Italie

Dans cet article, tu retrouveras des clés pour comprendre les différentes fractures du territoire italien. Tu pourras alors facilement argumenter à l’oral comme à l’écrit sur le gouffre éducatif, économique, politique et même social qui sépare le Nord et le Sud de l’Italie. Véritable obsession des gouvernements italiens comme européens, la question du développement du Mezzogiorno (c’est-à-dire l’ensemble des régions péninsulaires et insulaires correspondant au sud de l’Italie) semble être dans une impasse tant les problèmes sont nombreux et profonds.

La question économique : la fracture majeure de l’Italie

En janvier 2023, la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, expliquait ici qu’elle ne se résignait pas à l’idée qu’il existe des territoires et des services de séries A et B. Ainsi, en appelant de ses vœux une union italienne, Meloni pointe du doigt ce qui entrave l’Italie depuis de nombreuses années : une fracture économique entre le Nord et le Sud.

Le Sud de l’Italie est en effet très fragile économiquement face aux crises économiques mondiales. Un rapport de l’Istat de 2020 montrait justement que le fossé économique entre le Nord et le Sud du pays s’est considérablement creusé pendant la crise et la période de reprise modérée qui a suivi. De plus, en 2017, par rapport à 2007, le PIB avait diminué d’environ 5 %, avec une baisse d’environ 2 % au Nord et jusqu’à 12 % dans les îles.

La crise sanitaire de la Covid a également fragilisé le tissu économique de l’Italie en plongeant dans la précarité de nombreux Italiens. Je t’invite à lire cet article si tu souhaites en apprendre davantage sur l’impact de la Covid sur l’Italie. 

Par ailleurs, pour illustrer le fait que c’est une dynamique plutôt ancienne, dans un autre rapport de 2023 de l’Istat, on apprend que le PIB par habitant dans le Mezzogiorno tourne autour de 60 % du Centre-Nord depuis plus de vingt ans.

Une fracture sociale bloquant le développement

La pandémie comme révélatrice des inégalités italiennes

Tout d’abord, la pandémie de Covid-19 a accentué la fracture déjà existante entre le Nord et le Sud de l’Italie sur le plan social. Les régions du Nord, plus développées en tous points, ont mieux résisté sur le front sanitaire grâce à des infrastructures de santé plus solides. En revanche, le Sud a été plus grièvement touché de par son système de santé fragile. 

Par ailleurs, les taux de chômage ont augmenté de manière disproportionnée dans les régions méridionales, aggravant alors les disparités économiques préexistantes. Les travailleurs précaires, souvent concentrés dans le Sud, ont été davantage touchés par les perturbations économiques. De plus, les mesures de confinement ont mis en lumière les disparités numériques, les régions du Sud étant souvent moins équipées en infrastructures numériques, entraînant des difficultés d’accès à l’éducation en ligne notamment. 

Mais les taux de chômage entre le Nord et le Sud de l’Italie restent historiquement différents. Par exemple, les trois régions affichant le taux de chômage le plus élevé en 2022 sont la Campanie (17,4 %), la Sicile (16,9 %) et la Calabre (15 %).

La question de l’éducation et de l’inégalité hommes-femmes à l’échelle régionale

Le rapport annuel de l’Istat de 2023 offre également un aperçu significatif des disparités éducatives entre le Nord et le Sud de l’Italie. 1,7 million de jeunes (près de 1/5 des 15-29 ans) sont considérés comme NEET (ne travaillant pas, ne suivant pas d’études et n’étant pas engagés dans des programmes de formation). Ces taux sont plus élevés dans les régions du Sud, atteignant 27,9 %. De plus, le désavantage persiste dans le Mezzogiorno : pour les jeunes de 25 à 34 ans, l’écart avec la moyenne nationale est de 4,7 points de pourcentage dans le Sud et de 9,1 points dans les îles.

Se produit même un véritable exode des étudiants étrangers et italiens vers le Nord du pays. Selon le média L’Espresso, 8 % des jeunes du Sud choisissent de poursuivre leurs études dans des universités du Centre et du Nord, tandis que 92 % des étudiants étrangers optent pour des établissements du Centre-Nord. 

Les inégalités de genre se révèlent également à l’échelon régional. Les données en Sicile sont particulièrement révélatrices, montrant que seulement 50,2 % des femmes ont un diplôme ou une licence, ce qui est le pourcentage le plus bas parmi les régions italiennes. Si l’Italie a connu une période de croissance de pourcentage de diplomation des femmes, les régions ont fait face à une hausse différenciée. L’augmentation fut plus significative dans le Nord (+ 16 points entre 2004 et 2017) et plus modérée dans le Sud (+ 11,5 points).

Une fragmentation se traduisant dans le jeu politique italien

Tout d’abord, la fracture Nord-Sud en Italie a des implications politiques qui se manifestent à travers des différences dans les préférences électorales notamment. Cela contribue alors à alimenter une dynamique politique complexe au sein du pays.

Par exemple, les triomphes passés du Mouvement 5 étoiles, parti antisystème par excellence, révèlent également une division significative entre le Nord, préoccupé par la question migratoire, et un Sud économiquement en difficulté, se sentant négligé par les partis conventionnels. Si tu souhaites approfondir tes connaissances sur les partis politiques italiens, je te recommande cet article

Néanmoins, si le plan de relance italien, financé par l’Union européenne, laissait espérer un renouveau du dynamisme italien, l’Italie connaît des difficultés de mise en œuvre, avec seulement 12 % des ressources dépensées jusqu’à présent. Bien que l’Union européenne ait alloué 192 milliards d’euros à l’Italie en 2021, augmentés à 222 milliards d’euros, des retards dans les régions du Molise, de la Basilicate et de la Calabre entravent actuellement le processus. Les problèmes sont nombreux : lacunes de compétences locales, favoritisme envers les petits projets pour des gains électoraux ou encore instabilité gouvernementale. L’Italie se retrouve alors tragiquement piégée par cette faiblesse structurelle, cet écart entre le Nord et le Sud dont elle n’arrive pas à s’extraire, même avec d’ambitieux projets.