Toutes les thématiques ciblées, comme la démographie, l’alimentation, ou encore l’énergie, nécessitent des connaissances précises sur les sujets et sur l’emploi du champ lexical associé. Major-Prépa te propose ici un corrigé détaillé sur un sujet qui n’a encore jamais été donné au concours : l’énergie. Ce dernier pourrait très probablement tomber, car il est brûlant d’actualité. L’intitulé de la dissertation que nous allons traiter est : « Satisfaire les besoins énergétiques de la population mondiale : une utopie ? »
Introduction
La découverte en janvier 2023 d’un gisement de terres rares au nord de la Suède, au-delà du cercle polaire, près de la ville de Kiruna, attise les espoirs de l’Union européenne de réduire sa dépendance vis-à-vis des grands producteurs de terres rares, et en particulier de la Chine. Dans un contexte de transition énergétique, qui désigne le passage d’un mix énergétique, principalement basé sur des énergies fossiles, à des énergies renouvelables et décarbonées, ces terres rares sont essentielles puisqu’elles permettent la confection et l’élaboration de technologies et de batteries nécessaires à cette transition.
Pourtant, les méthodes d’extraction de ces métaux précieux sont génératrices de gaz à effet de serre, mais aussi, dans le cas particulier de la Suède, cette extraction pourrait menacer les populations autochtones résidant dans ces territoires, à savoir les Samis. On voit donc là toute la complexité posée par le défi de la satisfaction des besoins énergétiques.
La satisfaction des besoins énergétiques désigne la capacité, la sûreté et l’assurance pour tout un chacun de disposer en quantité suffisante d’une énergie essentielle pour assouvir ses besoins vitaux. Notons que ces besoins sont relatifs, selon le niveau et les conditions de vie. Pour ce qui est des énergies, on peut en distinguer deux types : les non renouvelables, présentes en quantité limitée, dont les énergies fossiles, à savoir le charbon, le gaz et le pétrole, qui résultent de la fossilisation de minéraux dans le sol. À cela, on peut ajouter le nucléaire, qui n’est pas une énergie fossile mais qui fait partie des énergies non renouvelables puisqu’elle nécessite de l’uranium.
On oppose souvent à ce quatuor les énergies renouvelables, à savoir le solaire, l’éolien, l’hydroélectrique, la biomasse et la géothermie. Comme leur nom l’indique, ces énergies sont renouvelables, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas menacées par un potentiel épuisement des stocks. Avec une population mondiale qui est amenée à augmenter, ces besoins énergétiques sont donc naturellement amenés également à croître. La satisfaction des besoins en énergie de la population pourrait donc apparaître utopique, c’est-à-dire irréalisable, dans le sens où sa réalisation pose un défi, nécessitant des stratégies pour être résolu.
Isabelle Kocher, ex-PDG d’Engie, avait déclaré que le XXIe siècle serait « celui de la fin des énergies fossiles ». Parallèlement, la guerre en Ukraine a entraîné une hausse du prix des énergies fossiles, rendant les énergies renouvelables et la transition énergétique d’autant plus attractives. Pourtant, cette transition a un coût social, que tous ne sont pas prêts à payer. Rappelons que le mouvement des Gilets jaunes avait démarré en France après l’annonce de la taxe carbone par Emmanuel Macron.
Dès lors, la satisfaction des besoins énergétiques doit-elle se faire au détriment des préoccupations environnementales ? Le défi est, et a toujours été, de sécuriser et d’assurer l’approvisionnement des besoins en énergie (I). Pourtant, comme toute ressource, l’énergie n’échappe pas aux conflictualités inhérentes à ces besoins (II). Dès à présent, le défi est de concilier énergie, développement durable et impératifs environnementaux (III).
I/ Le défi est, et a toujours été, de sécuriser et d’assurer l’approvisionnement des besoins en énergie
A/ Il s’agit tout d’abord pour les pays dépendants des livraisons extérieures de sécuriser leurs approvisionnements
La guerre en Ukraine a montré à quel point la question de la satisfaction et l’assurance des approvisionnements énergétiques étaient cruciales. En effet, dans une économie mondialisée où c’est l’interdépendance qui prévaut, de nombreux pays, à l’instar de la Moldavie ou de la Bosnie-Herzégovine, dépendaient avant le début du conflit à hauteur de 100 % du gaz russe.
Le premier défi est avant tout de sécuriser ces approvisionnements. Dès le XXe siècle, les États-Unis multiplient les accords et les partenariats avec de nombreux pays, et en particulier ceux du Proche et du Moyen-Orient. Les accords d’Achnacarry et de la Ligne rouge dès 1928 confèrent aux grandes majors pétrolières une sorte de monopole d’exploitation dans cette région riche en pétrole et en gaz. Plus tard, ce sont les accords du Quincy de 1945 qui assureront aux États-Unis 60 ans d’approvisionnements, en échange de la protection du royaume des Saoud par les troupes américaines.
B/ Mais cette perspective peut s’avérer limitée, car l’énergie reste un élément de souveraineté
En effet, l’énergie est un élément de souveraineté et, dans un monde régionalisé, certaines volontés et aspirations se heurtent aux intérêts nationaux. On peut prendre ici l’exemple de l’Union européenne, qui souhaite se positionner en tant que fer de lance et pionnière de la transition énergétique. Une aspiration pouvant être remise en cause par la souveraineté des États membres.
En effet, alors que Bruxelles souhaite atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, cette perspective se trouve freinée par certaines capitales, à l’image de Varsovie qui produit près de 80 % de son énergie par le biais de ses centrales à charbon. De même, c’est Budapest qui refuse de respecter l’embargo sur les hydrocarbures russes mis en place par l’Union européenne depuis l’intervention russe en Ukraine, et qui continue de fait de s’approvisionner en Russie.
Pourtant, l’article 194 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne reconnaît « le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ». Le défi est ici de combiner à la fois souveraineté et besoins en énergie, car il est clair que l’énergie est un élément inhérent à la souveraineté des États, comme en témoigne la politique française de filtrage des IDE dans ce domaine clé.
C/ Le but est donc de concilier autonomie stratégique et (in)dépendance
C’est qu’il est aujourd’hui très compliqué de trouver le mix énergétique optimal permettant d’allier ces deux aspects. Le gazoduc Nord Stream 2, aujourd’hui à l’arrêt, a montré à quel point la question de l’autonomie stratégique dans le domaine énergétique était primordiale. Ce pipeline, qui traverse la Baltique, empoisonne les Européens, divisés entre ceux qui prônent une relation pragmatique avec Moscou et ceux qui s’opposent à toute dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, à l’image de la France.
De plus, dans un contexte de transition énergétique, n’y a-t-il pas le risque qu’une dépendance succède à une autre ? La volonté de l’Union européenne d’accélérer la transition vers une utilisation d’alternatives « bas carbonées » nourrit le risque paradoxal de créer d’autres dépendances à certaines technologies, matières premières, ou zones géographiques. À l’image de la Chine et des terres rares, l’Empire du Milieu disposant actuellement de 80 % des parts de marché.
II/ Comme toute ressource, l’énergie n’échappe pas aux conflictualités inhérentes à ces besoins
A/ La sécurisation des chaînes d’approvisionnement nécessite parfois l’emploi de la force
Dans la continuité de ce qui a été dit plus haut, la question de l’approvisionnement se pose. En effet, pour certains pays, dépendants des approvisionnements extérieurs, l’enjeu est de taille. La Chine, par exemple, qui doit assouvir les besoins d’une population de 1,4 milliard d’habitants, sécurise, avec l’usage parfois de la force, ces points de ravitaillement.
Ainsi, elle mène ce que l’on appelle la stratégie du « collier de perles » (expression du Pentagone de 2004), qui consiste à sécuriser les différents points stratégiques d’approvisionnements depuis le détroit d’Ormuz, pour ce pays, la Chine, qui est exportateur net de gaz et de pétrole. Dans cette optique, le gouvernement chinois signe de nombreux baux avec des ports du pourtour de l’océan Indien, comme celui d’Hambantota au Sri Lanka en 2019, pour s’assurer d’être en mesure de satisfaire ses besoins.
De même, c’est toute une série de frontières maritimes que la Chine conteste en mer de Chine. Outre une volonté de profondeur stratégique dans le Pacifique, se sentant encerclée par pléthore d’îlots et d’archipels, la Chine cherche avant tout à contrôler les ressources en mer de Chine orientale. La plupart des champs d’hydrocarbures se trouvant à la jonction entre les ZEE chinoises et japonaises.
B/ L’enjeu de l’inégale répartition des ressources sur la planète
C’est que la production d’énergie nécessite de fait des ressources à partir desquelles l’énergie est produite. Mais ces ressources ne sont hélas pas réparties de manière équitable sur Terre. Le défi de la satisfaction des besoins en énergie passe donc par une projection sur les espaces offrant ces dites ressources. C’est ce à quoi on assiste notamment en Afrique avec une véritable ruée vers ce continent, ou « scramble for Africa », tant l’Afrique regorge de matières premières qui attisent les appétits étrangers.
Outre la Chine, immanquablement présente sur le continent, de nombreux acteurs se projettent sur ces territoires, en vue de ce que l’on pourrait appeler une « course à l’énergie ». Emmanuel Macron, critiqué à l’ouest de l’Afrique pour une attitude jugée néocoloniale et paternaliste, renouvelle sa présence sur le continent africain, à l’image de sa visite en Angola le 4 mars 2023. À travers le déploiement du soft power, avec par exemple la langue française, dans ce pays non membre de la traditionnelle zone d’influence de la France, c’est bel et bien les ressources en pétrole de ce pays qui suscitent, inconsciemment ou non, l’intérêt du pays. L’Angola étant le premier producteur de pétrole du continent africain.
C/ La question de l’énergie est donc inévitablement vectrice de conflits
Tout ceci mène donc à des tensions, voire des conflits, concernant l’approvisionnement en énergie. Les pays scandinaves, comme la Finlande ou la Suède, voient par exemple d’un très mauvais œil l’arrivée de la Chine au sein du Conseil de l’Arctique. La Chine se réclamant un pays arctique de par son climat au nord de la Mandchourie.
En effet, alors que ce forum a pour but la préservation d’un équilibre précaire menacé par le réchauffement climatique, la Chine est intéressée par les potentialités dont regorge cette région, à savoir : les hydrocarbures et les métaux rares. De même, si la Libye est en proie à une véritable « guerre civile internationalisée » (Stéphane Rosière) depuis 2011, c’est bien parce que les puissances étrangères nourrissent les vicissitudes entre le maréchal Haftar et le gouvernement libyen. Ici, l’enjeu qui se pose est le contrôle du croissant pétrolier et gazier, occupé par les troupes du maréchal Haftar, soutenu par la Russie. La question des approvisionnements énergétiques n’échappe donc pas aux aléas géopolitiques.
III/ Le défi est de concilier énergie, développement durable et impératifs environnementaux
A/ L’impératif de la transition énergétique se heurte à l’ambiguïté des acteurs
La transition énergétique semble donc s’imposer en tant qu’elle permettrait de réduire d’une part, certaines conflictualités et d’autre part, l’impact nocif sur le climat. C’est que, trop longtemps, les modèles basés sur l’utilisation massive d’énergies fossiles ont contribué à la hausse du réchauffement climatique.
Ainsi, la transition énergétique est nécessaire. Mais encore faut-il que toutes les parties prenantes respectent les règles du jeu. La firme française Total, renommée TotalEnergies pour justement inscrire les énergies renouvelables dans son code de conduite, continue parallèlement de financer des projets dans les énergies fossiles, comme en Ouganda avec un projet d’oléoduc permettant la production de 230 000 barils de pétrole par jour.
De même, l’Union européenne, qui fait preuve d’un volontarisme actif à l’image du Green New Deal lancé en 2019 (un ensemble d’initiatives visant à atteindre la neutralité carbone dans l’Union européenne d’ici 2050), importe massivement des hydrocarbures GNL venant des États-Unis et construit des terminaux GNL, comme à Klaipéda en Lituanie ou à Wilhelmshaven en Allemagne. Pourtant, nul n’est sans savoir que ces techniques sont autant polluantes et dégradantes pour l’environnement. Ainsi, malgré des velléités plus ou moins démontrées, l’enjeu de la satisfaction des besoins énergétiques fait face à des intérêts contradictoires.
B/ Le développement d’une justice climatique
Dès lors, cette ambiguïté des acteurs aboutit à des protestations de la part de la société civile, prémices de ce que l’on pourrait nommer une « justice climatique ». Par exemple, les ONG Oxfam et Notre Affaire à Tous ont lancé le collectif End Ecocide On Earth, qui œuvre à l’instauration d’une justice climatique. En décembre 2018, le mouvement a porté plainte contre l’État français pour inaction climatique : c’est « l’Affaire du siècle ».
Plus récemment, c’est la banque BNP Paribas qui a été attaquée en justice en février 2023 pour son soutien aux énergies fossiles. Entre 2016 et 2021, elle a été la première banque en Europe (et la cinquième au niveau mondial) à financer le développement des énergies fossiles. Elle a aussi été, sur cette période, le premier financeur mondial des huit majors européennes et américaines du pétrole et du gaz (Total, Chevron, ExxonMobil, Shell…), qui continuent à développer de nouveaux projets fossiles.
C’est donc un véritable cri de rage de la société civile qui émerge, qui appelle à une transformation des modes et des manières de consommer.
C/ La transition énergétique doit être suivie d’une transformation politique, mais aussi technologique
Politique, dans le sens où elle doit être inscrite dans la loi pour forcer les acteurs à se plier aux règles. Satisfaire les besoins en énergie, c’est aussi s’assurer que cette transition énergétique est inscrite dans un cadre juridique pour faciliter cette transition entre deux modèles.
En 2015, Ségolène Royal fait voter au Parlement français une loi de transition énergétique pour la croissance verte. Parmi ses objectifs, diviser par quatre les émissions de GES d’ici 2050 par rapport à 1990, baisser de 30 % la consommation d’énergie fossile d’ici 2030 par rapport à 2012, ou encore amener la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité.
La transition énergétique doit aussi être suivie d’une transition technologique. En 2017, deux ans après le dieselgate, Matthias Müller, le PDG de Volkswagen, annonce le plan d’électrification Roadmap E, visant d’ici 2025 à lancer 80 nouveaux modèles électrifiés, et promet d’électrifier toute sa gamme d’ici 2030. C’est-à-dire de développer une version électrique aux 300 modèles toutes marques confondues (Audi, Porsche, Seat…).
Conclusion
La satisfaction des besoins énergétiques de la population mondiale n’est pas une utopie, elle n’en reste pas moins un défi complexe. D’autant plus que l’impératif de transition énergétique oblige à revoir les modes de consommation. Mais ce défi est mû par des intérêts qui sont antagonistes : commerciaux pour les grandes majors pétrolières, politiques, tant la rente pétrolière est vitale pour certains pays, mais aussi écologiques, tant les anciens modèles ont durablement affecté la planète et épuisé ses ressources. Peut-être faut-il se rappeler ce qu’écrivait le philosophe allemand Hans Jonas dans Le Principe responsabilité : « La Terre est notre bien le plus précieux, et nous avons le devoir de la préserver pour les générations futures. »
Ce défi de besoins énergétiques et de transition n’est donc pas seulement un défi pour nous, mais aussi et surtout pour ceux qui viendront après nous.
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