Bienvenue dans cette étude de cas sur la mer Caspienne ! Tu y trouveras tout ce qu’il faut savoir pour utiliser cet espace comme exemple, et donc pour te démarquer !
Actualité du mois d’avril 2023
En six mois, l’Iran a expédié plus de 300 000 obus d’artillerie et un million de munitions en direction de la Russie, via la mer Caspienne. Malgré les tentatives de l’Ukraine et de ses alliés (notamment les États-Unis) pour contrecarrer ces échanges, l’aide apportée par Téhéran à Moscou dans le cadre de la guerre en Ukraine n’a pas cessé de croître.
Cette aide s’ajoute aux potentielles livraisons de drones kamikazes, capables de cibler des positions spécifiques ukrainiennes, déjà organisées par l’Iran. Dans cet exemple, la mer Caspienne s’affiche comme un terrain privilégié de connivence entre la Russie et l’Iran, zone d’interface stratégique inaccessible à leurs rivaux.
Géographie
La mer Caspienne est la plus grande mer fermée du monde. Cet immense lac salé, d’une superficie de 372 000 km2, est une zone de contact entre cinq États : la Russie, l’Iran, le Turkménistan, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan. Ainsi, c’est un nœud stratégique majeur entre le Caucase, le monde russe, le monde perse et l’Asie centrale.
La mer Caspienne regorge de ressources naturelles, notamment halieutiques (poissons) : esturgeons, sterlets, saumons… Une cinquantaine d’espèces y sont présentes, absentes des autres mers. Ces ressources entretiennent une large population de pêcheurs. La mer Caspienne représente 90 % de la production mondiale de caviar, justement réputé. Le caviar noir assure la prospérité des producteurs et des commerçants.
D’une mer à un lac
Après la chute de l’URSS, le statut de la mer Caspienne a fait l’objet de décennies de discussions. Le 12 août 2018, la Convention sur le statut de la mer Caspienne est l’accord historique entre les cinq pays riverains, conférant à cette mer le statut de lac. Cette option interdit toute présence militaire navale d’une puissance non riveraine. La mer Caspienne devient alors une exclusivité en partage d’un petit nombre.
En effet, le statut de mer aurait entraîné un droit élargissant la libre circulation. L’exclusion des États-Unis d’une partie du globe jugée stratégique est une première et un succès majeur pour leurs rivaux russes et iraniens. L’accord organise également le partage des richesses (pétrole, gaz, halieutiques) et la régulation du trafic civil et militaire en mer Caspienne.
Ce statut de lac était privilégié par la Russie, mais n’était pas promu par tous les pays riverains. L’Azerbaïdjan, le Turkménistan et le Kazakhstan étaient, au contraire, en faveur du droit de la mer. Ces trois États ont alors bénéficié de compensations de taille : la fin du monopole russe sur le transport de gaz et la possibilité pour le Turkménistan et l’Azerbaïdjan de construire un gazoduc en mer Caspienne, longtemps désiré. Cela signe l’émergence d’une concurrence sérieuse au gaz russe dans la même zone.
Un espace naturel menacé
La richesse issue du caviar est menacée par l’extinction programmée de plusieurs espèces d’esturgeons sauvages, à cause de la surpêche (contrebande incluse) et de la pollution. Les hydrocarbures, bien que représentant 6 à 10 % des réserves mondiales, sont difficiles à exploiter du fait d’accords de délimitation des ressources offshore et de la diversification des circuits d’exportation.
La baisse du niveau de l’eau est inquiétante, en particulier au niveau des côtes du Turkménistan. Rachid Meredov, ministre turkmène des Affaires étrangères, déclarait, fin 2023 : « En 25 ans, la mer Caspienne a diminué de près de deux mètres. Ce chiffre est plus qu’alarmant. » Le ministre appelle les pays riverains à collaborer face au problème, qu’il considère comme le plus urgent aujourd’hui. Toutefois, la collaboration sur ce sujet est encore minime, dans un contexte centré sur la lutte pour l’appropriation des hydrocarbures de la mer Caspienne.
Si la situation écologique ne s’améliore pas, de nombreuses espèces animales uniques sont menacées. Pour cause, l’agriculture saturée en substances chimiques provoque des infiltrations nocives, surtout pour les espèces dont le système immunitaire reste sensible aux variations. Les forages conduisent à des déversements d’hydrocarbures dans la mer, contaminant les sols et l’eau. Les fleuves Volga et Oural conduisent des déchets non traités jusque dans la mer Caspienne, en provenance de la Russie où l’industrie lourde déverse ses eaux usées dans les deux fleuves. Enfin, la construction de grandes raffineries a abîmé les côtes, zones habitées ou non, au bord de la mer Caspienne.
Un espace sous influences : l’Iran et la Russie
Parmi les cinq pays riverains, la Russie exerce un fort contrôle sur la mer Caspienne. La flotte russe de la Caspienne, avec 16 nouveaux navires, a été renforcée par le plan d’armement (2011-2020) comme celle de la mer Noire. L’exercice militaire russe Caucase 2020 (grandes manœuvres militaires) s’est fortement appuyé sur cette flotte, renforcée par deux lance-missiles iraniens. Signe d’une coopération militaire relancée entre Moscou et Téhéran. L’Iran, développant également sa propre présence navale en mer Caspienne, affirme coopérer avec la Russie au nom de la lutte contre le terrorisme. Pour la Russie, cette présence militaire en mer Caspienne doit défendre l’affirmation de son statut particulier et faire interagir les forces militaires riveraines entre elles.
En outre, la mer Caspienne fait partie du système historique des Cinq-Mers, réseau unifié de voies navigables de grande profondeur en Russie d’Europe, éminemment stratégique pour Moscou. Il s’agit d’un véritable réseau de transport maritime et fluvial entre les cinq mers bordant la Russie : la mer Baltique, la mer Blanche, la mer Caspienne, la mer Noire et la mer d’Azov.
En signant la Convention, la Russie résiste à l’influence croissante de la Chine, désireuse d’attirer les pays d’Asie centrale dans sa sphère d’influence. Moscou démontre sa capacité de résilience pour rester maître de la zone. Toutefois, l’économie chinoise est déjà dix fois plus large que l’économie russe. La Chine est prête à investir dans le projet des nouvelles routes de la soie maritimes et terrestres. Ainsi, les rapports de force en mer Caspienne ne sont certainement pas figés.
Avant 1820, la mer Caspienne était quasiment un lac intérieur iranien. Téhéran en a perdu le contrôle dans une guerre perdue face à la Russie ; ressentiment qui n’a pas disparu. Pour cette raison, l’Iran a été plus réticent à signer la Convention sur le statut de la mer Caspienne en 2018. Toutefois, la perspective de contrer les sanctions américaines était une opportunité unique offerte par cet accord. En outre, cette signature permet à Téhéran de se rapprocher davantage de la Russie, les deux États partageant des intérêts communs, notamment en Syrie.
Ouverture
« La région de la Caspienne doit demeurer une zone de stabilité, de confiance mutuelle, de lutte commune contre le terrorisme, le trafic de drogue et le crime organisé », déclarait Serdar Berdimuhamedow, Président du Turkménistan, lors du sixième sommet de la mer Caspienne, en juillet 2022. Il annonçait également l’objectif ambitieux d’intégrer la mer Caspienne dans la réactivation de la Route de la Soie. Ce sommet a également permis de poser les bases de la coopération dans le domaine des sciences, de la nature, de la culture et du tourisme dans la région caspienne.
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