biais cognitifs

Tu fais tout ce qu’il faut, mais tu as l’impression de stagner en langues ? Cet article t’explique pourquoi et te propose des stratégies pour combattre les biais cognitifs qui ralentissent ta progression. L’été dernier, lorsque l’équipe de Major-Prépa a interviewé Mathis, ce dernier nous confiait que « dans les petites prépas, on a ce biais cognitif qui nous fait croire que nous ne pouvons pas y arriver, et donc nous n’y arrivons pas, ou très peu, c’est un cercle vicieux ». Mais Mathis, qui avait 6 de moyenne en maths au lycée et 500 heures d’absence, a réussi à combattre ces biais cognitifs pour devenir le premier de sa prépa ECT à intégrer HEC. Il conseille à tous les étudiants de prépa : « Oubliez les statistiques et donnez tout ce que vous avez parce que vous avez autant de chances d’y arriver que n’importe qui d’autre. »

Alors, comment faire pour se détacher de ses croyances si bien ancrées ?

Qu’est-ce qu’un biais cognitif et pourquoi faut-il en être conscient ?

Un biais cognitif résulte d’une déviation de la pensée rationnelle. Tes biais cognitifs te font perdre ton jugement objectif en raison de la manière dont ton cerveau traite l’information. Ces biais peuvent influencer la perception que tu as d’un événement ou d’une matière telle que les langues étrangères. Ce qui a une répercussion sur ta mémoire et tes méthodes de travail. En d’autres termes, les biais cognitifs sont des raccourcis mentaux pouvant ralentir ta progression en langues, voire te conduire à systématiquement commettre les mêmes erreurs.

Les biais cognitifs ont été mis en évidence par deux psychologues, nommément Daniel Kahneman et Amos Tversky. Le premier, psychologue et économiste comportemental, a reçu le prix Nobel d’économie en 2002 pour ses travaux sur la prise de décision. Son ouvrage Thinking, Fast and Slow (2011) a ensuite popularisé le concept de « biais cognitifs » au travers d’une étude des processus de pensée. Tversky, quant à lui, était un psychologue et mathématicien qui a étroitement collaboré avec Kahneman. À deux, ils ont travaillé sur la théorie des heuristiques. Ce sont des règles simples et rapides que l’on utilise souvent pour prendre des décisions et résoudre des problèmes. Ces heuristiques sont des raccourcis mentaux qui simplifient le processus de prise de décision, mais qui peuvent également conduire à des erreurs, simplifications ou confusions. Ce sont ces fameux biais cognitifs.

La prise de conscience de tes propres biais cognitifs peut t’aider à mieux apprendre une langue

En reconnaissant les schémas de pensée qui influencent ton apprentissage, tu seras mieux préparé(e) à t’engager de manière réfléchie dans les matières linguistiques. Par exemple, si tu as tendance à sous-estimer la difficulté d’une nouvelle langue, le savoir te permettra de développer des stratégies visant à garder ta motivation. De plus, la reconnaissance de tes biais cognitifs contribuera à la réduction des erreurs que tu commets couramment.

En langues, les biais cognitifs ne se limitent pas aux aspects linguistiques, ils s’étendent également à la compréhension interculturelle. Si l’interprétation que tu fais des aspects culturels d’une langue est erronée, tu auras peut-être moins envie de te pencher sur cette dernière. En te détachant de ce biais cognitif, tu peux développer une compréhension plus nuancée et respectueuse de la culture liée à la langue apprise. Cette sensibilisation favorise notamment une communication plus efficace.

Enfin, comprendre que certains obstacles sont liés à des biais cognitifs peut te permettre d’adopter une perspective plus positive et de persévérer avec confiance, malgré les difficultés auxquelles tu peux être confronté(e). Somme toute, être conscient(e) de tes biais cognitifs te donnera accès à un apprentissage linguistique plus réfléchi, adaptatif et gratifiant.

Quels sont les principaux biais cognitifs qui ralentissent ton apprentissage de la langue ?

Les stratégies d’évitement et la peur de l’échec

La peur de l’échec est un phénomène psychologique qui peut entraver ta progression en langues. Cette crainte peut avoir diverses origines telles que tes expériences passées, ton désir de te conformer aux normes sociales perfectionnistes, ou simplement tes attentes personnelles qui sont trop ambitieuses.

Face à la peur de l’échec, peut-être adoptes-tu des stratégies d’évitement. Par exemple, tu n’oses pas participer en cours et ne tentes pas d’utiliser des structures grammaticales complexes dans tes devoirs. Dès lors, puisque tu te confortes en employant une syntaxe que tu maîtrises déjà, tu n’as par exemple pas l’opportunité d’apprendre de nouvelles tournures.

Le problème avec ces stratégies d’évitement, c’est qu’elles créent un cercle vicieux car, à long terme, tu t’exposes moins à la langue. Ce qui compromet tes progrès.

La recherche de confirmation de ses croyances

Le « biais de confirmation » est le penchant naturel de l’esprit humain à accorder plus d’importance aux informations qui soutiennent nos convictions préexistantes, tout en minimisant ou en ignorant celles qui les contredisent.

Cette propension peut devenir particulièrement problématique lorsque tu apprends une langue, car si tu pars du principe qu’apprendre une langue est difficile, ou bien que la grammaire est ennuyeuse, tu n’auras pas envie de travailler et auras du mal à te motiver.

L’attrait pour la familiarité

Lorsque tu apprends une nouvelle langue, ton cerveau cherche inconsciemment à confirmer ses connaissances préalables. De fait, tu vas chercher des similitudes grammaticales avec ta langue maternelle et préférer les mots et expressions que tu trouves plus familiers.

Dans le cas de l’anglais, et si ta langue maternelle est le français, tu auras donc plus tendance à utiliser les mots qui ont une racine latine plutôt que les mots ayant une racine germanique, ce qui rendra ton discours peu idiomatique. À l’inverse, une personne dont la langue maternelle est l’allemand aura tendance à utiliser majoritairement les mots aux racines germaniques.

Voici une petite liste de quelques synonymes anglais aux racines latines et germaniques pour que tu puisses voir si, en effet, tu te confortes dans les mots qui ressemblent à ceux du français aux racines latines :

Mot anglais (racine latine) Mot anglais (racine germanique) Traduction française
To permit To allow Permettre
To predict To foretell Prédire
To assemble To gather Assembler
Difficulty Hardship Difficulté
Sacred Holy Sacré

Ce biais cognitif fait que tu évites les difficultés te confrontant à des aspects inconnus ou plus complexes de la langue, entraînant une stagnation de ta progression. Car, bien que tu n’aies pas nécessairement besoin d’apprendre les mots à la racine germanique pour t’exprimer, les connaître te fera assurément progresser en compréhension orale.

La curiosité de la nouveauté

La curiosité est un moteur puissant, mais lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’une connaissance et d’une compréhension approfondies des fondements linguistiques, elle peut devenir un piège. Il arrive souvent que les étudiants du supérieur souhaitent approfondir leur maîtrise de l’anglais en apprenant de nouveaux termes de vocabulaire ou de nouvelles tournures grammaticales. C’est tout à leur honneur.

Néanmoins, ils négligent la révision des connaissances fondamentales, ce qui ne leur permet pas de progresser. Un exemple : tu as (peut-être laborieusement) appris tes verbes irréguliers au lycée, donc tu penses les connaître et les maîtriser. Pourtant, en tant qu’enseignante, je remarque que dans au moins 50 % des copies que je corrige, mes étudiants (de Bac+1 à Bac+3) commettent des erreurs sur les verbes irréguliers.

Il est certes moins amusant de réviser ses verbes irréguliers que d’apprendre des nouveaux mots de vocabulaire, mais c’est nécessaire. Le bonus que tu obtiendras si tu utilises un vocabulaire varié ne compensera pas les erreurs de grammaire de base que tu commettras !

La sous-estimation ou la surestimation de soi

Si tu minimises tes capacités et que tu doutes constamment de tes compétences, tu auras du mal à avoir confiance en toi à l’oral. Que ce soit par manque de confiance en toi ou par comparaison avec les autres personnes de ta classe, tu compromettras ta motivation et entraveras ta progression si tu cèdes à ce biais cognitif.

En général, les apprenants qui se perçoivent constamment comme moins compétents que leurs camarades ont tendance à éviter de prendre part à des discussions en langue étrangère et à ne pas exploiter pleinement les ressources qui leur sont disponibles, limitant ainsi leur exposition à la langue.

Dans ce cas, le manque de confiance en soi conduit à une sous-performance (tu l’auras peut-être déjà vécu au moins lors de ta première colle, le stress peut te pénaliser). Le problème, c’est que ce genre de situation a tendance à renforcer tes croyances initiales concernant ta faible estime de toi. Cette spirale négative peut dès lors te décourager…

Le biais cognitif inverse, nommément la surestimation de soi, est également dangereux. Ce biais cognitif se manifeste lorsque tu as tendance à croire que tu maîtrises mieux la langue que tu ne le fais réellement. Bien que la confiance en soi soit généralement bénéfique à l’apprentissage d’une langue, un trop-plein de confiance en toi peut faire que tu seras moins enclin(e) à reconnaître tes erreurs et donc à apprendre de ces dernières.

La comparaison des différentes langues étudiées

En classe préparatoire, tu as des cours de plusieurs langues vivantes. Tu peux avoir tendance à vouloir comparer ton niveau de LV1 et de LV2, ainsi que les difficultés auxquelles tu es confronté(e) dans l’apprentissage de ces dernières. Cette propension à la comparaison, bien que naturelle, peut être le point de départ d’un biais cognitif influençant la perception que tu as de tes compétences linguistiques.

Tu pourrais être tenté(e) de vouloir gommer l’écart de niveau que tu as entre les deux langues. Cependant, cette comparaison peut masquer la richesse intrinsèque de chaque langue, en la réduisant à une simple évaluation comparative. Mais cela peut surtout t’amener à mal gérer ton temps. Puisque ton niveau n’est pas le même dans les deux langues (et c’est normal, car au cours de tes études, tu as certainement commencé ta LV2 plus tard que ta LV1), tu consacreras par exemple trop de temps à ta LV2 en espérant atteindre le même niveau qu’en LV1. Et ceci, alors même que le coefficient de l’épreuve de LV2 aux concours est moins important que celui de la LV1.

Comment combattre ces biais cognitifs ?

Oser se tromper

Oser faire des erreurs peut être la clé pour combattre ces biais cognitifs et débloquer ta véritable progression en langues. Certes, la crainte du jugement et l’envie de toujours tout faire parfaitement peuvent être des fardeaux lourds à porter, mais Major-Prépa te propose de changer de perspective. Et si oser faire des erreurs n’était pas juste une option, mais une stratégie d’apprentissage ?

Dis-toi que chaque erreur que tu fais en apprenant une langue n’est pas un échec, mais une opportunité d’apprendre. L’erreur n’est pas ton ennemie, mais ton alliée. Ose t’aventurer en terre inconnue en testant de nouvelles structures syntaxiques ou en employant de nouvelles expressions. In fine, accepter de te tromper, c’est te donner la permission d’apprendre sans te mettre trop de pression.

Chercher de l’aide

On a souvent cette idée qu’être indépendant, c’est tout gérer tout seul. C’est un mythe. Demander de l’aide, ce n’est pas un aveu de faiblesse, mais la preuve de ta détermination à aller plus loin. Tes enseignants sont un atout de taille. Ils ne servent pas qu’à donner des devoirs, ils peuvent répondre à tes questions et te guider.

N’aie pas peur de discuter avec tes professeurs, cela montre que tu es investi(e) dans ton apprentissage. Puis, tu as certainement pu remarquer que tes camarades de classe avaient également des difficultés – parfois les mêmes que toi. Alors, pourquoi ne pas unir vos forces ? Demander de l’aide à tes amis et partager vos astuces en faisant équipe peut être très enrichissant.

Enfin, Internet regorge de trésors : des forums d’entraide, des vidéos, des applications, ou encore le site Major-Prépa, tout est là !

Avoir confiance en ses enseignants

En tant que professeure, j’ai pu remarquer au fil des années que les étudiants avaient de moins en moins tendance à écouter les conseils de leurs enseignants de langues. Cela s’explique par la hausse du niveau général en langues, elle-même favorisée par un plus grand accès à la langue.

En effet, pour écouter de l’anglais, plus besoin de s’acheter une radio captant à peine les ondes de la BBC. Aujourd’hui, il y a YouTube et Netflix ! De fait, les étudiants ont parfois l’impression de baigner dans la langue et de tout connaître. Mais n’oublie pas que « l’anglais Netflix » n’est pas l’anglais académique, et que les professeurs sont formés à la pédagogie. Ils ont donc toutes les clés en main pour renforcer ton niveau de langue et rendre ton apprentissage efficace.

Les enseignants ont une méthodologie bien pensée. Les exercices et les activités qu’ils t’invitent à réaliser servent à te faire progresser de manière équilibrée. Fais-leur confiance, suis leur programme, et tu verras que chaque élément a sa place dans la construction de ta maîtrise de la langue.

À partir de maintenant, interdit de penser qu’un exercice est trop difficile pour toi. S’il t’a été donné, c’est que tu disposes de toutes les clés pour le réussir ! On a parfois cette image des professeurs comme des personnes qui donnent des devoirs et notent les copies. Mais en réalité, ils sont bien plus que ça. Les enseignants sont là pour t’accompagner dans ton parcours, répondre à tes questions et te montrer que tu n’es pas seul(e) dans cette aventure. Alors, profites-en !

Se mettre en difficulté

Tout le monde a tendance à éviter les situations difficiles et à rester dans sa zone de confort. C’est normal, les biais cognitifs aiment bien nous faire croire que l’évitement est une solution. Mais en réalité, c’est tout le contraire : se mettre en difficulté est la clé de ta réussite. C’est dans les moments où tu te sens un peu perdu(e) ou dépassé(e) que tu forces ton cerveau à s’adapter, à apprendre et à grandir.

J’ai déjà parlé du fait d’oser faire des erreurs plus haut, mais cela peut être complété par le fait d’oser prendre la parole dans des situations qui te semblent être un défi linguistique ou d’oser explorer des textes complexes où le langage est par exemple plus soutenu. Cela te donnera de l’assurance et t’entraînera progressivement à penser et à réagir plus vite.

Renforcer ses acquis

Imagine que chaque point de grammaire que tu maîtrises est une brique solide dans la construction de ta maîtrise linguistique. Plus tu as de briques, moins les biais cognitifs peuvent faire vaciller la structure. Il ne faut donc pas uniquement te focaliser sur les nouveautés, mais réviser régulièrement les fondamentaux : règles de grammaire, conjugaison, vocabulaire de base, etc.

En révisant régulièrement ce que tu as déjà étudié, tu ancres ces connaissances dans ta mémoire à long terme, et plus rien ne peut t’échapper. En tant que correctrice, je préfère largement une copie avec peu de connaissances solides qu’une copie où les idées originales se multiplient sans être exploitées comme il faut.

D’ailleurs, les barèmes de correction le prouvent. En traduction, par exemple, une faute de grammaire te pénalise énormément, tandis qu’un mot de vocabulaire spécifique ou rare ne t’apportera qu’une petite bonification. Ainsi, pour éviter de te perdre dans les détails, tu peux te créer un plan de révisions. Établis des priorités et cible les points de grammaire où tu te sens le moins à l’aise. Si cela t’ennuie de réapprendre tes verbes irréguliers, pense à varier tes méthodes. Au lieu de réviser une liste papier, utilise par exemple une application comme Quizlet.

Comparer les langues de manière positive

La comparaison positive crée une synergie linguistique. Au lieu de te sentir dépassé(e) par la diversité de langues que tu apprends, vois-les comme des alliées qui se renforcent mutuellement. Par exemple, si tu étudies l’anglais en LV1 et l’allemand en LV2, dis-toi que l’une et l’autre partagent des racines germaniques, ce qui facilite ton apprentissage.

C’est bien connu (et c’est d’ailleurs prouvé scientifiquement), plus tu progresses dans une langue, plus il te sera facile d’apprendre d’autres langues. Alors, d’une certaine façon, si tu progresses en LV1, cela signifie que tu augmentes également petit à petit ton niveau de LV2.

Se comparer aux autres de manière constructive

La compétition peut être positive. Plutôt que de te sentir découragé(e) par les progrès apparents des autres, vois cela comme une source d’inspiration. Chaque personne que tu vois réussir dans une langue, c’est une preuve que c’est possible et que tu peux aussi atteindre ce niveau.

Certaines personnes semblent apprendre plus rapidement, d’autres prennent leur temps. Cela ne veut pas dire qu’elles sont meilleures ou moins bonnes que toi. C’est simplement différent. Sois curieux(se) de leurs méthodes, apprends d’elles, mais rappelle-toi que tu as ton propre rythme, et c’est tout à fait normal.

La compétition positive, c’est aussi le partage. Partage tes réussites, tes découvertes, mais aussi tes objectifs. En discutant avec tes camarades, tu réaliseras que chacun rencontre des obstacles. C’est donc dans ces moments de partage que naît la solidarité.

Conclusion

Sache que les biais cognitifs ne sont pas seulement des freins en langues, mais dans toutes les matières, et plus encore. Cet article a mis en lumière ceux qui se concentraient principalement sur la linguistique, mais il en existe également en mathématiques, par exemple. Dans les matières scientifiques telles que les maths, l’influence des constructions sociales est aujourd’hui encore très importante et cause des biais cognitifs.

La société a tendance à associer les sciences aux hommes et les éditeurs de manuels scolaires impriment notamment des exercices de mathématiques dans lesquels il faut compter des voitures (un jouet masculin dans les stéréotypes). Ce qui fait que les filles, dès leur plus jeune âge, se disent que les maths ne sont pas pour elles…

Combattre de tels biais cognitifs, c’est donc aussi mettre fin aux constructions sociales qui perpétuent, entre autres, les stéréotypes de genre.

Voilà, tu as toutes les clés en main pour déjouer les tours que te joue ton cerveau ! Si tu veux plus de conseils pour progresser en langues, tu peux lire notre routine à adopter pour progresser en anglais, ou bien consulter cet article sur la technique du cahier pour progresser en langues.