Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélande a souvent le statut de pays oublié et est surtout connue pour le haka des All Blacks, le tournage du Seigneur des Anneaux, la beauté de ses paysages et, plus récemment, la stature internationale de l’ex-Première ministre Jacinda Ardern. Au niveau des rapports de force géopolitiques, la Nouvelle-Zélande est, du fait de son excentrement géographique, souvent considérée comme un acteur secondaire. Qu’en est-il vraiment ?

Données sur la Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélande se situe dans le sud-ouest de l’océan Pacifique. Elle est loin des grands continents et des centres économiques mondiaux que sont l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie de l’Est. De plus, l’Australie s’impose généralement comme l’acteur majeur de l’Océanie. Mais il serait erroné de croire que la Nouvelle-Zélande n’est qu’un pays aligné sur l’Australie ou sur l’Occident, notamment sur le plan géopolitique.

Histoire de la Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélande ne fut découverte par l’Homme qu’à partir du XIIIe siècle, plus exactement par les Maoris, peuples indigènes venus de Polynésie grâce à des méthodes de navigations avancées. L’arrivée des Européens se fera grâce aux navigateurs Abel Tasman (1642) et surtout James Cook (1769). Les premiers contacts furent particulièrement violents. Cela dure jusqu’à l’établissement officiel de la colonisation britannique en 1840, avec le Traité de Waitangi. 

Sous la colonisation britannique, la Nouvelle-Zélande met en place plusieurs réformes sociales avant-gardistes, dont la plus célèbre reste l’octroi du droit de vote aux femmes en 1893, en faisant le premier pays au monde à accorder ce droit. L’éligibilité leur est quant à elle accordée en 1919. Devenue dominion britannique en 1907, cela lui permet d’avoir une plus grande autonomie et de s’éloigner progressivement du Royaume-Uni. Une séparation scellée en 1947 par le Statut de Westminster. La Nouvelle-Zélande devient alors une démocratie parlementaire souveraine et indépendante, même si le roi d’Angleterre reste symboliquement le chef de l’État. 

Guerre froide

Alignement sur les États-Unis

La Nouvelle-Zélande est un allié des États-Unis et du monde occidental face au communisme soviétique durant la guerre froide. Elle est ainsi membre de l’ANZUS, pacte militaire trilatéral signé en 1951 à San Francisco entre la Nouvelle-Zélande, l’Australie et les États-Unis.

En 1954, la Nouvelle-Zélande rejoint l’OTASE, pacte militaire contre l’expansion militaire soviétique en Asie, et incluant les États-Unis, la France (jusqu’en 1965), le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, la Thaïlande, et le Pakistan. Cette alliance dure jusqu’en 1977, après la fin de la guerre du Vietnam. La Nouvelle-Zélande envoie même des troupes et du personnel médical pour soutenir le camp occidental lors de la guerre de Corée (1950-1953) et au Vietnam entre 1965 et 1972. C’est une participation modeste, car surtout symbolique.

Rupture

Les années 1980 marquent un tournant important dans les relations entre les États-Unis et la Nouvelle-Zélande. Le retour des travaillistes au pouvoir, en phase avec une opinion publique antinucléaire, crée une crise avec Washington. Le Premier ministre David Lange marque ainsi un revirement de la position néo-zélandaise, en suspendant sa participation à l’ANZUS. Il mène aussi en 1985 une campagne internationale très violente contre la France, qui menait des essais nucléaires en Polynésie. Il n’abandonne pas, malgré le refus des États-Unis et du Royaume-Uni de le soutenir, et met en place le New Zealand Nuclear Free Zone Act en 1987, dénucléarisant totalement le pays.

La Nouvelle-Zélande refuse ainsi l’accès des navires et sous-marins nucléaires américains et britanniques aux ports néo-zélandais, faisant du pays un leader mondial de la lutte contre la prolifération des armes nucléaires. Cette posture antinucléaire symbolise pour beaucoup l’identité pacifiste de la Nouvelle-Zélande. Ce fut en effet une décision très populaire dans le pays.

Les relations avec les États-Unis s’améliorent par la suite, même si l’ANZUS demeure caduc, Canberra et Wellington préférant mener des relations bilatérales chacune de leur côté et en fonction de leurs intérêts. 

Lorsque le Royaume-Uni intègre la CEE en 1973, la Nouvelle-Zélande concentre alors ses efforts économiques sur l’Australie ainsi que l’Asie, un pivot qui fera bientôt de la Chine son principal partenaire commercial. 

Puissance régionale

Pour la Nouvelle-Zélande, l’environnement régional se décompose en trois segments : l’océan Indien, l’Asie du Sud-Est et le Pacifique Sud. Sa présence dans l’océan Indien reste minime, surtout en comparaison avec le colosse australien. La notion d’Indopacifique est d’ailleurs souvent remplacée par Asie-Pacifique du côté de Wellington. Justement, en Asie du Sud-Est, l’ASEAN (Association des Nations de l’Asie du Sud-Est) occupe une place importante dans la politique néo-zélandaise.

Quant au Pacifique Sud, la Nouvelle-Zélande a progressivement pris, avec son voisin australien, le relais de la tutelle britannique. Il y a en effet un lien très particulier entre les petites îles du Pacifique et la Nouvelle-Zélande, un lien humain et économique. Après la Seconde Guerre mondiale, le pays fit venir des milliers d’ouvriers provenant notamment des îles Cook, Samoa, Niue et Tokelau. La Nouvelle-Zélande devient ainsi le pays abritant le plus grand nombre de Polynésiens ayant quitté leur pays d’origine.

C’est ainsi que les îles Cook deviennent un État associé à la Nouvelle-Zélande. C’est un État souverain certes, mais dépendant de la Nouvelle-Zélande, qui est responsable de la défense et des affaires étrangères de l’île. Les Cookiens bénéficient par ailleurs de la citoyenneté néo-zélandaise. Comme les îles Cook, Niue est aussi en libre association avec la Nouvelle-Zélande, ayant une autonomie importante, mais dépendant du soutien de Wellington et sans siège à l’ONU. 

Lors du processus de décolonisation en Océanie dans les années 1960-1970, la Nouvelle-Zélande en profite pour mener une diplomatie proactive et ouvrir de nombreuses ambassades dans les nouveaux États insulaires. Elle leur propose une aide au développement parfois considérable. Ainsi, en 1971, la Nouvelle-Zélande est un pays fondateur du Forum des Îles du Pacifique, forum principal de discussion et de coopération entre les États insulaires, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. En 2018 est adoptée la stratégie « Pacific reset », qui se traduit par une augmentation de 30 % de la coopération et de l’aide au développement accordées aux petits États du Pacifique. 

Économie et commerce

Dans les années 1990, et avec les dérégulations financières que connaît le monde occidental, la Nouvelle-Zélande y voit une opportunité d’accroître ses opportunités économiques en se rapprochant de nouveaux pays au-delà de sa sphère d’influence habituelle. La Nouvelle-Zélande mène ainsi une politique fondée sur les accords de libre-échange. En 2008, elle devient notamment le premier pays occidental à signer un accord de libre-échange avec la Chine, puis joue un rôle important dans la mise en place du célèbre TPP, le « Partenariat transpacifique », dans les années 2010. Le pays des All Blacks a également conclu un accord de libre-échange avec Singapour en 2001, Hong Kong en 2008, l’ASEAN en 2009 et la Corée du Sud en 2015. 

Au niveau des exportations, la Chine est le premier partenaire commercial de la Nouvelle-Zélande, et cette dernière est même incluse dans le projet chinois des Nouvelles routes de la soie. Elle y exporte notamment des produits laitiers, de la viande et des produits agricoles. Un autre marché majeur pour les Néo-Zélandais est bien sûr l’Australie, qui est aussi la principale source d’IDE pour le pays. Cela est permis par une liberté de circulation des personnes et des marchandises entre les deux pays voisins. 

La Nouvelle-Zélande se veut également le chantre du multilatéralisme international pour répondre aux enjeux internationaux, notamment environnementaux, n’hésitant pas à critiquer les grandes puissances voire ses alliés lorsqu’ils manquent à leurs obligations. 

Partenariat avec l’Union européenne

Relations avec Bruxelles et Paris

La Nouvelle-Zélande a généralement toujours eu de bonnes relations avec les pays de l’UE, en particulier sur le plan commercial. Wellington a d’ailleurs de bonnes relations avec Paris, malgré la crise politique sur le nucléaire. En effet, la Nouvelle-Zélande reconnaît le rôle stabilisateur de la France et de ses territoires d’outre-mer dans la région.

Ainsi, la Nouvelle-Zélande a soutenu en 2016 l’accession de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française au statut de membres pleins du Forum des Îles du Pacifique et celle de Wallis-et-Futuna au rang de membre associé en 2018. 

Accord de libre-échange avec l’UE

En 2024, et après quatre ans de négociations, l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande a pu entrer en vigueur. Mais il a tout de même dû essuyer de nombreuses critiques, notamment en France en période électorale. L’accord prévoit le démantèlement immédiat des droits de douane sur toutes les exportations de biens de l’UE vers la Nouvelle-Zélande dès son entrée en vigueur. Il élimine ou réduit considérablement les droits de douane à l’entrée dans l’UE sur la plupart des marchandises néo-zélandaises. D’après la Commission européenne, le commerce entre l’UE et la Nouvelle-Zélande devrait augmenter de 30 %. L’UE est en effet le troisième partenaire commercial de la Nouvelle-Zélande.

Mais ce n’est pas un accord de libre-échange classique comme les nombreux accords signés dans les années 2000, c’est un accord dit de nouvelle génération. C’est-à-dire qu’il inclut des engagements en durabilité et respect de l’environnement, ainsi que des clauses sociales. Pour la première fois, des sanctions sont également prévues en cas de manquement.

Mais cet accord a fait couler beaucoup d’encre. En France, on s’inquiète notamment des normes alimentaires qui ne sont pas les mêmes et surtout de l’arrivée de milliers de tonnes de produits laitiers et de viandes ovines et bovines. Les agriculteurs ainsi que les viticulteurs se sentent menacés par un tel accord. C’est d’ailleurs pour cela que l’industrie laitière et bovine est finalement exclue de l’accord. Mais de nombreuses critiques persistent sur l’impact environnemental entre deux régions si éloignées.

Le cas de la Chine

Quant aux relations diplomatiques avec la Chine, elles ont certes tendance à se compliquer dans le cadre des tensions entre Chinois et Américains, mais elles restent bien meilleures que celles entre la Chine et l’Australie. En effet, Pékin et Canberra ont connu des années de tensions depuis 2018 : barrière commerciale, droits de douane prohibitifs, exclusion de Huawei de toute participation au réseau 5G australien et demande australienne d’une enquête internationale sur les origines de la Covid-19.

Tout cela n’empêche pas la Nouvelle-Zélande de dénoncer la volonté de la Chine d’accroître son influence et sa présence sécuritaire au niveau des îles du Pacifique, jugeant qu’elle pourrait déstabiliser une des rares régions pacifiques au monde. La Chine a en effet incité plusieurs micro-États insulaires à retirer leur reconnaissance diplomatique de Taïwan, à l’instar des îles Salomon et de Nauru, et ce, en échange d’aides.

Mais la politique néo-zélandaise reste malgré tout relativement complaisante à l’égard de la Chine, car elle ne veut pas se retrouver avec les mêmes sanctions chinoises que le Canada et l’Australie. Du côté de Pékin, on essaie également de ne pas trop froisser Wellington, l’une des rares capitales occidentales avec qui elle maintient encore une bonne relation. On observe ainsi peu d’ingérences chinoises dans la politique néo-zélandaise ou de cyberattaques, contrairement aux multiples polémiques qui défraient souvent la chronique australienne. La visite du ministre des Affaires étrangères chinois à Wellington en 2024 s’inscrit dans ce cadre. 

Armée

La politique militaire de défense néo-zélandaise est menée étroitement avec l’Australie. Les deux pays coordonnent leur réponse aux enjeux stratégiques de la région. Les deux pays font partie du Groupe des Cinq (Five Eyes), une alliance de service de renseignement aux côtés du Royaume-Uni, du Canada et des États-Unis. À partir de 2023, la Nouvelle-Zélande tente même d’intégrer l’AUKUS, alliance militaire réunissant les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, et qui avait créé une crise diplomatique rare entre Paris et Washington en 2021. La Nouvelle-Zélande, fidèle à ses principes, ne souhaite cependant pas être incluse dans la partie nucléaire de l’AUKUS. 

Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et l’Australie garantissent ensemble la protection sécuritaire de Singapour et de la Malaisie depuis 1971. Wellington coopère aussi beaucoup avec Tokyo et Séoul, qu’elle considère comme deux alliés majeurs en Asie. 

Puissance de l’Antarctique

On a souvent tendance à l’oublier, mais la Nouvelle-Zélande est l’un des pays les plus proches de l’Antarctique. En 1773, l’explorateur James Cook est le premier explorateur à franchir le cercle polaire antarctique. En 1895, Le Néo-Zélandais Alexander von Tunzelmann devient le premier homme à poser les pieds sur les terres antarctiques (même si des débats existent sur le sujet). 

Elle fait aussi partie des 12 signataires initiaux du Traité de l’Antarctique signé en 1959. Elle possède ainsi une base scientifique en Antarctique. La ville de Christchurch dans l’île du sud de la Nouvelle-Zélande est connue pour être la « porte de l’Antarctique ». Elle sert à ravitailler et à soutenir les bases antarctiques de nombreux pays. De nombreuses croisières touristiques en partent également.

Conclusion

La Nouvelle-Zélande est donc un pays très particulier, qui a su dépasser son positionnement géographique excentré pour devenir l’un des pays les plus développés au monde, mais aussi l’un des plus avancés sur le plan social et démocratique. Farouche défenseur du multilatéralisme et de l’environnement, le pays se veut une puissance régionale stabilisatrice et pacificatrice. Il tente de cultiver à l’international son image de pays modèle.

Jacinda Ardern, la Première ministre du pays entre 2017 et 2023 y a beaucoup participé, par sa méthode de gouvernance très respectueuse des traditions maories, sa défense de l’environnement et de l’avortement, sa réponse aux attaques d’extrême droite contre des mosquées à Christchurch en 2019 et sa gestion de la pandémie de la Covid-19. 

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