Depuis sa création en 1947 et jusqu’en 1994, le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) supervise le commerce international. À l’aide d’un cadre juridique et institutionnel précis, il régule les échanges de biens et services mondiaux, notamment à travers des cycles de négociations (appelés rounds), que l’on précise dans cet article.
L’histoire du GATT
L’après-Seconde Guerre mondiale est marqué par une volonté d’éliminer le plus rapidement possible les entraves aux échanges héritées du conflit. Les enseignements des politiques des années 1930 ont été tirés par la communauté internationale. Sous l’influence des États-Unis, un accord particulier est élaboré en 1947 : le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT).
Il s’agit d’une rupture historique, les États-Unis prennent des positions très favorables à la libéralisation du commerce international. Ils veulent éviter que les suites de la Seconde Guerre mondiale ne conduisent au retour des fragilités des années 1920 et, pour cela, ils s’assurent que les économies de leurs alliés sont en mesure de retrouver rapidement un dynamisme et des capacités importatrices.
La création à Genève en 1947
Cet accord pionnier a permis la création du GATT, qui réunissait 23 pays signataires à l’époque. Dans un contexte de reconstruction économique mondiale après la Seconde Guerre mondiale, les nations cherchaient à ne pas reproduire les erreurs des années précédentes (comme le protectionnisme de la Grande Dépression).
Le GATT devait initialement être un accord temporaire en attendant la création d’une Organisation internationale du commerce (OIC). Cependant, les négociations pour l’OIC ont échoué en 1950, lorsque les États-Unis ont refusé de ratifier son traité fondateur, laissant le GATT comme seul cadre pour réguler les échanges internationaux.
Il a notamment permis de négocier plus de 45 000 concessions tarifaires, représentant une réduction des droits de douane sur près de 20 % du commerce mondial de l’époque, soit l’équivalent de 10 milliards de dollars d’échanges.
Le cycle Kennedy
Le cycle Kennedy (1964-1967) marque un tournant décisif dans l’histoire des négociations commerciales multilatérales sous le GATT. Nommé en hommage au Président américain John F. Kennedy (décédé six mois avant le début des négociations), ce cycle visait à approfondir la libéralisation du commerce mondial. En effet, les 66 pays signataires avaient pour objectif commun de réduire massivement les tarifs douaniers sur les produits industriels ainsi que de lutter contre le dumping, une pratique selon laquelle un pays exporte des biens à des prix inférieurs à leurs coûts de production pour conquérir des parts de marché.
Ces mesures ont alors eu un impact direct sur l’économie mondiale : la baisse des droits de douane de l’ordre de 35 % a effectivement permis une hausse des échanges mondiaux de 60 % ainsi qu’une dynamisation de l’industrie. Ainsi, les exportations automobiles américaines vers l’Europe ont augmenté de 40 % entre 1964 et 1970.
Politiquement, le cycle Kennedy a été salué comme un succès par de nombreux pays industrialisés, en particulier les États-Unis, où les résultats ont été présentés comme une victoire pour les entreprises, favorisant la compétitivité à l’étranger. Toutefois, les pays en développement ont critiqué le manque de considération de leurs besoins, en affirmant que les secteurs qui leur étaient importants, tels que l’agriculture, étaient mis de côté.
Le cycle de Tokyo
Le cycle de Tokyo (1973-1979) constitue l’un des moments les plus importants dans l’histoire des négociations commerciales du GATT. Organisé dans un contexte de crise économique mondiale – notamment avec le choc pétrolier de 1973 et une instabilité monétaire post-Bretton Woods –, ce cycle a marqué un tournant en s’attaquant pour la première fois aux barrières non tarifaires telles que les subventions et les pratiques commerciales déloyales.
Ce cycle a également permis des réductions tarifaires significatives, avec une baisse des droits de douane d’environ 30 %. En Europe, les réductions ont été telles que les échanges commerciaux intraeuropéens ont augmenté de 25 % entre 1975 et 1980. Dans le monde, le commerce mondial a crû de près de 40 % entre 1979 et 1985. Même les pays en développement ont été gagnants, puisqu’ils ont commencé à profiter de meilleures conditions d’accès aux marchés, notamment dans les secteurs du textile et de l’agriculture.
Le cycle d’Uruguay
Le cycle d’Uruguay (1986-1994) réunissait 105 pays et est souvent considéré comme l’un des plus ambitieux et des plus influents de l’histoire des négociations commerciales multilatérales. Il a non seulement transformé le commerce mondial, mais aussi jeté les bases de la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994. Cet accord a notamment permis d’élargir le champ des négociations au-delà des produits industriels pour inclure de nouveaux secteurs tels que la propriété intellectuelle et les services.
L’un des résultats majeurs du cycle d’Uruguay a été la réduction d’environ 40 % des tarifs douaniers sur les produits industriels. En conséquence, les échanges de produits manufacturés ont augmenté de 20 % entre 1990 et 1995. De même, ce cycle a permis de réduire les subventions agricoles de 20 % et d’améliorer l’accès aux marchés pour les produits agricoles, ce qui a entraîné une augmentation des exportations agricoles de 30 % entre 1994 et 2000.
Cependant, le cycle d’Uruguay a suscité beaucoup de critiques de la part d’organisations, comme Oxfam, qui dénoncent encore une fois le manque de prise en considération des besoins des pays en développement. Les négociations seraient devenues bien trop en faveur des États-Unis, avec une logique de recherche de profits bien trop néfaste pour les pays plus petits.