Les sujets portant sur la monnaie ou les taux de change sont très souvent redoutés des étudiants. En particulier ce sujet, qui est commun aussi bien aux oraux de HEC que de l’ESCP. Dans cet article seront proposés un plan et plusieurs pistes de réflexion, te permettant de répondre de manière précise et pertinente à la question. Pour te rappeler ce qu’est un taux de change, cet article est disponible.
I) Un bon taux de change est défini par l’existence d’un taux de change d’équilibre…
A) Ce taux permet d’atteindre l’équilibre interne, ce qui signifie que l’économie fonctionne à son niveau de croissance optimal sans être affectée par une inflation excessive due à un excès de demande intérieure
Cet équilibre repose sur le concept de parité de pouvoir d’achat (PPA), développé par Gustav Cassel en 1919. La PPA est fondée sur la loi du prix unique, une hypothèse clé en économie. Selon cette loi, en conditions de concurrence parfaite et sans obstacles commerciaux ni coûts de transport, des biens identiques devraient être vendus au même prix partout dans le monde, une fois les ajustements de taux de change effectués. En d’autres termes, la loi du prix unique stipule que les prix des biens identiques devraient se rapprocher dans différents pays ou régions lorsque les taux de change sont correctement ajustés.
Ainsi, le taux de change reflète les fondamentaux économiques, notamment les coûts de production (productivité relative comparée à celle des concurrents). Un taux de change nominal surévalué par rapport à la PPA rendrait les produits nationaux moins compétitifs et entraînerait un solde courant négatif, tandis qu’un taux de change nominal sous-évalué par rapport à la PPA favoriserait la compétitivité des produits nationaux et pourrait conduire à un solde courant positif.
B) Ce taux de change permet d’atteindre l’équilibre externe, assurant ainsi la viabilité à long terme de son compte courant
L’équilibre fondamental de la balance des paiements, dérivé de l’équilibre emplois-ressources, stipule que le solde courant doit être égal à la capacité de financement disponible (ou besoin de financement). En cas de déficit courant, le taux d’intérêt doit être ajusté pour répondre à ce besoin de financement.
Cet équilibre doit être soutenable dans la durée. Soit le solde courant est ajusté, soit les taux d’intérêt sont compatibles avec l’investissement et la croissance. La confiance dans le pays ne repose pas sur une monnaie surévaluée. Un taux de change est considéré comme étant à l’équilibre s’il respecte la parité des taux d’intérêt. Cela signifie que les rendements des capitaux entre pays sont égaux, en tenant compte des anticipations relatives aux évolutions des taux de change.
C) En cas de divergence durable avec les fondamentaux, la crise de change indique que le taux de change actuel n’est pas le « bon » taux de change
La crise de change est considérée comme une sanction justifiée. À chaque fois, les tensions monétaires résultent de choix politiques. Certains effets sont presque automatiques en fonction des déterminants du taux de change, notamment le taux d’inflation, le taux d’intérêt et le solde des transactions courantes. Un pays affichant un déficit dans ses transactions courantes ou un taux d’inflation plus élevé que celui des autres pays connaît une tendance à la dépréciation de sa monnaie. Ce pays peut tenter de contrer cette tendance en utilisant ses réserves de change, mais si celles-ci sont insuffisantes, il doit alors changer de politique. Cela peut impliquer d’augmenter les taux d’intérêt, de réduire le déficit budgétaire ou d’autres mesures visant à freiner la croissance. Alternativement, le pays peut choisir de maintenir sa croissance, ce qui entraînera probablement une dévaluation ou une dépréciation de son taux de change.
Ces crises correspondent aux modèles étudiés par Paul Krugman en 1979, maintenant qualifiées de « crises de première génération ». Elles trouvent leur origine dans des déséquilibres de la balance des paiements. C’est-à-dire lorsque le taux de change ne correspond plus aux fondamentaux économiques.
Pendant ces crises, on observe plusieurs régularités, notamment la diminution des réserves de change causée par le financement monétaire du déficit budgétaire. L’augmentation de l’offre de monnaie entraîne une anticipation de hausse des prix. Ce qui diminue la valeur des avoirs en monnaie nationale au profit de la conversion en monnaies étrangères. Les efforts pour défendre la monnaie en utilisant les réserves de change finissent par les épuiser.
À ce stade, le taux de change cesse brusquement de se maintenir au bon niveau. La volonté de préserver la valeur de la monnaie pour maintenir son pouvoir d’achat international et son attractivité financière peut s’avérer très coûteuse pour l’investissement et l’emploi, car elle limite les débouchés pour les entreprises nationales. Le manque de croissance résultant d’un taux de change inadapté conduit finalement à une fuite des capitaux et à une dévaluation. Révélant ainsi que le taux de change antérieur n’était pas adéquat.
Par exemple, pendant la crise des années 1930, la France a été contrainte d’accepter plusieurs dévaluations du franc Poincaré, mais leur tardiveté a entravé les exportations françaises après l’abandon de la convertibilité en or de la livre sterling en 1931, puis la dévaluation du dollar en 1933.
II) Comment atteindre le bon taux de change ?
A) Une approche pour atteindre le bon taux de change est de pratiquer la dévaluation compétitive
La pratique de la dévaluation compétitive peut être analysée à travers plusieurs concepts économiques et exemples historiques.
La courbe en J décrit l’évolution probable du solde courant après une dévaluation dans un régime de changes fixes. Ce phénomène vise à ajuster la balance des transactions courantes en renforçant la compétitivité des prix par le biais d’un ajustement des prix externes. Cependant, cette courbe en J n’existe que sous certaines conditions, notamment en l’absence de préférences nationales pour les productions locales et sans importations incompressibles.
À long terme, le recours répété à des dévaluations peut nuire à la compétitivité prix, car les entreprises ne sont pas incitées à rechercher des gains de productivité ou à innover. Dans les années 1980, on a observé un cercle vicieux de monnaies faibles (comme en Italie et en France) qui a conduit à la disparition de la courbe en J. La dévaluation n’a fait qu’aggraver le solde des transactions courantes. Ce qui a créé une contradiction entre la volonté de stimuler les exportations et la nécessité d’importer des biens bon marché.
L’hétérogénéité des élasticités des exportations et des importations par rapport aux prix souligne que ce qui peut être considéré comme un bon taux de change pour certains exportateurs peut être défavorable à d’autres. Par exemple, dans la zone euro, les pays spécialisés dans les produits haut de gamme pouvaient vendre leur production avec un euro fort, tandis que les pays axés sur la compétitivité prix subissaient une dégradation de leur balance commerciale en cas d’appréciation de l’euro par rapport au dollar. En France, cela s’est traduit par un affaiblissement des entreprises exportatrices et une problématique croissante pour maintenir la croissance et les emplois industriels.
En résumé, la dévaluation compétitive peut avoir des effets ambivalents selon les circonstances économiques et les spécificités des secteurs industriels d’un pays. Elle peut offrir un avantage temporaire en renforçant la compétitivité prix, mais à long terme, elle peut compromettre la compétitivité globale et entraver les incitations à l’innovation et à la productivité.
B) Laisser faire le marché
Le flottement des monnaies devait permettre un rééquilibrage automatique des balances courantes, avec les fluctuations du taux de change entraînant des variations de la compétitivité-prix.
La règle implicite était la suivante : une dépréciation de la monnaie en cas de déficit commercial et une appréciation en cas d’excédents. Cependant, dans les faits, les déséquilibres des années 1970 se sont plutôt aggravés, avec des soldes commerciaux qui ont pris une dimension structurelle croissante. Par exemple, les États-Unis ont connu, à partir des années 1980, des déficits commerciaux massifs, tandis que l’économie japonaise accumulait des excédents considérables. En 1987, l’Allemagne affichait un excédent des transactions courantes de 45 milliards de dollars, le Japon de 87 milliards, tandis que les États-Unis enregistraient un déficit de 167 milliards.
Le montant des transactions financières représente régulièrement environ 50 fois la valeur des flux de marchandises et de services. Le flottement des monnaies a entraîné une augmentation du risque de change. Ce qui a contribué à la financiarisation de l’économie mondiale. Par exemple, en 1972 est né le marché à terme de Chicago, suivi en 1975 par celui des options négociables. La spéculation s’est intensifiée, avec de plus en plus d’opérateurs internationaux évitant systématiquement de convertir les devises dans leur monnaie nationale. Les risques de déconnexion entre les flux financiers et l’économie réelle se sont accrus, conduisant à la formation récurrente de bulles spéculatives et à des crises financières majeures, comme les crises des marchés émergents dans les années 1990 (Mexique, Brésil, Asie, Argentine), la bulle Internet en 2000 et la crise des subprimes en 2007.
Les taux de change connaissent des phénomènes de surréaction, en particulier sur les marchés financiers intégrés au marché des changes. Le taux de change ne s’équilibre pas spontanément en raison des réactions grégaires des marchés (Dornbusch). Ainsi, nous sommes confrontés à une crise de change de troisième génération dont l’origine est strictement financière. Ces crises sont causées par la nature des anticipations et par les déficiences spécifiques de la régulation sur ces marchés (le risque systémique). Aglietta et Brender (Globalisation financière et risque de système, 1990) montrent que le risque systémique est endogène aux marchés financiers, résultant de l’asymétrie d’information autour des engagements financiers et se développant lorsque la réponse rationnelle des agents s’approche de la crise.
C) Le bon taux de change est celui qui s’adapte
Dans le contexte des pays émergents, la question du bon taux de change est complexe. Par exemple, la sous-évaluation du yuan chinois a conduit à une compétitivité externe accrue et à des déséquilibres structurels au niveau mondial, notamment des réserves de change. Cependant, la politique monétaire de la Chine doit également gérer l’effet Balassa-Samuelson, qui prédit une inévitable appréciation du taux de change réel de ces pays, entraînant une détérioration de leur compétitivité.
La réalisation d’un équilibre commercial à moyen terme ne suffit pas nécessairement à définir un bon taux de change si cet équilibre est obtenu au prix d’une dépréciation répétée de la monnaie. Ce qui peut nuire aux investissements en titres financiers nationaux vendus sur les marchés internationaux. La création monétaire excessive dans de nombreux pays en développement a conduit à des tendances inflationnistes et à des dévaluations répétées, obligeant les agents de ces pays à s’endetter en monnaies étrangères et augmentant ainsi le coût de leurs dettes extérieures, entraînant des crises de surendettement ou de change.
La crise argentine de 2001 illustre un exemple de parité non soutenable, en particulier entre le peso et le dollar, aggravée par le mécanisme du currency board. Ces problématiques sont courantes dans les pays en développement, notamment en Amérique latine. Ainsi, le bon taux de change doit être interprété en fonction de la stratégie de développement suivie par le pays (autocentrée ou extravertie) et de la nécessité d’attirer les capitaux internationaux pour financer le développement économique.
En résumé, le bon taux de change dépend de divers facteurs économiques et monétaires, y compris la gestion des déséquilibres externes, l’effet Balassa-Samuelson (pour les pays émergents), et les implications pour les marchés financiers nationaux et internationaux. Il doit être aligné avec la stratégie de développement et les besoins en financement du pays pour assurer une croissance économique durable.