L’avant-dernière théoricienne de notre série sur les Women’s Studies est Gayatri Chakravorty Spivak. Cet article t’offre une synthèse de « Can the Subaltern Speak? », fondement de la théorie de Spivak. Bonne lecture !

Informations biographiques

Née en 1942 à Calcutta, en Inde, Gayatri Chakravorty Spivak est une figure emblématique des études postcoloniales et féministes. Elle est actuellement professeure de littérature comparée à l’Université Columbia.

Spivak a été formée à l’Université de Calcutta avant de poursuivre ses études à l’Université Cornell aux ÉtatsUnis. Elle est surtout connue pour ses travaux adoptant la méthode poststructuraliste de déconstruction et pour sa traduction de l’ouvrage de Jacques Derrida, De la grammatologie (1977).

Parmi ses œuvres majeures, on compte The Post-Colonial Critic (1990) et A Critique of Postcolonial Reason: Toward a History of the Vanishing Present (1999). Comme tu epux le constater en lisant ces titres, Spivak a consacré une grande partie de sa carrière à examiner les dynamiques de pouvoir et de représentation dans le contexte postcolonial, en particulier en ce qui concerne les femmes marginalisées.

Synthèse du texte « Can the Subaltern Speak? »

La théorie du subalterne

Avant d’entrer dans le texte « Can the Subaltern Speak ? », il faut définir la notion de « subalterne » au sens où l’entend Spivak. Selon elle, ce terme fait référence aux groupes sociaux marginalisés et opprimés qui sont en dehors des structures de pouvoir dominantes et qui n’ont pas la capacité de se faire entendre ou de représenter leurs propres intérêts. Le concept est emprunté aux études postcoloniales et s’inspire du travail de l’historien Antonio Gramsci, qui l’a utilisé pour désigner les classes subordonnées dans la société.

La voix des subalternes

L’essai « Can the Subaltern Speak? » interroge la capacité des subalternes à se faire entendre dans le discours dominant. Spivak y critique les intellectuels occidentaux qui prétendent parler au nom des subalternes, arguant que cette pratique contribue souvent à la perpétuation de la domination coloniale. Spivak explique : « the intellectual is complicit in the persistent constitution of the Other as the Self’s shadow ». Selon Spivak, il est donc nécessaire de réévaluer la manière dont les intellectuels abordent le discours des subalternes. Elle souligne que les subalternes, par définition, n’ont pas de voix propre dans le discours dominant, ce qui rend leur représentation par des intellectuels problématique.

L’exemple de Bhubaneswari Bhaduri

Un exemple poignant auquel Spivak a recours est celui de Bhubaneswari Bhaduri, une jeune femme bengalie qui s’est suicidée en 1926. Elle a retardé son suicide jusqu’à avoir ses règles pour prouver que son acte n’était pas motivé par une grossesse non désirée, mais par une protestation politique. Elle a dû donner sa vie, faute d’avoir la parole. Malgré tout cela, Spivak explique que même cet acte explicite de communication a été mal interprété ou ignoré par ceux qui l’entouraient : « In her own family, among women, in no more than fifty years, her attempt had failed »​.

Somme toute, « Can the Subaltern Speak? » est un texte fondamental pour comprendre les problèmes liés à la représentation et de la voix des personnes marginalisées dans le contexte postcolonial. Il appelle à une prise de conscience critique et à une réévaluation des méthodes de recherche et de discours pour inclure véritablement la voix des subalternes.

Perspectives critiques

La critique principale de l’essai de Spivak réside dans sa complexité théorique, qui peut rendre son argumentation difficile d’accès.

Certains critiques, comme Benita Parry, ont en outre suggéré que l’accent mis par Spivak sur l’impossibilité de parler pour les subalternes pourrait les réduire à un silence permanent, plutôt que d’encourager une exploration des moyens par lesquels ces voix pourraient émerger. Parry se demande si Spivak ne sous-estime pas les capacités des subalternes à s’organiser et à parler pour eux-mêmes.

Le travail de Spivak reste tout de même une référence dans le domaine des études postcoloniales. Il a permis à de nombreux chercheurs de remettre leurs points de vue en question et à rendre leurs écrits plus inclusifs.

Voilà, tu sais maintenant tout de la théorie du subalterne de Spivak ! Si tu veux parfaire ta connaissance des études féministes, tu peux consulter notre article sur l’écoféminisme.