Nauru est une île d’Océanie située en Micronésie d’environ 12 500 habitants, pour une superficie de 21 km2. Ce qui fait d’elle la plus petite République du monde. Depuis les années 1990-2000, la maladie de la rente et donc une crise économique touchent l’île. Néanmoins, ses profondeurs océaniques sont riches en nodules polymétalliques. Cette opportunité permettrait à l’île de sortir de la crise en dépit des possibles problèmes écologiques qui pourraient être causés. Dans cet article, Major-Prépa te propose de comprendre comment Nauru illustre parfaitement la controverse autour de l’exploitation des océans.
Présentation de Nauru
Ancienne colonie de l’empire britannique, l’île devient une République indépendante en 1968. Riche en phosphate, Nauru se développe dans les années 1970. 1974 est une année record, avec 225 millions d’euros de bénéfices, l’île devient le deuxième PIB mondial derrière l’Arabie saoudite. L’entreprise phare de cette activité est l’entreprise publique, Nauru Phosphate Corporation, qui place les fonds de manière à fournir à l’île une rente pour le futur, démontrant un important étatisme économique. Cependant, dans les années 1990, la production chute pour atteindre 160 000 tonnes en 2002, alors qu’elle était de plus de 1,5 million en 1985.
Une maladie de la rente qui provoque aujourd’hui une crise sans précédent pour l’île. Nauru est aujourd’hui l’île la plus pauvre au monde. S’ajoutent à cela les désastres écologiques de l’exploitation de phosphate. En effet, aujourd’hui, seulement 20 % des terres sont arables, une situation qui aggrave l’économie du pays. Au début des années 2000, le gouvernement tente de transformer l’île en paradis fiscal pour s’en sortir, mais sans succès. Nauru est donc aujourd’hui dans une situation d’urgence absolue, avec un gouvernement instable et 90 % de la population au chômage.
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L’exploitation des océans, une porte de sortie ?
Une demande en hausse
L’île de Nauru connaît néanmoins des fonds marins extrêmement riches. En effet, elle est dotée d’une grande quantité de nodules polymétalliques : des roches composées de manganèse, cobalt, nickel et cuivre. C’est donc durant les années 2000, après être devenue un paradis fiscal, que le gouvernement voit dans ses profondeurs océaniques un moyen de sortir d’une crise économique sans précédent. Les nodules polymétalliques sont une ressource nécessaire pour la transition écologique, notamment pour les batteries des voitures électriques, mais aussi pour fabriquer des panneaux solaires ou des éoliennes.
En Europe, par exemple, l’enjeu est de taille. En effet, l’Union européenne a annoncé vouloir mettre fin à la production de voitures thermiques d’ici 2030. Cet exemple montre à quel point la demande risque de bondir dans les prochaines années. L’Agence internationale de l’énergie prévoit que les besoins en minerais et métaux critiques seront multipliés par 3,5 d’ici 2030. D’après les chiffres de la Banque mondiale, la demande mondiale de cobalt et de nickel sera quatre fois supérieure aux sources terrestres disponibles d’ici 2050. Il est donc logique que le gouvernement de Nauru y voit une porte de sortie, au vu de l’intérêt croissant du monde pour cette ressource.
Nauru bientôt exploitée ?
Un intérêt que Nauru Ocean Resources, filiale de The Metals Company, une entreprise canadienne qui souhaite exploiter les fonds marins, confirme. Cette société est un géant de l’exploitation de la haute mer et discute continuellement avec le gouvernement pour pouvoir exploiter les fonds marins de Nauru.
Une exploitation qui n’a pas débuté, car l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) n’a pas encore fourni de permis d’exploitation. Néanmoins, en 2021, le Président de Nauru et l’entreprise Nauru Ocean Resources ont déclenché la « règle des deux ans ». Cette règle oblige l’AIFM à statuer sur le démarrage de l’exploitation minière en eaux profondes. En l’absence de code minier, les industriels pourront tout de même déposer une demande d’exploitation, qui risque fortement d’être approuvée.
Une exploitation contestée
Des contestations locales
C’est à l’échelle locale que les premières contestations apparaissent. En effet, une partie de la population vie de la pêche côtière. Néanmoins, cette activité serait impossible après le passage des engins d’extraction. Selon l’ONG Greenpeace, ratisser les fonds marins aurait des conséquences sur la faune du fait de la pollution marine et sonore.
S’ajoutent à cela le dilemme face à la maladie de la rente et les conséquences passées de l’extraction de phosphate. En effet, ayant déjà connu ce problème, une partie de la population dénonce le risque économique et écologique de l’extraction d’une matière première comme unique activité pour l’île.
De nombreux acteurs opposés à cette extraction
Mais à l’échelle mondiale, une contestation existe aussi. En effet, selon l’ONG canadienne Sea Shepherd, l’ensemble de l’océan risque d’être perturbé par l’extraction des fonds marins de l’île. Cela vient du fait que les engins qui exploitent les nodules polymétalliques raclent les fonds marins et provoquent des ondes. Ces ondes perturbent la communication entre les mammifères marins. L’ONG Greenpeace s’appuie sur le Conseil consultatif scientifique des académies européennes (EASAC) pour expliquer que l’extraction n’est pas nécessaire, car nous ne manquons pas de métaux.
Mais ce sont aussi des entreprises qui se montrent opposées à cette activité. En effet, les entreprises Google, BMW, Renault, Volvo, Philips, Samsung ou plus récemment Tesla, ont souscrit à un appel commun en faveur d’un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes et se sont engagées à n’utiliser aucune ressource minière provenant des fonds marins pour la fabrication de leurs produits.
Enfin, les États se dressent aussi contre cette exploitation. En juillet 2023, l’AIFM s’est réunie à Kingston sur la question de l’exploitation des fonds marins à Nauru. À cette conférence, une vingtaine de pays, dont la France, se sont opposés à cette extraction et demandent un moratoire pour protéger la faune et la flore marines océaniques. Après cette réunion, la question n’est toujours pas résolue, du fait de la forte divergence entre les acteurs.
Conclusion
La controverse autour de l’île de Nauru montre parfaitement le problème autour de l’exploitation des océans. En effet, elle symbolise les contraintes et les opportunités que les différents acteurs de la communauté internationale mettent en avant sur ce sujet. S’ajoute à cela le possible problème de maladie de la rente pour un État qui connaît une crise économique sans précédent.
Le sujet de Nauru pose aussi la question de la responsabilité sociale des entreprises face à la volonté de profit. En effet, certaines se montrent opposées aux projets pour des raisons écologiques, alors que d’autres souhaitent exploiter les nodules polymétalliques afin de faire croître leurs activités.
Le problème autour de l’île de Nauru vient aussi du fait que la conférence de Montego Bay de 1982 ne statue pas sur la situation de la haute mer. Néanmoins, en juin 2023, à l’ONU, un traité de protection de la haute mer a été adopté. Ce traité dans les faits définit un cadre réglementaire et prévoit de créer des aires marines protégées, devenant le premier traité juridiquement contraignant sur ce sujet.
Si tu veux en apprendre plus sur Nauru et les conséquences de l’exploitation de phosphate, regarde ce documentaire.
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