Alors que la détention provisoire de l’ancien président Pedro Castillo a été prolongée de trois ans en mars 2023, le Pérou continue de subir une crise politique, marquée par une division encore plus forte du Congrès, et sociale, avec les récentes manifestations. Si la tentative de coup d’État de l’ex-président a été le déclencheur de cette crise, elle est surtout le symptôme d’un mal structurel qui touche le pays depuis des décennies et menace son système démocratique. Je te propose donc, dans cet article, de faire un récapitulatif des causes et des conséquences de la crise politique et sociale au Pérou.
Genèse d’une crise
Une crise déjà ancienne
Malheureusement, depuis les années 2000 et même avant, le monde politique péruvien a souvent rimé avec corruption, manipulation et division. Sur cette période, de nombreux présidents et autres personnages politiques ont été impliqués dans des scandales de corruption et souvent destitués.
Pour n’en citer qu’un, Pedro Pablo Kuczynski (président de 2016 à 2018) risque aujourd’hui jusqu’à 35 ans de prison pour le scandale de l’entreprise brésilienne « Odebrecht ». Un cas de corruption qui a ébranlé l’Amérique latine et qui est explicité dans cet article. De plus, cet article complet résume très bien l’histoire de la division politique au Pérou et permet de comprendre pourquoi cette dernière a perdu sa crédibilité.
D’autre part, le Pérou fait face à de nombreuses difficultés sociales accentuées par la crise sanitaire. La pauvreté, les inégalités et des fléaux structurels dans le pays ont par ailleurs fortement augmenté. Ce qui a d’ailleurs permis à Pedro Castillo de prendre du poids pendant la campagne présidentielle et de la remporter en 2021.
Lui, qui est originaire d’un milieu populaire, a su convaincre les populations les plus modestes avec ses promesses de réformes sociales. Et il a su construire des alliances politiques suffisantes autour de son parti Perú Libre. Cet article explique bien le contexte dans lequel s’inscrit sa victoire et les difficultés auxquelles il a commencé à faire face dès le début de son mandat.
Le déclenchement par Pedro Castillo
Son mandat a tout de suite été compliqué. D’une part, parce que les alliances qu’il a conclues n’ont pas tenu au sein de son parti, créant des tensions internes. D’autre part, parce qu’il n’avait pas de majorité au sein du Congrès, qui a alors bloqué un grand nombre de ses lois. Ainsi, Castillo a dû nominer cinq cabinets et plus de 80 ministres pendant son mandat.
En outre, il n’a pas réussi à tenir ses promesses de réformes structurelles, ce qui lui a fait perdre un soutien important de la population. Selon le rapport de la FAO (Food and Agriculture Organization), publié en août 2022, presque la moitié de la population du Pérou (16,6 millions de personnes) est en situation d’insécurité alimentaire modérée et 1/5 de cette population est en insécurité alimentaire sévère.
La suite du mandat de Pedro Castillo s’est faite alors sans réel objectif, à part celui de survie au sein du gouvernement. Il a fait face à six accusations de corruption, directes ou indirectes, et a été accusé de mener une organisation criminelle par ses opposants. C’est donc au moment d’affronter sa troisième motion de censure, très probable de réussir, que Castillo a annoncé sa décision, le 7 décembre 2022, de dissoudre le Congrès.
Cet acte a été considéré comme une tentative de coup d’État par le Congrès ainsi que par les forces armées. Il a alors été destitué pour « incapacité morale » et risque aujourd’hui près de 20 ans de prison. Sa vice-présidente, Dina Boluarte, a par conséquent pris la tête de la présidence.
Quelles conséquences aujourd’hui ?
Conséquences politiques
Le Pérou, qui ne compte pas moins de six présidents en cinq ans, s’enfonce un peu plus dans une crise politique durable. Celle-ci met en avant aussi à quel point le système institutionnel est compliqué. Le Congrès n’est composé que d’une seule chambre, rendant quasiment impossible le mandat d’un président lorsque l’opposition domine.
Pour sa part, Dina Boluarte, qui avait décidé d’avancer les prochaines élections à 2024 en accord avec le Parlement, a finalement renoncé face au climat politique et social. La division politique est de plus en plus forte, même au sein du Congrès dans lequel chaque parti campe sur ses positions, et par conséquent aucune décision n’y est prise. Soto Reyes, le président du Congrès, est le symbole de cette crise sans fin, comme le montre le journal El País.
Conséquences sociales
La division n’est pas seulement politique, mais aussi sociale. Après l’arrestation de Pedro Castillo, de nombreuses émeutes ont éclaté dans les milieux populaires du pays, où l’ex-président garde une certaine popularité. La réponse de l’exécutif a été la répression. On compte plus de 70 morts dans ces révoltes et un état d’urgence a été déclaré dans plusieurs régions.
Cette crise politique et sociale accentue encore plus la perte de confiance de la population dans les institutions du pays. Le Congrès n’ayant que 7 % d’approbation à l’heure actuelle et Dina Boluarte que 5 %. Pour des organisations internationales comme l’OEA, des élections anticipées sont de plus en plus nécessaires pour éviter d’aggraver une crise déjà préoccupante pour l’avenir de la démocratie péruvienne.
De l’autre côté de la sphère politique, Keiko Fujimori, fille du dictateur Alberto Fujimori, située à l’extrême droite, pourrait devenir une sérieuse option pour les prochaines présidentielles.
Vocabulaire
- Aferrarse a : s’accrocher à (ex. : aferrarse al poder)
- Ahondar una crisis : aggraver une crise
- Un atisbo de : une lueur de (ex. : un atisbo de esperanza)
- Moción de censura : motion de censure
- Un motín : une émeute
- Disolver : dissoudre
- Golpe de estado : coup d’État
- Gozar de : profiter/jouir de (ex. : gozar de popularidad)
- Parece poco probable que + subjuntivo : il est peu probable que
- Adelanto electoral : élection anticipée
- Caída libre : chute libre
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