États-Unis

A la fin des années 1990, Hubert Védrine parlait de « l’hyperpuissance américaine » dans la mesure où les États-Unis avaient beaucoup de pouvoir et d’influence dans le monde. Aujourd’hui, si cette idée « d’hyperpuissance » s’est plutôt éteinte, les États-Unis demeurent un acteur capable de faire, de faire faire, d’empêcher de faire et de refuser de faire, c’est-à-dire, pour réprendre l’idée de Serge Sur, une puissance. Cette puissance américaine peut se diviser en trois axes majeurs : le hard power, le soft power et ce qu’on pourrait appeler le « legal power ».

Le hard power américain

Qu’est-ce que le hard power ?

Le hard power peut se définir comme la capacité d’un État à imposer sa volonté à d’autres États par des moyens coercitifs (militaires et économiques).

Le pouvoir militaire : reflet du hard power américain

Sur le plan militaire, les États-Unis se distinguent grandement des autres États dans le monde. En effet, avec le premier budget militaire mondial (environ 770 millions de dollars chaque année), les dépenses militaires américaines représentent plus de 40% des dépenses militaires mondiales. A titre de comparaison, le budget militaire américain est trois fois plus important que celui de son dauphin la Chine ou encore 13 fois plus important que celui de la France. En chiffres, l’armée américaine comporte 540 000 soldats permanents (1,5 million avec les réservistes), dispose d’une force de projection importante, de l’arme nucléaire ou encore d’un matériel militaire difficilement égalable : 10 000 chars, 11 porte-avions (dont 8 nucléaires), 6000 hélicoptères, 4300 avions de combats, 17 SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d’engins) ou encore 52 sous-marins d’attaque.

Sur le plan maritime, les États-Unis sont une nouvelle fois partout. Ils disposent de plus de 800 bases militaires dans le monde parmi lesquelles on peut retrouver les bases Al-Udeid au Qatar ou Guantanamo à Cuba. Tu peux te référer sur cette partie à la notion de Sea Power, voire éventuellement à l’ouvrage écrit par Alfred Mahan en 1890 intitulé : The Influence of Sea Power upon History. Si ça t’intéresse, on te propose également une fiche références sur les États-Unis.

Tu peux enfin retenir que la puissance américaine se structure en 6 commandements géographiques principaux : US NORTHCOM (Amérique du Nord), US SOUTHCOM (Amérique Latine), US EUCOM (Europe, Russie, Groenland), US AFRICOM (Afrique sauf Egypte), US CENTCOM (Moyen-Orient) et US INDOPACOM (Asie du Sud-Est).

Le pouvoir diplomatique : la face cachée du hard power américain

Sur le plan diplomatique, les États-Unis sont aussi très puissants. Ils disposent du deuxième réseau diplomatique mondial (271 ambassades et consulats) et demeurent très proches de la Chine (qui en compte 274), première au classement. Par ailleurs, les États-Unis sont la pierre angulaire de plusieurs grandes institutions internationales et disposent d’un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU (au même titre que la France, le Royaume-Uni, la Chine et la Russie).

Le pouvoir économique

Les États-Unis sont très attachés à leur économie. Et ils ont bien raison dans la mesure où le pays est la première puissance économique du monde avec plus de 26 milliards de dollars de PIB en 2023. Les États-Unis possèdent des entreprises de premier rang dans quasiment tous les secteurs : Walmart et Amazon (commerce de détail), Apple (produits électroniques), JPMorgan et Berkshire Hathaway (Finance), Exxonmobil (hydrocarbures), Ford et General Motors (automobile). Chiffre important : près de la moitié des 50 premières entreprises mondiales (en chiffre d’affaires) sont américaines. Plus largement, sur les 500 premières entreprises mondiales (en chiffre d’affaires toujours), 132 sont américaines. Cette puissance économique très importante apparait ainsi comme un atout du hard power américain.

Cette idée de hard power par la puissance économique peut se traduire à travers l’utilisation du dollar. En effet, le dollar a pris une place centrale dans le système économique international notamment après les accords de Bretton-Woods de 1944. Le dollar est la monnaie de référence dans les échanges internationaux (en particulier dans le marché des hydrocarbures). Aujourd’hui, le poids du dollar resteencore important. Par ailleurs, plusieurs économies sont dollarisées complètement (leur monnaie officielle est le dollar américain) comme l’Équateur (depuis 2000), le Panama ou encore le Salvador (2001).

Le soft power américain

Qu’est-ce que le soft power ?

Le soft power est un terme développé par Joseph Nye dans les années 1990. Il signifie en français la « puissance douce ». Le soft power, c’est en quelque sorte le pouvoir d’obtenir quelque chose d’un État ou d’une entité sans utiliser de moyens coercitifs mais en insistant plutôt sur des ressources plus douces : le cinéma, le sport, la culture, etc. Tu peux retrouver ici un article sur les concepts du Soft Power en 15 points clés.

The American Dream : miroir du soft power américain

Pour Joseph Nye, l’American dream est essentiel dans la mesure où : « Ceux sur qui nous exerçons une fascination ne nous feront jamais la guerre ». L’American Dream donne aux États-Unis une image importante dans le monde : celle du pays de tous les possibles. Les success stories de plusieurs individus donnent de l’espoir à beaucoup d’autres : Andrew Groove (INTEL) ou Pierre Omidyar (EBAY) par exemple.

Le cinéma

Dans les années 1920, les grands groupes américains du cinéma se développent : Paramount (1912) , The Warner Bros Company (1923), Metro-Goldwyn-Mayer (1924). Hollywood se développe et le cinéma devient une réelle industrie. Les firmes du secteur s’internationalisent rapidement. Les États-Unis deviennent prépondérants dans le secteur : ils projettent 82% des films en Europe par exemple. Par ailleurs, une entreprise devient très vite essentielle : Disney. Disney enregistre tous les plus gros succès du box-office (Pixar, Marvel, Fox). Le film ayant entrainé le plus de retombées financières étant Avengers Endgame avec 2,7 milliards de recettes (quasiment à égalité avec Avatar).

Dans les deux dernières décennies, les séries télévisées se développent. Des plateformes comme Netflix ou Prime Vidéo émergent et le contenu est essentiellement américain. Les séries américaines permettent de diffuser le mode de vie ainsi que les valeurs américaines dans le monde. Netflix tend de plus en plus à internationaliser sa plateforme en finançant des séries étrangères quand Amazon reste principalement américaine, avec un contenu américain.

La littérature américaine

Les États-Unis sont aussi un des grands pays de la littérature. Par exemple, la plus grande bibliothèque du monde se situe à Washington (la Bibliothèque du Congrés). On retient également des auteurs importants : James Fenimore Cooper (Le dernier des Mohicans en 1926) ou encore Jack Kerouac (Sur la route en 1957).

Le sport

Aux États-Unis, le sport est très important. Certains champions nationaux sont internationalisés comme Mohammed Ali, Tiger Woods, Michael Jordan. En ce qui concerne les compétitions internationales, les Jeux Olympiques sont toujours dominés par les États-Unis qui cumulent 2633 médailles olympiques (1175 en or) contre 1010 pour son dauphin chinois. Enfin, des sports ou événements sont mythiques aux États-Unis : le Superbowl est chaque année suivi par des millions de téléspectateurs dans le monde (100 millions pour l’édition 2021), la NBA demeure la ligue nationale référence pour le Basket-Ball, ou encore les nombreux marathons (New-York, Boston) sont courtisés par les coureurs du monde entier

Le droit : un axe majeur de la puissance américaine

Le droit, l’arme fatale des états-Unis

Les Américains se dotent de nombreuses lois commerciales, visant à identifier et à sanctionner « des comportement injustes et déraisonnables des acteurs économiques rivaux des États-Unis ». Le droit apparait comme une arme redoutable pour les États-Unis, tant pour diffuser leurs valeurs que pour affaiblir les entreprises étrangères.

Lutte contre la corruption

Premièrement, le FCPA (Foreign Corrupt Practise Act) de 1977 : cette loi vise à condamner les actes de corruption commis par des entreprises ou personnes, américaines ou non, qui sont soit implantées aux États-Unis, soit cotées en bourse sur le territoire américain, soit cotées en bourse sur un autre marché financier mais régulé par les Américains. En 1998, le Anti-Bribery Act est instauré : le FCPA devient un principe fondamental de la Convention de l’OCDE. Ces lois ont donc toute leur légitimité et personne ne peut vraiment s’y opposer.

On peut noter des condamnations importantes comme celle de Siemens (800 millions de dollars en 2008) pour accusation de corruption en Amérique Latine et en Irak.

Lutte contre le non resect des embargos américains

La loi Helms-Burton de 1996 est fondamentale : les États-Unis réduisent considérablement les possibilités pour les entreprises mondiales de commercer avec les pays sous embargo américain : Cuba, Iran, Soudan. Tu peux retenir la condamnation du Crédit Agricole (787 millions de dollars en 2015) pour avoir violé les règles américaines d’embargo en facilitant des transactions en dollars avec le Soudan, l’Iran et Cuba.

L’extra-territorialité américaine : exemple du dieselgate

L’histoire : en 2010, les normes anti-pollution étaient deux fois plus exigeantes aux États-Unis (40 mg/km de NOx) qu’en Europe (80mg/km de NOx). Le groupe Volkswagen veut continuer de vendre ses voitures aux États-Unis sans pour autant répondre aux nouvelles normes. Elle falsifie alors les tests au sujet de l’homologation des normes anti-pollution grâce aux logiciels fournis par l’entreprise Bosh. De 2009 à 2015, elle vend plus de 11 millions de véhicules avec des normes anti-pollution falsifiées. Suite à l’enquête réalisée par l’ONG américaine ICCT, les résultats sont partagés à l’Agence américaine de protection de l’environnement en septembre 2015 qui décide de dévoiler publiquement l’affaire. 48 États américains sur 50 entament des actions en justice. Le groupe Volkswagen est condamné à verser environ 5 milliards de dollars d’amende aux autorités américaines, et est obligé de verser plus de 10 milliards de dollars de remboursements aux clients américains concernés.

L’enquête : pour enquêter sur cette affaire, la justice américaine est intervenue extra-territorialement, en perquisitionnant le siège social de Volkswagen à Wolfsburg.

Conclusion

J’espère que cet article t’a permis de bien comprendre les composantes principales de la puissance américaine. On aurait également pu mentionner le terme de Smart Power (Joseph Nye et Suzanne Nossel) apparu dans les années 2000, qui vise à mélanger intelligement le hard power et le soft power. Retrouve également une dissertation complète sur les États-Unis et la mondialisation contemporaine.

N’hésite pas à consulter toutes nos ressources géopolitiques