On te propose ici de plonger dans les méandres captivants de la piraterie maritime. Un exemple particulièrement valorisé dans les colles et les copies, notamment pour les sujets portant sur des régions du monde devenues des foyers de cette activité illégale. Cette exploration te permettra d’examiner ces zones spécifiques, mais aussi de mieux comprendre comment la piraterie maritime illustre les défaillances de la mondialisation et l’émergence de zones grises.
Une définition trouble de la piraterie maritime
Combien d’actes de piraterie ont lieu chaque année ? Voilà une question à laquelle il est bien difficile de répondre tant les définitions juridiques divergent. Si la Convention du droit de la mer de Montego Bay ne reconnaît que les actes commis en haute mer (articles 100 et 101) et qualifie tout incident hors de cette zone de « brigandage », le Bureau maritime international (BMI) ne fait pas de distinction géographique.
L’année 2011 est celle ayant enregistré le plus d’actes de piraterie, conduisant à 650 interventions militaires, contre 295 en 2023. Le recensement est effectué par le BMI, qui est privé, l’Organisation maritime internationale (OMI, basée à Londres, créée en 1958) et le Maritime Information Cooperation and Awareness (MICA) Center de Brest.
Courte histoire de la piraterie maritime
Un phénomène ancien
La piraterie maritime est une réalité ancienne, déjà présente chez les Grecs avec les Étoliens et les Crétois mycéniens. Sa recrudescence depuis les années 1970 s’explique par l’intensification du trafic maritime dans des zones appauvries (mauvaises récoltes, États faillis…) et par une facilitation technique du modus operandi avec de petites embarcations.
On distingue toutefois la piraterie industrielle, menée avec de grands moyens pour financer le crime organisé, de la piraterie artisanale, moins organisée, résultant de la misère locale, ou contestataire et identitaire.
Une géographie mouvante
On observe un changement régulier des foyers de piraterie. Au début des années 1970, l’Asie du Sud-Est constitue la zone la plus touchée avec le détroit de Malacca, les boat people vietnamiens, les archipels d’Indonésie et des Philippines.
Durant la décennie 2000, c’est le golfe d’Aden qui en fait les frais, avec des attaques contre les navires du PAM, contre le navire de croisière Ponant et contre le pétrolier Sirius Star en 2008. À partir de 2010, le golfe de Guinée est le théâtre de plusieurs attaques à proximité de Port Harcourt (Nigeria) sur des navires et des installations pétrolières. Plus récemment, on a également pu observer une recrudescence de la piraterie maritime en Amérique latine, avec le Brésil en tête, le Venezuela, le Pérou et les Caraïbes.
Des exemples clés à maîtriser
Dans l’imaginaire collectif, la piraterie est une légende mondialisée comme celle de L’Île aux pirates (1995), Pirates des Caraïbes (2003 pour la première version), ou fondée sur des épisodes majeurs de l’histoire maritime mondiale, à l’image de Capitaine Phillips (2013).
On peut également citer l’assassinat de Peter Blake en 2001 dans l’estuaire de l’Amazone. Le célèbre marin néo-zélandais a été assassiné lors d’une attaque par des pirates voulant lui voler son embarcation. Cette attaque a suscité une vive émotion à l’international et a mis en lumière les dangers de la piraterie dans les eaux brésiliennes. Accentuant les préoccupations concernant la sécurité maritime en Amérique du Sud.
L’attaque contre le superpétrolier saoudien Sirius Star par des pirates somaliens en 2008 dans l’Océan indien est un exemple de piraterie en haute mer. À plus de 450 milles nautiques de Mombasa, la piraterie maritime prend un nouveau tournant en révélant la capacité des pirates à opérer loin de la Somalie et à peser dans les négociations des rançons.
Le détournement du Maersk Alabama en 2009 dans le golfe d’Aden, une attaque par des pirates somaliens, a été très médiatisé et s’est soldé par le sauvetage dramatique du Capitaine Phillips par les Navy SEALs américains.
L’attaque du MT Zafirah en 2011 montre que la mer de Chine méridionale n’échappe pas non plus au phénomène lorsque des pirates indonésiens ont pris pour cible le pétrolier singapourien à 300 milles au large des côtes malaisiennes. Cette attaque illustre comment la coopération régionale a permis une réponse efficace. Les pays riverains ont réussi à se coordonner pour mettre en place des mesures de sécurité renforcées, ce qui a contribué à limiter les risques de piraterie dans cette zone stratégique.
En 2015, c’est au tour du pétrolier malaisien MT Orkim Harmony d’être détourné par des pirates indonésiens dans le golfe du Siam. Cet incident a été à l’origine d’une crise diplomatique entre l’Indonésie, qui cherchait à rapatrier les pirates, et la Malaisie et le Vietnam, qui avaient coopéré dans la recherche du navire disparu.
Incidence sur le commerce mondial
Les coûts de la piraterie ont été estimés à neuf milliards de dollars annuels en 2011. Les allongements des distances parcourues, la hausse des primes d’assurance (multipliées par 10 lors de certains épisodes, comme les attaques de 2008) et la hausse des investissements en sécurité auprès des SMP (sociétés militaires privées), comme Aspida ou Prorisk, sont les principales causes de cette inflation des prix du fret maritime.
Notons d’ailleurs qu’une prise d’otage moyenne dans le golfe de Guinée dure neuf mois et que la rançon de libération est de cinq millions de dollars en moyenne.
La piraterie peut également engendrer momentanément une forte hausse des coûts des hydrocarbures (attaque du Limburg en 2002 par Al-Qaida, Sirius Star en 2008, pétrolier danois au large de Pointe-Noire en 2023, attaques des Houthis).
Les conséquences sont également importantes pour les pays riverains, comme l’île de Trinité-et-Tobago qui a connu une chute de fréquentation touristique après plusieurs attaques de yachts et de navires de croisière à l’été 2017.
Tensions internationales engendrées par la piraterie
En 2000, la conférence anti-piraterie de Tokyo est sabotée par la Chine qui s’oppose fermement à la présence de troupes étrangères et à des législations contraignantes pouvant affecter ses intérêts régionaux et ses revendications territoriales.
Le problème est également d’ordre juridique puisque tous les États ne sont pas signataires de la Convention sur le droit de la mer établie à Montego Bay, et des pays comme l’Indonésie et la Somalie (pourtant des foyers majeurs) n’ont pas signé la Convention de Rome de 1998.
L’opération Atalante de l’UE (lancée en 2008) a été vivement critiquée par la Somalie, le Yémen, le Kenya et l’Éthiopie en raison de la perte de souveraineté et de l’ingérence possible.
En mai 2020, l’attaque du pétrolier MT Maximus au large des côtes indonésiennes a illustré les divergences entre les États-Unis et l’Indonésie. Les États-Unis ont proposé un soutien international pour la sécurité maritime, tandis que l’Indonésie a préféré gérer l’incident de manière bilatérale pour préserver sa souveraineté. Un événement qui s’inscrit dans une longue lignée d’incidents diplomatiques entre les deux pays sur la question
Que faire, dès lors ?
Tentatives de régulations plus ou moins fructueuses
À l’exception de quelques procès depuis 2010 (pirates somaliens à Hambourg en 2010, premier procès en 400 ans pour piraterie), la majorité des actes de piraterie ne sont pas condamnés en raison de l’imbroglio juridique et judiciaire.
En 1990, l’opération Corymbe, menée par la Marine nationale française, cherchait à assurer une protection dans le golfe de Guinée et en Afrique de l’Ouest, avec des résultats limités faute de ressources et de coordination régionale.
Dans la zone somalienne, l’opération Atalante, menée par l’UE dans le golfe d’Aden depuis 2008, a été complétée par l’opération Ocean Shield de l’OTAN entre 2009 et 2016, ainsi que par Task Force 151 depuis 2009 qui est une opération conjointe des États-Unis, de la Corée, de Singapour et de la Turquie. La Force opérationnelle combinée 150 (Combined Task Force 150), lancée en 2002 par les États-Unis, reste à ce jour la mission internationale la plus efficace.
Plus récemment, l’opération Prosperity Guardian, lancée en mer Rouge par Joe Biden, ambitionnait de créer une force internationale de sécurisation. Or, les États-Unis n’ont pas été suivis par la plupart de leurs alliés comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui ont préféré intervenir sur demande de leurs armateurs nationaux.
Les pays d’origine des pirates cherchent également à trouver des solutions, mais avec peu de résultats concrets. À l’image du partenariat de l’océan Indien pour la sécurité maritime (IORA) de 1997, de la stratégie maritime de l’ASEAN de 2007, du Code de conduite de Djibouti pour l’Est de l’Afrique en 2009 et du Plan d’action régional pour la lutte contre la piraterie de 2013. Des mécanismes de coordination régionale, de partage d’informations, d’assistance mutuelle et la mise en place de patrouilles multinationales ont permis de réduire les attaques et de créer un nouveau cadre de coopération maritime.
Nouvelles idées
À l’échelle mondiale, les armateurs et les institutions internationales innovent avec des systèmes d’alertes satellitaires silencieux obligatoires depuis 2001, dans le cadre d’une révision de la Convention SOLAS.
À l’échelle régionale, des initiatives continuent de germer : création de centres de coordination régionale dans le golfe de Guinée (GCC), initiatives de surveillance par drone dans le golfe d’Aden par l’UE, exercices conjoints au sein de l’ASEAN comme CARAT (Cooperative Afloat Readiness and Training).
À l’échelle nationale, le gouvernement camerounais présente un projet de création pour la sécurité maritime en 2013. Des universités et des instituts de recherche américains travaillent également sur la mise en place de plateformes de suivi basées sur la technologie de blockchain pour le suivi des navires.
Conclusion
Si les armateurs ont pu faire le choix de se détourner de certaines routes, comme le contournement de Maersk de la mer Rouge en 2008 ou, plus récemment, en raison de la menace houthi, il convient de nuancer l’incidence de la piraterie qui ne remet en aucun cas en cause la réalité du transport maritime mondial et ses 2 273 millions de tonnes (2023) acheminées.
Références exploitables
Christophe Houry, La Piraterie maritime au regard du droit international : incertitudes et évolutions contemporaines ( 2014) : explore le traitement juridique de la piraterie avec la transition du droit coutumier au droit codifié et les problématiques liées à la territorialisation des mers.
Éric Frécon, Pavillon noir sur l’Asie du Sud-Est (2002), Chez les pirates d’Indonésie (2011) : approfondit la distinction entre piraterie artisanale (piraterie dite « des champs ») et piraterie industrielle (piraterie dite « des villes).
Ian Urbina, La Jungle des océans (2019) : décrit un espace sans foi ni loi, haut lieu de l’impunité et vaste étendue incontrôlable qui peut devenir un foyer de l’ultraviolence.
N’hésite pas à consulter toutes nos ressources de géopolitique !