Nous abordons ici la deuxième partie de l’ouvrage Who are We? de Samuel Huntington. Si tu n’as pas consulté la partie une, n’hésite pas à la lire avant de t’intéresser à cette page !
Les défis que doit affronter l’identité américaine
A) La question de l’immigration
Les États-Unis ont une particularité : aucun pays développé n’est plus proche d’un pays du tiers-monde que les États-Unis. Cela explique l’immigration massive, notamment mexicaine. En 2000, 75,2 % des habitants de la ville de Miami (la grande ville la plus hispanique des 50 États américains) parlaient à la maison une langue autre que l’anglais. 89,3 % d’entre eux parlaient espagnol.
Miami est devenue une ville enclavée avec sa propre communauté culturelle et sa propre économie. Dans cette dernière, l’assimilation et l’américanisation n’étaient pas nécessaires et, dans une certaine mesure, non souhaitées. La persistance de l’immigration mexicaine et le nombre important et croissant de Mexicains réduisent les incitations à l’assimilation culturelle. Selon Huntington toujours, plus ils sont nombreux, plus ils sont attachés à leur identité ethnique et à leur culture.
Les populations asiatiques
Par ailleurs, Huntington déclare que les Américains d’origine asiatique « deviennent blancs ». Non pas nécessairement parce que la couleur de leur peau blanchit, bien que ce soit le cas, mais parce qu’ils ont apporté avec eux, à des degrés divers pour différents groupes, des valeurs mettant l’accent sur le travail, la discipline, l’apprentissage, l’épargne, les familles fortes et la connaissance de l’anglais.
L’augmentation de la proportion de personnes qui n’identifient pas d’ascendance ethnique va de pair avec l’augmentation du nombre de personnes qui répondent simplement « Américain ». L’identité que les Américains blancs choisissent pour remplacer leurs identités ethniques en déclin a de profondes implications pour l’avenir de l’Amérique.
S’ils se définissent principalement comme des Euro-Américains ou des Anglo-Américains en réponse au défi hispanique, la fracture culturelle en Amérique sera formalisée. S’ils se considèrent avant tout comme des Blancs en opposition aux Noirs et à d’autres, la ligne de fracture raciale historique sera revigorée. En revanche, l’identité et l’unité nationales seront renforcées si les Américains blancs concluent que leurs ascendances mixtes font d’eux des All American.
Réactions face à l’immigration aux États-Unis
Dans le monde contemporain, la plus grande menace pour la sécurité sociétale des nations provient de l’immigration. Les attitudes anti-immigration persistantes et omniprésentes reflètent souvent une approche qui consiste à fermer la porte. 60 % des Américains déclarent que l’immigration est une chose épouvantable.
Trois réponses sont possibles pour Huntington : peu ou pas d’immigration (« immigration zéro » utilisée à plusieurs reprises en France), immigration sans assimilation (Maghrébins en France), ou immigration avec assimilation (Amérique).
Huntington propose plusieurs alternatives à l’américanisation : une assimilation segmentée, une assimilation non pas dans la culture et la société américaines dominantes, mais dans un segment infranational, souvent marginal, de la société américaine, ou une non-assimilation, c’est-à-dire la perpétuation aux États-Unis de la culture et des institutions sociales que les immigrants ont apportées avec eux.
B) Les menaces qui pèsent sur la langue anglaise
La plupart des groupes d’immigrés ont des taux de fécondité plus élevés que les autochtones, et l’impact de l’immigration se fait donc lourdement sentir dans les écoles.
L’immigration très diversifiée à New York pose le problème des enseignants qui doivent faire face à des élèves qui peuvent parler des langues différentes à la maison.
Les États-Unis devraient-ils devenir une société bilingue, où l’espagnol serait sur un pied d’égalité avec l’anglais ?
Apprentissage et communication
Sans langue commune, la communication devient une lutte entre plusieurs communautés linguistiques, dont les membres communiquent beaucoup plus intensément avec les membres de leur groupe qu’avec ceux des autres groupes. C’est pourquoi l’enseignement de l’anglais aux nouveaux immigrants a été au cœur des préoccupations des gouvernements américains, des églises et des organisations de protection sociale (Bilingual Education Act, 1967).
Les personnes qui souhaitent être naturalisées doivent démontrer qu’elles comprennent la langue anglaise et qu’elles sont capables de la lire, de l’écrire et de la parler. Un serment devait être prononcé pour devenir citoyen américain. En 2003, ce serment a été réécrit et légèrement affaibli.
Selon un sondage réalisé en 1998, 66 % des parents hispaniques souhaitent que leurs enfants apprennent l’anglais « le plus rapidement possible, même si cela signifie qu’ils prennent du retard dans d’autres matières ». Les parents ne veulent pas que leurs enfants travaillent dans des ateliers clandestins ou nettoient des immeubles de bureaux en centre-ville, selon la révérende Alice Callaghan.
Bilinguisme et multiculturalisme
D’autre part, il est important que les enfants soient fiers de leur propre culture. Cela favorise le bilinguisme et le multiculturalisme. En effet, l’Amérique est composée de nombreux groupes ethniques et raciaux, et chacun de ces groupes a sa propre culture. L’élite blanche anglophone dominante en Amérique a supprimé ces cultures et a contraint ou incité ceux qui appartiennent à d’autres groupes ethniques ou raciaux à accepter la culture anglo-protestante de l’élite.
Néanmoins, les policiers et les pompiers bilingues des villes du sud-ouest comme Phoenix ou Las Vegas sont mieux rémunérés que ceux qui ne parlent que l’anglais. Étant donné que la plupart des personnes dont la première langue est l’espagnol maîtrisent probablement aussi très bien l’anglais, les anglophones qui ne maîtrisent pas l’espagnol risquent d’être désavantagés dans la compétition pour les emplois, les promotions et les contrats.
La métaphore du melting pot ne décrit donc pas la véritable Amérique. L’Amérique est plutôt une mosaïque, une salade, voire une « salade mélangée » (« a tossed salad », selon l’expression de Samuel Huntington).
C) L’Amérique d’aujourd’hui
Lorsque Huntington écrit cet ouvrage en 2004, les États-Unis sont devenus la seule superpuissance au monde, occupant une position dominante dans pratiquement toutes les dimensions du pouvoir mondial. Le 11 septembre a cependant brutalement éveillé les Américains à une nouvelle réalité : la distance n’est plus synonyme d’invulnérabilité.
Cet événement tragique marque également le début d’une nouvelle ère dans laquelle les gens se définissent principalement en termes de culture et de religion. Par exemple, le nombre d’Américains qui étaient des protestants évangéliques ou qui s’identifiaient comme des « chrétiens nés de nouveau » a augmenté de manière significative. Les conservateurs religieux ont par ailleurs réussi à ramener la religion sur la place publique (avortement).
Huntington termine son ouvrage par ces mots :
« L’Amérique devient le monde. Le monde devient l’Amérique. L’Amérique reste l’Amérique. Cosmopolite ? Impériale ? Nationale ? Les choix que feront les Américains détermineront leur avenir en tant que nation et l’avenir du monde. »
Critique et citations clés
Ce livre remet au premier plan du discours public certaines problématiques clés. Huntington présente de manière convaincante l’identité américaine et les menaces qui pèsent sur elle. Peu d’éléments semblent contestables dans ce livre. Chaque affirmation de Samuel Huntington est accompagnée d’une quantité importante de données statistiques et historiques.
Néanmoins, la thèse de S. Huntington est peut-être un peu trop pessimiste. L’Amérique est encore loin d’avoir une minorité substantielle profondément séparée de la culture majoritaire, comme cela a été le cas, par exemple, au Québec (bien que les tensions semblent s’y être apaisées récemment).
Mais si Huntington est indubitablement inquiet, il n’est pas alarmiste et ses préoccupations ne doivent pas être rejetées d’emblée. Ceci mis à part, nombre de ses données, preuves, histoires et défis méritent vraiment d’être sérieusement pris en compte.
Quelques citations utiles
“The melting pot metaphore doesn’t describe the true America. America is instead a mosaic, a salad, or even a “tossed salad.” (Huntington)
“America becomes the world. The world becomes America. America remains America. Cosmopolitan? imperial? national? The choices Americans will shape their future as a nation and the future of the world.” (Huntington)
“There is no country in the world where the Christian religion retains a greater influence over the souls of men than in America… Christianity therefore, reigns without obstacle, by universal consent.” (Tocqueville)
“Remember, remember always, that all of us, and you and I especially, are descended from immigrants and revolutionists.” (Roosevelt)
“The language of the new nation, its law, its institutions, its political ideas, its literature […] primarily derived from Britain.” (Schlesinger)
C’est la fin de cette fiche de lecture, nous espérons qu’elle t’aura été utile ! N’hésite pas à employer des exemples issus de cet article dans tes dissertations d’histoire ou d’anglais. Que tu sois en A/L-LSH ou en B/L, ce sujet est incontournable !