une réelle plus-value à la copie qui peut permettre de gagner quelques points en se démarquant. Une méthode et des prérequis particuliers sont attendus pour ce type de réalisation. Ainsi, on te propose ici un format qui regroupe une proposition de croquis entièrement créé, accompagné de sa légende, et une analyse de la situation dans la zone étudiée, te permettant de comprendre dans quels sujets utiliser ce croquis. Dans cet article, nous nous intéresserons aux enjeux du lac Tchad et des pays riverains.
Le croquis et sa légende
Présentation
Le croquis proposé est certes un peu complexe, mais il peut être mémorisé avec un travail sérieux et n’a pas besoin d’être aussi précis du point de vue des tracés.
On peut également imaginer ne pas faire toutes les parties proposées dans la légende, en fonction du sujet sur lequel on travaille.
Dans quels sujets l’utiliser ?
Thématiques de première année
- Les enjeux du changement global
- Les défis de l’alimentation
- La géopolitique de l’eau
- La croissance démographique et ses conséquences/défis
Thématiques de deuxième année
- Le Sahel
- L’intégration régionale
- Le djihadisme sur le continent africain
L’organisation du croquis en lui-même
Un croquis doit être visuellement « fonctionnel » et parfaitement limpide. Il ne s’agit pas de réaliser une carte ESCP très détaillée, mais plutôt de faire passer les messages clés par une légende simple. Les parties de la légende sont ici en lien et suivent le plan acteurs-contentieux-causes et enjeux.
On observe que la première partie contient des figurés de surface pour situer les emplacements des acteurs et leurs particularités. La seconde contient quant à elle des figurés ponctuels pour localiser précisément les zones d’instabilité, mais aussi des figurés qui catégorisent les pays étudiés pour distinguer les différents ensembles économiques et géopolitiques.
Les points essentiels à retenir pour comprendre les enjeux de la problématique
Le lac Tchad est un bassin hydrique primordial pour les pays qui le bordent. Il est la plus grande réserve d’eau présente dans cette partie du continent africain et prodigue ses ressources à une population toujours plus nombreuse, confrontée aux problématiques alimentaires, mais aussi sous le joug des évolutions climatiques actuelles laissant présager une diminution des ressources disponibles. De plus, des soubresauts politiques récurrents adviennent dans certains pays riverains, ce qui accentue l’instabilité de la région.
Ainsi, le lac Tchad est un miroir des enjeux propres au Sahel : recherche difficile de stabilisation politique et violence des groupes armés qui exacerbent les problématiques liées au risque de disette/famine, et partage des ressources pour une population en forte croissance.
Un espace dont les ressources sont précieuses
Un bassin essentiel pour les populations locales, mais des ressources menacées
Tout d’abord, le lac Tchad fournit l’eau à plus de 40 millions de personnes et 90 % de la subsistance de ces populations dépend de l’agriculture et de l’élevage dans la région.
L’espace est complexe à mettre en culture (marécageux, très aride), ce qui s’additionne avec une surexploitation croissante des terres et de l’eau du lac. Plus récemment, le développement du modèle d’agrobusiness accentue encore ce phénomène.
Enfin, le climat dépend de la zone tropicale qui est comprise entre le domaine saharien et soudanien, avec une alternance entre une courte saison humide estivale et une très longue saison sèche. Les tempêtes de sable sont récurrentes et représentent des inconvénients majeurs pour l’entretien des cultures vivrières. A fortiori, le changement global accentue les sécheresses et impacte donc l’agriculture. L’acidification et la salinisation progressives de l’eau menacent cet espace.
En l’état actuel, environ cinq millions de personnes souffrent de l’insécurité alimentaire dans la région.
Une coopération entre les acteurs de la zone qui est rendue nécessaire
Le changement global induit donc un amenuisement des réserves en eau : le bassin nord n’est presque plus émergé, le bassin sud l’est de moins en moins (la pratique du bateau y est même devenue interdite). Ainsi, le « petit Tchad sec » risque de devenir une généralité.
Pour préserver les ressources présentes et s’organiser quant au partage de celles-ci, et puisque le lac Tchad est un lac international, une coopération se met progressivement en place. On retrouve ainsi la Commission du lac Tchad créée en 1964 par le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad. Elle gère « les ressources partagées, la préservation des écosystèmes et la promotion de l’intégration régionale, de la paix, de la sécurité et du développement ». C’est un rare exemple d’une gestion multilatérale réglementée des ressources en eau présentes sur plusieurs territoires.
D’autre part, 150 agents de l’ONU sont présents pour prodiguer une assistance alimentaire aux populations, mais des raisons sécuritaires et le manque de moyens financiers rendent le travail difficile. C’est pourquoi le PAM a divisé les rations par deux en 2022.
Même si le lac Tchad a encouragé la coopération à l’échelle régionale, les difficultés des pays riverains incombent sur leur capacité à gérer durablement les ressources du lac. L’enchevêtrement des conditions complexes présentes au départ et des conséquences de la gestion laborieuse de l’espace crée tout autant que cela résulte de l’instabilité régionale.
Ce qui est à la fois facteur et conséquence d’instabilité
Des pays riverains dont les difficultés socioéconomiques sont prégnantes
Les pays qui bordent le lac Tchad portent en eux les problématiques socioéconomiques propres à certains pays du Sahel et de l’Afrique subsaharienne. La croissance démographique y est la plus forte et pose la question de la possibilité des espaces à accueillir et à approvisionner toujours plus d’humains. Depuis 1960, la population de la région du lac Tchad a doublé, et cela continue puisqu’on estime aujourd’hui que 130 millions d’habitants y seront présents en 2050. Par exemple, le Nigeria sera, selon les prévisions et d’ici à 2050, le troisième pays le plus peuplé du monde.
Ce qui pose souci est que ces États n’ont pas la stabilité politique ni les capacités économiques suffisantes pour assurer aux populations la satisfaction de leurs besoins. En effet, le Tchad, le Niger, le Mali, la RCA et le Soudan sont des PMA dont l’économie est donc très précaire, parfois reposant sur la rente (Dutch disease), ou bien perturbée par les soubresauts politiques (groupes armés, corruption, détournement des fonds publics). Cela impacte la résilience des populations.
Parallèlement, depuis 2015, des groupes armés sévissent autour du lac Tchad et ont engendré plus de 2,3 millions de déplacés. Ce sont principalement des populations qui vivaient sur les îles du lac, lesquelles sont devenues des « bases de repli pour les groupes armés » (Le Monde). Ainsi, les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs sont forcés de quitter leur territoire de prédilection et doivent partager des terres appartenant aux autochtones, ce qui crée des tensions. C’est le djihadisme qui impacte fortement la région, porté par Al-Qaïda et Boko Haram (supplanté par l’État islamique).
Un enchevêtrement de problèmes sécuritaires et politiques : une conflictualité enkystée
Les groupes djihadistes perturbent donc la vie des populations tout autant que l’organisation politique des pays dans lesquels ils sévissent. Autour du lac Tchad, ils visent principalement les civils, dans l’idée d’enrôler de nouveaux combattants et d’accaparer les ressources locales (récoltes et bétail).
D’un point de vue politique et militaire, à l’échelle infraétatique mais aussi interétatique, une instabilité persistante caractérise la région. La présence d’États dits « faillis » n’arrange pas la prise en charge de la situation locale. Ainsi, on peut prendre trois exemples :
- Le récent coup d’État en juillet 2023 au Niger qui marque l’action de groupes militaires putschistes contre le gouvernement en place. Ceci montre également une volonté de mettre fin à l’ingérence occidentale dans le pays.
- Le conflit sud-soudanais : le Soudan du Sud est le pays le plus jeune du monde qui a connu une guerre civile entre 2013 et 2020, marquée par la résurgence de tensions entre les différents groupes du Mouvement de libération du Soudan (Dinkas et Nuers), lequel a mené à l’indépendance en 2011. Les pays ont signé un cessez-le-feu, mais de vives tensions et des dommages collatéraux importants sont toujours d’actualité dans le pays.
- Le Darfour, région soudanaise, est marqué par un conflit armé local depuis 2003 sur fond de tensions ethniques. La région, déjà en lourde difficulté économique et politique, en pâtit grandement. Les attaques rebelles contre le gouvernement y sont récurrentes. Selon Le Monde diplomatique, « en mars 2004, le coordinateur humanitaire de l’ONU au Soudan déclare que la situation dans la région […] est “la plus grande catastrophe humanitaire actuelle” ». D’ailleurs, le président Omar el-Bechir est accusé de crime contre l’humanité.
Ainsi, on voit que l’instabilité politique et les exactions militaires rajoutent une forme d’insécurité prégnante dans la région.
Informations annexes
Un projet pour sauver le lac Tchad se déploie depuis les années 1980, car le niveau du lac a considérablement baissé. Il se nomme « Transaqua ». L’objectif de ce projet est de construire des canalisations pour alimenter le lac lorsqu’il n’a pas assez d’eau, notamment en transférant les eaux abondantes du bassin du Congo.
Toutefois, en réalité, certains observateurs dénoncent la dimension polémique, quasi sensationnaliste de cette idée. Le manque d’eau dans le lac Tchad n’est en réalité pas un problème permanent, mais les médias occidentaux le retranscrivent comme une catastrophe irréparable.
Conclusion
Finalement, on a vu que le lac Tchad est un espace très représentatif de l’enchevêtrement des problématiques et des enjeux économiques, politiques et climatiques en Afrique subsaharienne. C’est un espace rendu vulnérable et sujet au déclenchement d’une polycrise.
Tu peux utiliser ce croquis dans de multiples sujets, directement dans sa forme actuelle, ou en ne sélectionnant (et en approfondissant de fait) que certaines parties de la légende. Tu peux retrouver d’autres articles concernant la cartographie en HGGMC ici.
N’hésite pas à consulter tous nos articles de géopolitique !