Asie

Le concept de soft power, popularisé par le politologue Joseph Nye en 1990, désigne la capacité d’un pays à influencer le monde par son attractivité et son influence, plutôt que par la force militaire ou économique. Il peut non seulement permettre à une puissance moyenne de jouer un rôle plus important sur la scène internationale (Corée du Sud), mais aussi justifier une puissance bien établie (Chine, Inde). Avant d’aborder le soft power spécifique à l’Asie, je te conseille de jeter un œil à cet article qui reprend les notions de base et les points clés à connaître sur le sujet.

Le retard du soft power asiatique

En Asie, l’utilisation du soft power est un phénomène relativement récent. Longtemps focalisés sur leur développement économique, les pays asiatiques ont tardé à investir dans ce domaine. De plus, la notion occidentale de soft power ne correspondait pas toujours aux valeurs et aux traditions asiatiques, et les pays manquaient d’institutions et d’infrastructures pour diffuser leur culture et leur influence à l’étranger.

Parallèlement, Hollywood dominait l’industrie cinématographique mondiale et les films asiatiques étaient peu diffusés dans le monde. La musique occidentale était beaucoup plus populaire et les marques occidentales dominaient le marché mondial.

L’éveil du soft power en Asie dans les années 1990

En Chine, malgré les réticences initiales et le contexte tendu post-Tian’anmen, l’article de Wang Huning en 1993 a ouvert la voie à un débat sur l’utilité du soft power pour Pékin. L’idée que la culture et l’idéologie chinoises pouvaient inspirer le monde a séduit certains intellectuels, suggérant une alternative au hard power coûteux.

En effet, c’est cet article de Wang Huning en 1993 qui posa le premier la question du soft power en Chine, en affirmant que « si un pays a une culture et une idéologie admirables, les autres pays auront tendance à le suivre. […] Il n’a pas besoin de faire usage d’un hard power coûteux et moins efficace ».

D’autres pays asiatiques ont également commencé à explorer le soft power. La Corée du Sud et Taïwan, fraîchement démocratisés, y ont vu un moyen de renforcer leur identité nationale et de valoriser leur modèle de développement économique spectaculaire. Le Japon, conscient de la montée en puissance de ses voisins, a compris l’importance de son attractivité et de son influence sur la scène internationale.

La Chine : l’impulsion du soft power en Asie

En 2007, le gouvernement chinois a officiellement intégré le soft power à sa doctrine politique lors du 17e Congrès du Parti communiste chinois. Cette décision répond à plusieurs objectifs : améliorer l’image de la Chine sur la scène internationale, souvent perçue comme une puissance menaçante. L’objectif est de transformer l’image du « dragon chinois, à l’aspect parfois menaçant » en celle d’un dragon « bienveillant », à la fois compétitif et amical (Courmont, 2009, p. 9), d’accroître son influence et de construire des relations pacifiques avec ses voisins, notamment en Asie de l’Est et du Sud-Est.

Cela est crucial pour le développement économique de la Chine et la sécurisation de son approvisionnement énergétique, dans un contexte de tensions régionales (conflits en mer de Chine méridionale, autour du Mékong, litiges frontaliers…).

Pour ce faire, Pékin investit massivement dans divers outils de soft power

Défense du multilatéralisme pour se présenter comme un acteur responsable sur la scène internationale. Aides humanitaires pour renforcer son image de puissance bienveillante et solidaire. Aujourd’hui, c’est le pourvoyeur de troupes le plus important des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et le sixième contributeur financier aux opérations de maintien de la paix. L’année 2015 marque l’apogée de l’implication de la Chine dans dix opérations en Afrique mobilisant 2 838 soldats.

Développement d’infrastructures à l’international pour accroître son influence économique et créer des liens de dépendance. Les Instituts Confucius sont parmi les éléments les plus visibles du soft power chinois. Ils ont pour but de véhiculer la langue, la culture, l’histoire et la philosophie chinoises par-delà les frontières de la Chine. Le calcul des dirigeants est simple : plus les populations du monde maîtriseront la langue chinoise et s’intéresseront à la culture du pays, mieux seront comprises l’émergence de la Chine ainsi que les politiques et les idées véhiculées par l’Empire du Milieu sur la scène internationale. Aujourd’hui, les instituts Confucius sont présents dans 142 pays.

Promotion de la langue et de la culture chinoises à travers un vaste réseau d’instituts Confucius, d’investissements dans le cinéma et l’organisation de grands événements internationaux. Présence dans les institutions régionales. Elle participe à de nombreux forums internationaux dont l’association de Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), le Dialogue Asie-Europe (ASEM), l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est plus trois (Japon, Chine, Corée du Sud [ASEAN+3]) et l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). À cela, on peut ajouter le lancement, à l’automne 2014, de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII).

Cependant, l’image de la Chine sur la scène internationale est encore fragile. Si le pays a réalisé des progrès incontestables en matière de soft power ces dernières années, il reste confronté à de nombreuses critiques qui en limitent l’efficacité. Les manifestations de 2008 au Tibet et en 2019 à Hong Kong ont mis en lumière la répression des libertés d’expression et de réunion par le régime chinois, la politique de répression envers les Ouïghours dans la province du Xinjiang est vivement condamnée par la communauté internationale, le non-respect des droits humains et la surveillance accrue de la population nuit à son image…

Le soft power à travers l’Asie

L’essor du soft power en Asie a fortement influencé ses voisins asiatiques et les a incités à se lancer dans des stratégies comparables.

Le cinéma bollywoodien

Il est majoritairement produit à Mumbai et joue un rôle crucial dans la diffusion de la culture indienne et la promotion de l’image du pays à l’étranger. En plus de diffuser la culture indienne, Bollywood contribue également à promouvoir l’image du pays à l’étranger. Les films indiens présentent souvent une image positive de l’Inde, en tant que pays dynamique, moderne et multiculturel.

Le yoga

D’origine indienne, il s’est diffusé à l’échelle mondiale. Cependant, Lucie Dejouhanet, dans L’Inde, puissance en construction (2016), affirme que la promotion internationale du yoga s’explique par des raisons de géopolitique interne, car « en affirmant son engouement pour la paix, Narendra Modi veut faire oublier les violences intracommunautaires associées à la branche extrémiste de son parti ».

Si tu veux en connaître davantage sur le soft power indien, je te conseille de consulter cet article plus détaillé.

Le cool Japan

Le soft power japonais, appelé « Cool Japan », repose sur sa culture, sa technologie et son innovation, sa pop culture, et sa sécurité et sa stabilité. En effet, le Japon possède une culture historique riche (art, musique, littérature…) à laquelle s’ajoute une pop culture mondialement connue : mangas, animés, jeux vidéo, mode, musique…

Sur le plan technologique, le Japon est un leader mondial réputé pour ses produits de qualité ainsi que pour son rôle pionnier dans les domaines de la robotique, l’intelligence artificielle, l’électronique et l’automobile. Le soft power est souvent utilisé comme un outil de compétition par le Japon, notamment pour contrer les offensives de charme de Pékin en Asie.

En 2016, l’arrivée au pouvoir de Tsai Ing-wen à Taïwan a marqué le début d’une nouvelle ère dans la politique étrangère du pays. La Nouvelle politique du Sud (NSP) vise à rééquilibrer les relations économiques et diplomatiques de Taïwan en s’éloignant de la dépendance à la Chine et en se rapprochant des pays d’Asie du Sud-Est.

Conclusion

S’il est indéniable que l’Asie a accru son influence sur la scène internationale grâce à son soft power, il est important de noter que ce mouvement n’est pas uniforme en Asie. Le soft power est profondément ancré dans certains pays, comme la Corée du Sud et le Japon, alors qu’il est souvent remis en question dans d’autres, comme la Chine et l’Inde. En effet, son succès dépend de nombreux facteurs, notamment de la cohérence de la stratégie, d’où sa remise en question dans certains pays.

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