PAC

En janvier 2024, un mouvement de contestation des agriculteurs émerge en France. Au sein de ce mouvement, commun à de nombreux pays européens, des agriculteurs dénoncent les retards de paiement des aides de la PAC et les nouvelles normes qui conditionnent le versement de ces aides. Certains expliquent aussi que la PAC favoriserait les grandes exploitations. Pourtant, la France est le pays bénéficiaire principal de cette aide, qui représente une des principales dépenses de l’Union européenne. Alors, comment expliquer que la PAC soit autant contestée ? Dans cet article, Major-Prépa te propose un zoom sur cette aide qui a permis un développement de l’agriculture en Europe, mais qui comporte aussi de nombreuses limites.

Les origines de la PAC

La PAC est évoquée dès le Traité de Rome en 1957 et est mise en place plus tard, en 1962. À l’origine, elle contient trois objectifs principaux :

  • Premièrement, atteindre l’autosuffisance alimentaire en Europe.
  • Deuxièmement, accélérer la modernisation de l’agriculture dans les pays de la CEE.
  • Enfin, garantir des revenus aux agriculteurs.

En plus des fonds donnés pour l’agriculture, la PAC garantit des prix de vente aux agriculteurs. Elle met en place aussi des taxes pour les produits agricoles importés afin d’éviter la concurrence.

Les premiers bilans dans le début des années 1970 sont plutôt positifs, notamment du point de vue l’autosuffisance du fait de la modernisation de l’agriculture.

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Une PAC ou des PAC ?

Le plan Mansholt et le système de quotas

Au fil des années, la productivité alimentaire et la disponibilité des denrées alimentaires ont augmenté. Pourtant, le revenu des agriculteurs n’a pas évolué. En 1970, Sicco Mansholt, alors commissaire européen à l’agriculture, prédit que la surproduction et le soutien des prix sont susceptibles de provoquer des déséquilibres sur le marché. Ce plan vise donc à moderniser le secteur pour optimiser les surfaces cultivées et fusionner les exploitations afin de créer des unités plus importantes.

Dans les années 1970-1980, la production commence à dépasser la demande. De ce fait, les produits se vendent à bas prix, parfois même sur le marché mondial. Pour protéger les agriculteurs, l’Union européenne instaure un système de quotas pour lutter contre la surproduction.

Les réformes MacSharry et le second pilier

C’est en 1992 qu’est adoptée la première grande réforme de la PAC. Cette réforme abandonne le système des prix garantis et instaure un système d’aide directe aux agriculteurs. Cette réforme oblige aussi les agriculteurs à respecter de nouvelles règles pour protéger l’environnement. Elle incite aussi à créer de la nourriture de meilleure qualité. C’est aussi la première fois que des paiements directs aux agriculteurs ont été mis en place, sur la base de la superficie cultivée ou du nombre de bêtes détenues.

En 1999, le monde agricole offre moins de possibilités de création de nouveaux emplois que d’autres secteurs en expansion. C’est dans ce contexte qu’est adopté l’Agenda 2000. Il s’agit d’une approche plus globale de l’agriculture et du développement rural dans le but d’améliorer la compétitivité de l’agriculture, d’offrir d’autres sources de revenus dans les zones rurales et d’y renforcer la cohésion sociale. Le développement rural devient le second pilier de la PAC.

2013 et 2021, des réformes encore plus importantes

Au XXIe siècle, de nouveaux objectifs entrent en jeu pour le monde agricole. La réforme de la PAC en 2013 tente d’en intégrer certains. En outre, elle conditionne le versement des aides à des nouvelles normes environnementales et tente de limiter l’aide aux grosses exploitations pour aider davantage les plus petits producteurs. Elle tente aussi d’inciter les jeunes à se lancer dans le monde agricole.

La réforme de 2021 intensifie les réformes d’un point de vue écologique. En outre, la réforme introduit diverses récompenses pour des pratiques plus écologiques, tant dans le cadre des paiements directs que dans le cadre du développement rural. Par ailleurs, les petites exploitations et les jeunes agriculteurs sont considérés comme des bénéficiaires prioritaires des paiements directs. Pour la première fois, la PAC comporte également un engagement à protéger les droits des travailleurs.

Des contestations à toutes les échelles

Des critiques à l’international

Depuis sa création, et surtout dans les années 1980 avec le néolibéralisme, la PAC est victime de critiques des nations extraeuropéennes. C’est dans ce contexte que l’Uruguay Round fait pression sur la PAC, entre 1986 et 1994, pour libéraliser les échanges. C’est durant la même période, en 1992, que sont signés les accords de Blair House entre les États-Unis et l’Union européenne.

En effet, les États-Unis ont souvent dénoncé le protectionnisme et les subventions de la PAC. D’où le soutien des revendications du groupe de Cairns au sein du GATT. Ces critiques amènent aux Accords de Marrakech en 1994, qui provoquent une baisse des prix garantis.

Des critiques de pays européens

Mais les critiques existent aussi depuis longtemps dans divers pays européens. En effet, en 1973, le Royaume-Uni estime qu’il contribue trop au budget européen, notamment car la PAC représente à l’époque 70 % du budget de la CEE, mais que le pays n’en bénéficie que très peu. C’est d’ailleurs cette discorde qui est à l’origine du fameux « I want my money back » de Thatcher à Dublin, en 1979.

Mais ce sont aussi les partis politiques qui critiquent parfois la PAC. En pleine crise agricole, l’écologiste Yannick Jadot dénonce un modèle qui est profondément inégalitaire. En effet, 80 % des aides de la PAC vont vers 20 % des agriculteurs les plus importants, explique-t-il. Les agriculteurs ont d’ailleurs ces derniers mois éprouvé les mêmes critiques envers la PAC.

Conclusion

À travers son histoire, on remarque bien que la PAC est controversée dans le temps. Au début, cette politique est une réussite, car elle renforce le processus de construction européenne. Néanmoins, les premiers élargissements provoquent des tensions à l’échelle européenne sur ce sujet car, du fait de la diversité des économies, les membres ne bénéficient pas également de cette politique.

S’ajoute à cela le contexte de néolibéralisme qui provoque des tensions à l’international. Ces contestations amènent à des réformes. Au même moment, les préoccupations environnementales s’invitent aussi dans ces réformes. Toutes ces modifications amènent aujourd’hui à une PAC contestée par des agriculteurs et des partis politiques.

Mais, en réalité, c’est surtout la politique agricole de l’Union européenne qui est contestée derrière cela. En effet, de nombreux agriculteurs dénoncent aussi le possible accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Un accord qui pénalisera les agriculteurs européens, du fait d’une concurrence inégale à cause des normes européennes.

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