Le 15 août 1971 marque la fin des accords de Bretton Woods et le passage d’un régime de change fixe à un régime de change flottant, suscitant l’espoir d’un rééquilibrage automatique du solde commercial. Cependant, dans son ouvrage Hysteresis in Trade (1986), l’économiste Richard Baldwin remet en question ces avantages attendus, en soulignant l’existence d’un effet d’hystérèse de la balance commerciale.
Vocabulaire
Pour rappel, Richard Baldwin est un économiste reconnu, mais il a aussi été professeur d’économie internationale à l’Institut des hautes études internationales et du développement à Genève. Il est également l’un des fondateurs du Centre for Economic Policy Research (CEPR). Ainsi, pour comprendre sa vision, il faut comprendre ses propos. Ses travaux se concentrent sur l’intégration économique, les politiques commerciales et les effets de la mondialisation sur les économies nationales.
Avant d’entrer dans les détails, voici le vocabulaire à maîtriser :
Hystérèse : persistance d’un effet même après la disparition de la cause initiale.
Balance commerciale : différence entre la valeur des exportations et des importations d’un pays, c’est-à-dire, en langage mathématique : « X-M », avec « X » les exportations et « M » les importations.
Le taux de change d’une devise (appellation d’une monnaie qui est acceptée à l’étranger) : c’est le cours, c’est-à-dire le prix d’une monnaie/devise par rapport à une autre monnaie/devise.
Taux de change au certain : taux de change utilisé pour convertir une devise étrangère en devise nationale. Par exemple : dans un contexte où l’on parle du taux de change d’un euro en dollars, le taux de change au certain indiquerait combien de dollars on peut obtenir avec un euro.
Taux de change effectif : mesure la variation du change par rapport à un grand ensemble de devises de manière synthétique. Mathématiquement, c’est la moyenne pondérée des variations cumulées des taux de changes bilatéraux par rapport aux devises des principaux partenaires commerciaux. La pondération reflétant les parts des différents partenaires commerciaux dans le commerce extérieur du prix concerné.
Graphique

Explications
Nous prenons ici l’exemple d’une appréciation de la monnaie nationale.
Lorsqu’une monnaie s’apprécie, les produits nationaux deviennent moins compétitifs par rapport aux produits étrangers, en raison de la hausse des prix relatifs. Cela conduit à un déficit de la balance commerciale, marqué par une augmentation des importations de produits étrangers proportionnelle à l’appréciation monétaire. C’est la phase 1.
Par la suite, lorsque la monnaie nationale se déprécie et retrouve son taux de change initial, la balance commerciale tend à s’améliorer, mais elle reste déficitaire et ne revient pas à son niveau d’avant. Certaines entreprises étrangères, ayant établi leur présence sur le marché domestique, continuent d’y opérer. C’est l’effet d’hystérèse.
Si ça t’intéresse, il existe également un effet d’hystérèse sur le marché du travail, ce dernier est d’ailleurs plus connu. Il représente un classique à maîtriser en concours dans les sujets portant sur le chômage et le marché du travail.
Causes
Deux raisons expliquent ce phénomène.
La première est que les entreprises étrangères cherchent à récupérer les investissements qu’elles ont réalisés lors de leur entrée sur le marché domestique. Cela empêche une baisse significative des importations, même après la dépréciation de la monnaie nationale.
La deuxième raison est que ces entreprises étrangères fidélisent la clientèle nationale grâce à l’originalité de leurs produits et à leurs efforts en publicité et marketing. Cela incite les consommateurs locaux à continuer d’acheter ces produits, même lorsque leur prix en monnaie nationale augmente.
Exemple historique
Entre 1980 et 1985, le dollar a connu une appréciation notable. En février 1985, le taux de change effectif du dollar se situait 87,2 % au-dessus de son point bas de juillet 1980. Cette forte appréciation a permis aux entreprises japonaises de s’implanter solidement sur le marché américain. Ce qui a conduit à une augmentation des importations japonaises aux États-Unis. Cependant, en 1985, lorsque le dollar est revenu à son niveau initial de 1980, la balance commerciale américaine est restée déficitaire et n’a pas retrouvé son équilibre antérieur.
L’explication réside dans les investissements massifs réalisés par les entreprises japonaises en termes de publicité et de réseaux de distribution. Ces efforts ont fidélisé la clientèle américaine, malgré un taux de change devenu moins favorable pour les produits japonais. Par conséquent, les importations japonaises n’ont pas suffisamment diminué pour rétablir l’équilibre de la balance commerciale aux niveaux d’avant 1980.
Conclusion
L’appréciation et la dépréciation de la monnaie nationale ont des impacts durables sur la balance commerciale, souvent amplifiés par l’effet d’hystérèse. Les investissements étrangers, en particulier dans le marketing et la fidélisation des clients, créent une inertie qui empêche un retour à la situation initiale, même après une correction du taux de change.
Ces dynamiques montrent que les décisions économiques prises par les entreprises, tout comme les fluctuations monétaires, ont des effets à long terme sur le bien-être économique et social d’un pays. Pour répondre à ces défis, il est essentiel d’envisager des politiques adaptées qui prennent en compte ces nouvelles réalités de la mondialisation.