Pompée

Bienvenue dans la deuxième partie de cet article sur l’Orient romain, dont la question est au programme de spécialité histoire-géographie des prépas A/L et LSH aux concours d’entrée des ENS de la session 2024. Maintenant que tu es familiarisé(e) avec la région, passons à l’événementiel et au caractère stratégique de l’Orient romain.

Si tu n’as pas lu la première partie, ça se passe ici.

L’Orient romain, territoire stratégique au fil des années

Grâce à la première partie de cet article, tu as un aperçu de l’Orient romain et de sa composition. Il s’agit de revenir en détail sur l’événementiel et sur la « grande Histoire » : le politique et le militaire. En effet, l’Orient romain est également au cœur des enjeux politiques et militaires, et cela, dès le début du siècle.

C’est que les richesses de l’Orient et sa position reculée en font un territoire hautement stratégique, poussant les généraux romains à y faire porter leurs ambitions. Sylla, Marius, Pompée, aucune des principales figures du siècle n’échappe à cette règle. C’est une importante constante qu’il te faudra surveiller tout au long du programme.

Sylla et Marius : l’Orient romain entre terre d’ambition et piège stratégique

En –96, le général Sylla se voit confier la fonction de propréteur en Cilicie, région située en Orient, au sud de l’Asie Mineure. Sa mission est de « sécuriser » la région et de la débarrasser de ses pirates, qui nuisent au commerce romain en Méditerranée. Si l’obtention de cette magistrature peut paraître banale, elle est un rouage important du pouvoir à Rome.

Les magistratures les plus importantes permettent à ceux qui sont nommés de considérablement s’enrichir, directement comme indirectement. D’une part, ils s’enrichissent directement en s’appropriant une partie des richesses de la région qu’ils administrent, d’autre part, c’est une occasion de développer les réseaux de clientèle, pilier du pouvoir à Rome.

Les provinces orientales

Les provinces orientales ont une particularité : elles sont considérées comme les plus intéressantes pour les magistrats. Étant les plus riches, c’est par leur administration qu’ils peuvent le plus s’enrichir. En clair : mieux vaut être propréteur en Asie, où les richesses abondent, qu’en Espagne.

On préfère alors obtenir une magistrature dans une province orientale. La Cilicie est d’autant plus intéressante que, dès lors qu’elle est une province frontalière de l’Empire (comme la plupart des provinces orientales), elle peut offrir des possibilités de conquête à Sylla. Si ce dernier n’entreprend pas de conquête, il rétablit un roi « client » sur le trône de Cappadoce et noue des relations diplomatiques avec l’Empire parthe, futur grand ennemi de Rome. L’Orient est le lieu de potentielles oppositions militaires.

Justement, en –88, alors que Sylla est consul, le roi du Pont Mithridate VI décide d’une politique d’expansion, envahissant la Cappadoce et la Bithynie, deux royaumes clients de Rome, et la province romaine d’Asie. La Grèce, qui n’est que récemment passée sous domination romaine (–146), y voit une occasion et appelle Mithridate à l’aide. Certaines cités grecques profitent de la faiblesse de Rome (la ville est secouée par la guerre civile entre Marius et Sylla) pour se rallier à Mithridate. C’est donc tout l’Orient romain qui vacille avec ce début de la guerre contre Mithridate.

Sylla ayant chassé son opposant Marius, il peut prendre le commandement de l’armée d’Asie et reprendre l’Orient. D’abord, la Grèce, ensuite les territoires d’Asie Mineure. En Grèce, Sylla pille bon nombre de sanctuaires (Épidaure, Olympie) pour se constituer un butin et financer une guerre que Rome n’a pas les moyens de mener. Il reprend, par des sièges, les cités qui s’étaient ralliées à Mithridate : cette campagne restera gravée dans la mémoire des Grecs comme un événement inqualifiable.

L’Asie Mineure

Le général part ensuite vers l’Asie Mineure, à partir de la fin –86, et parvient à reprendre la province d’Asie avant de négocier la paix de Dardanos avec Mithridate. Le roi du Pont peut conserver son royaume et bénéficier du statut d’allié du peuple romain, à condition de verser une lourde indemnité de 2 000 talents, de remettre la majeure partie de sa flotte de guerre (70 navires) et de rétribuer leurs royaumes aux souverains de Bithynie et de Cappadoce.

Sylla, qui se retire d’Asie, est triplement vainqueur de cette guerre. Il a restauré le prestige et les frontières de Rome, développé son mythe et acquis une fortune considérable. C’est en devenant le véritable conquérant (ou défenseur) de l’Orient que Sylla fonde sa légende. L’Orient romain se révèle être une incroyable source de potentialités pour un général ambitieux tel que Sylla.

Si l’obtention de magistratures, comme la préture ou le proconsulat, permet de s’enrichir, notamment lorsque l’on se retrouve envoyé dans une province orientale, elle implique également un éloignement de Rome, et donc du cœur de la vie politique. Un éloignement qui est d’ailleurs, selon la loi, obligatoire, puisqu’un proconsul, par exemple, ne peut quitter sa province sans l’autorisation du Sénat. Évidemment, cela peut être d’autant plus problématique pour les provinces orientales qui sont souvent les provinces les plus éloignées de Rome. En fait, tout éloignement prolongé de Rome peut se révéler dangereux.

C’est ce qui arrive à Sylla pendant sa campagne d’Orient. Marius et ses alliés, Cinna et Sertorius, profitent de son absence pour assiéger Rome dès –87 et font plier le Sénat. Marius et Cinna sont élus consuls pour l’année –86. Il est intéressant de signaler que leur puissance est réduite, car Sylla a la main sur l’Orient et sur une bonne partie de la richesse romaine.

La figure de Sylla

Sylla est une figure particulièrement intéressante si l’on veut étudier le rôle de l’Orient romain. C’est grâce à cet Orient romain que Sylla obtient (ou confirme) son prestige. C’est sa campagne d’Orient qui fait sa légende, constituant également un des éléments qui lui permettront d’obtenir le titre de dictateur après sa victoire sur les Marianistes.

L’Orient aurait aussi pu être un piège pour Sylla, puisque c’est son éloignement de Rome qui lui a coûté la légitimité de son pouvoir. Marius et ses partisans, contraignant le Sénat, lui ont retiré son commandement. Toutefois, c’est également sa mainmise sur l’Orient, région particulièrement riche, qui lui permet de limiter le pouvoir de ses ennemis et ainsi de faciliter sa reprise de Rome après lors de la guerre civile.

La carrière de Sylla, une des personnalités majeures de l’histoire romaine, révèle l’importance de l’Orient à l’époque de la République. C’est d’abord une région qui, en raison de sa richesse, est majeure pour la puissance romaine. Elle est aussi le lieu, pour les individualités politiques, d’un enrichissement pécuniaire, mais aussi honorifique puisque l’Orient présente des possibilités d’expansion. Enfin, être en Orient peut toutefois se révéler dangereux, puisque cela signifie être (très) éloigné du centre politique que représente Rome, et donc de la vie politique.

Pompée : l’Orient romain comme pilier de la puissance romaine et terre d’expansion

Dans les années –70, Pompée marche dans les traces de Sylla. Il est envoyé en Orient pour lutter contre la piraterie, la lex Gabinia de –67 lui conférant un imperium infinitum terra marique, un commandement universel. De la même manière que pour Sylla, ce commandement permet à Pompée de s’enrichir. Il met la main sur les trésors accumulés par les pirates et obtient une certaine gloire. Comme Sylla, c’est en Orient que Pompée construit sa légende (même si, comme Sylla, il avait déjà un ou deux faits d’armes à son actif).

Cela se poursuit l’année suivante avec l’événement qui ouvre ton programme. En –66, la lex Manilia confère à Pompée le gouvernement de la Bithynie et de la Cilicie, mais également la charge de la conduite de la guerre contre Mithridate. Cette loi, qui offre à Pompée un pouvoir extrêmement conséquent, constitue la première marche d’une escalade vers la dictature et le principat (l’Empire). La deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. est en effet la période qui voit la République romaine disparaître, et l’Orient joue un rôle absolument central dans ce basculement.

Bibliographie

Pour terminer cet article, voici quelques sources qui pourraient t’être très utiles tout au long de l’année pour approfondir tes cours. Concernant les ouvrages récents, il existe un historien français qui est un véritable spécialiste de l’Orient romain : Maurice Sartre. Deux de ses ouvrages te seront particulièrement utiles :

  • L’Orient romain. Provinces et sociétés provinciales en Méditerranée orientale d’Auguste aux Sévères (31 avant J.-C. –235 après J.-C.), Seuil, L’Univers historique, 1991 ;
  • Les Provinces de Méditerranée orientale d’Auguste aux Sévères 31 avant J.-C. –235 après J.-C., Points, Points Histoire, 1997.

On peut également citer l’excellent ouvrage de Paul Veyne, incontournable, peu importe le sujet : L’Empire gréco-romain, Seuil, Des Travaux, 2005.

Il existe ensuite quelques œuvres antiques qui peuvent être de bonnes sources : la guerre civile qui oppose César à Pompée notamment est traitée à la fois par César lui-même (Guerre civile), par Lucain (Pharsale) et par le pseudo-César (Guerre d’Alexandrie). Et puis un historien romain a apporté une contribution importante à l’écriture de cette période : Tacite, avec ses Annales.

Nous te souhaitons bon courage pour la préparation de cette question et t’accompagnons toute cette année dans ton travail, alors reste connecté(e) !