crise

Cet article va te présenter en détail les racines de la crise financière de 2008, entre le rôle de la politique monétaire dans les années 2000, le soutien de l’État dans la distribution de prêts aux ménages en difficulté et le rôle des banques dans la constitution de produits financiers toujours plus risqués et complexes. Maîtriser cela peut être très utile, en particulier pour les oraux. Dans des sujets comme « Qu’avons-nous appris de la crise de 2008 ? » (ESCP 2022/2023), une connaissance approfondie de la crise est nécessaire, que ce soit pour la présentation comme pour les questions. Un étudiant tombé sur ce sujet à l’oral avait ensuite été interrogé par les examinateurs sur les questions de la titrisation et des ménages américains.

Le contexte avant la crise

La politique accommodante de la Fed dans les années 2000

La décennie précédant la crise des subprimes a été caractérisée par une expansion rapide du crédit, stimulée par la politique monétaire accommodante de la Réserve fédérale (Fed). Pour éviter une récession après l’éclatement de la bulle Internet, la Fed a drastiquement réduit ses taux d’intérêt au début des années 2000.

Cette période de la Grande Modération (Bernanke) était caractérisée par une inflation faible ainsi que des taux de croissance élevés. Les taux ont chuté de 6,5 % en mai 2000 à 1,75 % en décembre 2001, puis atteint un plancher historique de 1 % en 2003, leur niveau le plus bas en 45 ans. L’objectif était de faciliter l’accès au crédit et d’encourager les entreprises à investir davantage, de créer des emplois et de stimuler la consommation.

De fait, les faibles taux d’intérêt ont en effet facilité l’accès à la propriété, entraînant une hausse significative des prix immobiliers dans de nombreuses régions. Des États comme la Californie ont connu des augmentations annuelles moyennes des prix dépassant souvent 10 %.

L’immobilier aux États-Unis

La hausse des prix immobiliers au début des années 2000 a également été en partie la conséquence de l’impact de l’éclatement de la bulle Internet sur les habitudes d’épargne des citoyens américains. De nombreux ménages, échaudés par le krach, ont perçu l’investissement en actions comme risqué et se sont tournés vers l’immobilier, considéré comme un placement plus sûr. Cette perception a alimenté la bulle immobilière, créant une prophétie autoréalisatrice. Beaucoup ont acheté des biens immobiliers, convaincus qu’il s’agissait d’une opportunité profitable, ce qui a entraîné une hausse des prix confirmant cette croyance.

Ainsi, les prix ont grimpé de manière continue, incitant les gens à acheter de plus en plus de propriétés. Le nombre et le pourcentage de ménages américains propriétaires ont atteint des niveaux historiques durant cette période, tout comme le nombre de citoyens possédant une deuxième, une troisième, voire une quatrième propriété. En 2005, presque 30 % des achats de résidences aux États-Unis concernaient des propriétés ne servant pas de résidence principale (Case & Quigley, 2008). Dans certaines régions, notamment à Miami et en Californie du Sud, les achats à des fins spéculatives se sont multipliés. Les acheteurs revendaient leurs biens peu après l’achat, sans les occuper ni les louer, dans le seul but de profiter de la hausse des prix.

Le soutien du gouvernement américain

Dans le but de soutenir les ménages les plus modestes, les administrations Clinton (1993-2001) et Bush (2001-2008) ont exigé que les organisations Fannie Mae et Freddie Mac soient plus activement impliquées dans le financement des prêts immobiliers accordés aux familles à faible revenu (en échange d’une garantie de l’État). 

En effet, en 1997, le gouvernement américain a officiellement autorisé les deux entreprises à acquérir des CDO (Collateralized Debt Obligations) adossés à des prêts subprime. Ceci signifie qu’ils ont été invités à financer des prêts accordés à des ménages présentant un risque de défaut élevé en raison de leurs faibles revenus. 

Précision

Plus en détail, un CDO est un instrument financier qui s’inscrit dans ce qu’on appelle la titrisation. La titrisation est une technique financière qui transforme des actifs peu liquides en titres échangeables sur les marchés. Une banque ou une entreprise, appelée « originateur », possède des actifs générant des flux de trésorerie, comme des prêts hypothécaires, des prêts aux entreprises ou des créances. L’originateur vend ses actifs à une entité spéciale créée uniquement pour les acquérir, appelée Special Purpose Vehicle (SPV, similaire à une holding). Pour financer l’achat de ces actifs, le SPV émet des titres financiers adossés à ces actifs (ABS, Asset-backed Securities). Ces ABS qui reposent sur des piles de prêts de ménages différents (qui comportent diverses tranches selon les différents risques) sont achetés par des investisseurs institutionnels tels que des compagnies d’assurance, des gestionnaires d’actifs, des fonds de pension, des banques ou des fonds spéculatifs (ici, Fannie Mae et Freddie Mac) selon leur aversion au risque. Les investisseurs reçoivent des rendements provenant des flux de trésorerie générés par les actifs sous-jacents à ces ABS (ici les remboursements des prêts hypothécaires), dépendamment des risques qu’ils prennent.

Cette mesure visait évidemment à accroître la liquidité disponible pour les acquisitions immobilières par les citoyens les plus pauvres. Les banques et les sociétés de prêt hypothécaire, qui accordent les prêts aux ménages, pouvaient distribuer une partie de leurs prêts subprime à ces deux entreprises.

Cette politique a contribué à rendre le crédit immobilier plus accessible aux ménages modestes, tout en posant les bases de vulnérabilités financières accrues pour Fannie Mae et Freddie Mac. Ce qui a finalement joué un rôle central dans la crise des subprimes.

Un système dangereux…

Les prêts hypothécaires à taux variable et avec amortissement négatif

La croissance de la bulle immobilière aux États-Unis a été également marquée par la généralisation de structures de prêts très pernicieuses. À partir du milieu des années 2000, les banques demandaient rarement des acomptes aux clients pour l’achat d’une maison. Les ménages aux ressources extrêmement limitées pouvaient emprunter des montants équivalents à la valeur de la propriété qu’ils souhaitaient acheter. Cette situation a de facto créé un niveau de risque supplémentaire pour les banques, car elles acceptaient des garanties plus faibles.

Certains types de prêts encore plus agressifs étaient proposés aux clients, notamment aux ménages les plus pauvres. Les banques proposaient des prêts permettant de différer pendant deux ans le remboursement du capital et une grande partie des intérêts. Pour les ménages extrêmement modestes (c’est-à-dire les emprunteurs subprimes), ces prêts hypothécaires à taux variable avec amortissement négatif (ARM) étaient extrêmement attractifs. Ils offraient la possibilité de devenir propriétaire rapidement sans acompte et sans payer beaucoup pendant les deux premières années. Seule une petite partie des intérêts était due pendant les deux premières années. Les intérêts différés étaient ajoutés au capital du prêt, à rembourser ultérieurement. À partir de 2005, ces ARM sont devenus la norme dans le segment des prêts subprime.

En résumé, ces prêts étaient des dettes avec des taux ajustables (les taux étaient plus bas pendant les deux premières années) et des caractéristiques d’amortissement négatif. Les intérêts non payés pendant les deux premières années étaient ajoutés au montant emprunté. Ce qui signifie que le montant restant du prêt n’était pas amorti, mais augmentait pendant les deux premières années.

Le problème de ce système est que les ménages pouvaient avoir des mensualités raisonnables pendant les deux premières années (par exemple 900 dollars), mais qu’au bout des deux ans, les mensualités pouvaient être multipliées par cinq ou six, voire plus. Les ménages les plus pauvres ne pouvant évidemment pas payer, au bout de deux ans, une nouvelle offre de refinancement pouvait être faite, impliquant à nouveau un autre ARM. L’histoire peut alors théoriquement se poursuivre indéfiniment, ou jusqu’à ce que la situation du ménage s’améliore. 

Les banques n’avaient aucun problème à accorder ce genre de prêts, sachant qu’elles misaient sur une augmentation constante du prix de l’immobilier et que l’hypothèque leur permettait de vendre plus cher le collatéral (ici, la maison) que la valeur de l’emprunt contracté en cas de défaut. Les banques savaient également qu’elles pouvaient, via la titrisation, se débarrasser de ces emprunts en les vendant sous forme de titres. Les investisseurs qui achetaient ces titres étaient aussi confiants sur les risques que comportaient ces prêts pour les mêmes raisons que les banques.

En 2005 et 2006, près d’un prêt sur dix aux États-Unis était un ARM. Leur combinaison avec la croissance modérée des prix immobiliers entre 2006 et 2007 a largement contribué à déclencher la crise financière. Lorsque les prix ont stagné, il est devenu difficile de refinancer les ARM, ce qui a conduit à une augmentation des défauts de paiement des ménages. À côté de cela, de nombreux prêts ont été accordés sans évaluation de crédit adéquate (les prêts NINA/NINJA).

La croissance fulgurante du marché des subprimes

La généralisation des prêts hypothécaires à taux ajustable et le soutien indirect du gouvernement fédéral (par le biais de Fannie Mae et Freddie Mac) ont été une aide majeure au marché des prêts subprime aux États-Unis. Celui-ci a été multiplié par plus de 200 en 10 ans, passant de trois milliards de dollars en 1995 à 625 milliards de dollars en 2005. 

La titrisation a joué un rôle majeur dans cette croissance spectaculaire. De nombreux mauvais prêts ont été regroupés et distribués à des investisseurs du monde entier. Sur les 625 milliards de dollars de prêts subprime en circulation en 2005, plus de 500 ont été refinancés grâce aux CDO. 

… Couplé à une mauvaise estimation des risques

Il y a eu des problèmes d’estimation des risques, à la fois du côté des banques et des agences de notation.

La distribution des prêts subprime par les grandes banques d’investissement était accompagnée de diverses failles dans le système de notation de crédits, nommé FICO, utilisé à l’époque. L’une de ces failles résidait dans le fait que le système FICO ne prenait pas en compte la dispersion des scores individuels des emprunteurs (dans un portefeuille de prêts), se contentant de calculer une moyenne. Cette approche simpliste conduisait à une évaluation erronée du risque de défaut, car elle ne tenait pas compte de la variation des profils de crédit au sein d’un même portefeuille.

De plus, le processus de notation favorisait les ménages âgés sans historique de crédit, créant ainsi une distorsion dans l’évaluation de la solvabilité. Les banques, tout en exploitant ces lacunes, regroupaient différents types de prêts subprime peu risqués et très risqués afin d’obtenir une notation globale convenable, masquant ainsi la véritable nature des prêts.

Côté agences de notation, leur responsabilité dans la crise financière a été également significative. Par exemple, en temps normal, lorsque S&P attribue une note AAA à un titre, elle considère que cet instrument a une probabilité de défaut de 0,12 % dans les cinq années à venir. Pourtant, presque 30 % des CDO notés AAA par S&P avant la crise ont finalement fait défaut. Soit 200 fois plus que ce qui était initialement estimé. En effet, comme énoncé précédemment, les titres émis par le SPV sont notés par une ou plusieurs agences de notation selon le collatéral de ce dernier.

Plusieurs raisons expliquent ces erreurs

  • La hausse continue des prix immobiliers et l’enthousiasme de la période précédant la crise ont probablement conduit les agences de notation à baisser leur vigilance. 
  • Les agences de notation étaient également biaisées par la nature des relations contractuelles qu’elles entretenaient avec les banques. En effet, une agence de notation était sélectionnée pour une transaction par la banque qui structurait l’opération. Par conséquent, remettre en question chaque transaction risquait de compromettre les chances qu’elle soit sélectionnée pour de futures transactions.

Pour avoir davantage d’informations sur les conséquences de la crise de 2008, cet article est disponible.