chinois

Dans cet article, on s’attaque à un sujet de colle plutôt déroutant, et tant mieux ! On analyse le sujet « Chinois, Indiens : 2,9 milliards de nouveaux consommateurs ? » C’est l’occasion d’en tirer quelques connaissances et références qui pourront t’être utiles pour plusieurs autres sujets !

Analyse du sujet

Ce sujet se concentre sur les deux principales puissances du continent asiatique, en particulier sur leur population : quel est leur niveau de consommation ? est-il uniforme à travers l’ensemble du territoire ? Quels sont les enjeux pour un pays de disposer d’un vaste marché de consommateurs ?

La difficulté de ce sujet est de ne pas confondre le développement d’un pays et son niveau de consommation, même si les deux sont liés. Le niveau de consommation sur un territoire augmente en même temps que son niveau de développement. Il faudra donc articuler les deux avec prudence à l’oral.

N’hésite pas à jeter un coup d’œil à notre article sur la méthodologie des khôlles HEC et à ce témoignage.

Proposition de plan

Introduction

Le sujet souligne l’importance de la croissance démographique dans ces deux foyers du monde, tout en mettant en lumière un paradoxe : malgré une croissance démographique hors norme, couplée à un essor économique, les 2,9 milliards d’habitants de Chine et d’Inde sont-ils pour autant des nouveaux consommateurs ? Il s’agit donc de nuancer la puissance économique de ces deux pays au regard de leurs inégalités sociales et de développement.

Problématique : Comment pourrait-on douter de la capacité à consommer des populations de Chine et d’Inde, alors que celles-ci habitent des pays en pleine croissance économique ?

N.B. Mention spéciale à mon professeur de géopolitique qui m’a sans cesse répété qu’une bonne problématique contient un paradoxe et donc qu’il fallait toujours retrouver la locution conjonctive « alors que » dans sa problématique.

I. La Chine et l’Inde sont désormais les deux berceaux du monde

A) La Chine et l’Union indienne ont misé sur la croissance démographique pour se développer

La Chine et l’Inde ont misé sur la riziculture, étant donné l’importance de leurs littoraux. On peut citer quelques entreprises : China National Cereals et Chaman Lal Setia Exports.

Or, là où la riziculture est bien implantée, la densité des populations est élevée. La riziculture a créé un cercle de croissance démographique : la croissance démographique engendre une augmentation de la main-d’œuvre, qui participe activement à la riziculture, donc favorise la productivité des cultures et permet de mieux nourrir la population.

Dans son livre La Puce et le riz : croissance dans le Sud-Est asiatique (1985), Jean-Raphaël Chaponnière montre que c’est grâce aux qualités que demande l’agriculture, que l’industrie a pu se développer, car la main-d’œuvre était qualifiée, habituée à l’effort et à la discipline des rizières.

B) Il en ressort une transition démographique hors norme

Aujourd’hui, la Chine (1,45 milliard) et l’Inde (1,41 milliard) représentent chacune 18 % de la population mondiale.

La Chine a connu une transition démographique rapide, marquée par une baisse de la mortalité dès les années 1940 et une chute de la natalité dans les années 1950. L’Inde, en revanche, a achevé sa transition plus tardivement, dans les années 2000.

C) L’importante démographie peut cependant être dangereuse pour ces pays

Cette croissance démographique présente des risques. Les défis alimentaires sont critiques, comme en témoignent les famines : en Inde (1963-1964) avant la Révolution verte, et en Chine lors du Grand Bond en avant (1958-1961). La densité de population exacerbe également les crises sanitaires, comme l’a montré la pandémie de Covid-19.

Il peut être bon de définir les termes clés à l’aide de références :

  • Famine : Stephen Devereux, Theories of Famine, 1993 : « Crise de subsistance touchant des groupes de populations particuliers dans une région délimitée et sur une période de temps déterminée. »
  • Révolution verte : Michel Griffon, Nourrir la planète, 2006 : la révolution verte se caractérise par un ensemble de techniques de production fondées principalement sur l’intensification, l’irrigation et l’utilisation de variétés de céréales à hauts potentiels de rendements.

 

N’hésite pas à lire notre article sur le sujet.

Transition : Donc, ces deux puissances économiques ont un atout de taille, celui de leur démographie. Pour autant, cet atout de puissance ne peut pas être porté à bien, car la population de ces pays ne consomme pas de manière homogène.

II. Pour autant, leurs populations ne forment pas un marché de consommateurs homogène

A) La Chine et l’Inde font face à des inégalités sociales et de développement, d’après les indicateurs mondiaux

Malgré leur croissance économique, la Chine et l’Inde sont marquées par de profondes inégalités. L’IDH de la Chine (0,768) et celui de l’Inde (0,633) montrent un développement humain inégal.

Le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités de revenus, est élevé dans les deux pays : 0,42 en Chine et 0,39 en Inde, indiquant des écarts significatifs entre riches et pauvres.

B) Ces inégalités s’observent à l’échelle nationale et locale et sont responsables des inégalités de consommation

Ces inégalités se reflètent à différentes échelles. En Chine, 80 % de l’activité économique est concentrée dans les villes, tandis que les campagnes, abandonnées par l’État depuis l’ouverture économique de 1979, sont sous-développées. Cette disparité entre le littoral et l’hinterland rural (échelle nationale) est un frein à la consommation homogène.

En Inde, l’activité économique est fortement concentrée autour du port de Mumbai, notamment dans des quartiers comme Nariman Point, le centre des affaires. Cependant, cette prospérité côtoie une grande pauvreté, avec des bidonvilles comme Dharavi, où vivent 41 % des habitants de Mumbai. Cette juxtaposition entre quartiers riches et zones extrêmement pauvres, comme le contraste entre le port de Bombay et le quartier de Malabar Hill, illustre les profondes inégalités de développement dans la ville et donc les inégalités de consommation.

C) Pourtant, une population consommatrice est un atout de puissance

Malgré ces inégalités, une population nombreuse reste un atout de puissance. Comme l’a théorisé Hans Morgenthau, une population consommatrice stimule l’économie, soutient une armée puissante et exerce une influence politique et culturelle mondiale. Les marchés de consommation de ces pays attirent les investissements mais, pour rivaliser avec les pays développés, la Chine et l’Inde doivent encore surmonter ces disparités.

Hans Morgenthau, Politics among Nations: The Struggle for Peace and Power, 1948 : les États-Unis sont une « hyperpuissance », car ils possèdent tous les atouts de la puissance (poids territorial, démographie, technologique, militaire, financier).

Transition : Donc, si ces pays veulent rivaliser avec les PDEM (pays développés à économie de marché), ils doivent bâtir un marché de consommation.

III. Donc, la Chine et l’Inde cherchent à pallier ce problème, dans le but de devenir des puissances complètes

A) Faire de sa population un marché de consommateur est une stratégie économique d’attractivité

Afin de devenir des puissances économiques de premier plan, les États cherchent d’abord à avoir une population en nombre optimal (B) et capable de consommer (C). Le pays devient alors un territoire attractif pour les IDE.

Ici, je te propose de découvrir deux belles références utiles pour d’autres sujets :

  • Charles-Albert Michalet, La Séduction des Nations, 2000 : pour s’implanter à l’étranger, une entreprise cherche un territoire où elle pourra répondre à la demande d’un marché de consommateur prospère.
  • Jonah Levy, The State after Statism: New State Activities in the Age of Liberalization, 2006 : l’État participe à la mondialisation (market making State) à travers des politiques de développement, dans le but de favoriser une population consommatrice (pour être attractif).

B) Les politiques natalistes pour réduire la croissance démographique et investir dans le développement

Pour favoriser cette transformation, l’Inde et la Chine ont mis en place des politiques natalistes.

En Inde, dès 1951, des campagnes de planification familiale ont été lancées pour contrôler la croissance démographique.

En Chine, la politique de l’enfant unique (1979-2015) visait à ralentir l’augmentation de la population. Selon Pascal Rocha da Silva (La Politique de l’enfant unique en République populaire de Chine, 2006), cette mesure était motivée par des nécessités économiques. L’État souhaite ralentir la croissance démographique pour investir dans le développement économique du pays, plutôt que de répondre à la demande démographique (besoin en infrastructures).

C) Les programmes de développement pour relancer la consommation

Enfin, pour renforcer leur marché intérieur, les deux pays ont lancé des programmes de développement ciblés.

En Chine, le « Programme de construction du Nouveau Village » (2003) vise à améliorer les conditions de vie dans les zones rurales en modernisant les infrastructures et les services de base.

En Inde, les initiatives « Make in India » (2014) et « Digital India » (2015) cherchent à stimuler la production locale et à promouvoir une économie numérique, favorisant ainsi une consommation accrue de biens et services.

Ces efforts montrent une volonté de renforcer la capacité de consommation de la population, essentielle pour atteindre le statut de puissance mondiale.

Conclusion

En conclusion, la Chine comme l’Union indienne sont des puissances prometteuses, car elles possèdent de nombreux atouts économiques, mais surtout une importante démographie. Celle-ci est issue de la tradition de la riziculture qui demande une main-d’œuvre importante.

Hans Morgenthau rappelle ainsi l’importance de la démographie pour devenir une « hyperpuissance ». Or, c’est justement là que le bât blesse, puisque la population ne consomme pas de manière homogène : seuls les territoires intégrés à la mondialisation consomment réellement.

Donc, dans l’ambition de devenir des puissances régionales, voire mondiales, la Chine comme l’Inde cherchent à pallier ce problème avec une stratégie double : par des politiques keynésianistes (relance de la consommation) et monétaristes (attirer les investissements).

Récapitulatif des références utilisées

Jean-Raphaël Chaponnière, La Puce et le riz : croissance dans le Sud-Est asiatique, 1985

Stephen Devereux, Theories of Famine, 1993 : « Crise de subsistance touchant des groupes de populations particuliers dans une région délimitée et sur une période de temps déterminée. »

Michel Griffon, Nourrir la planète, 2006

Hans Morgenthau, Politics among Nations: The Struggle for Peace and Power, 1948

Charles-Albert Michalet, La Séduction des Nations, 2000

Jonah Levy, The State after Statism: New State Activities in the Age of Liberalization, 2006

Pascal Rocha da Silva, La Politique de l’enfant unique en République populaire de Chine, 2006

 

On se retrouve très vite pour une nouvelle analyse de sujet de colle ! Encore une fois, cet article a pour objectif de te faire retenir quelques idées originales qui t’aideront à faire face à ces sujets rebutants. En attendant, il existe d’autres analyses de sujet de khôlle de géopolitique HEC sur notre site.

N’hésite pas à consulter toutes nos ressources de géopolitique !