Orient

C’est le moment de faire un zoom sur trois pays clés du Proche et Moyen-Orient (PMO) : l’Irak, la Turquie et l’Arabie saoudite. Dans cet article, on essaye de répondre à une problématique liant ces trois puissances régionales, parfait pour réviser !

Objectif de l’article

Nous allons traiter du sujet de cours : « Les rivalités de pouvoir entre les trois puissances régionales au Proche et Moyen-Orient », à la manière d’une dissertation. L’objectif est donc de construire un plan structuré autour d’une problématique et de placer quelques références qui pourront t’être utiles dans d’autres sujets.

Analyse du sujet

Introduction

L’effondrement de l’Irak en 2003 permet à l’Iran de devenir une puissance régionale avec l’Arabie saoudite, soutenue par les monarchies pétrolières et la Turquie. Pourtant, si ces pays sont tous musulmans et devraient afficher une certaine cohésion, ils sont en rivalité.

Problématique : Quel est l’état des rivalités de pouvoir au Proche et Moyen-Orient entre la Turquie, l’Iran et l’Arabie saoudite, voire les monarchies pétrolières, alors que tous ces pays partagent a priori une religion commune ?

N.B. Mention spéciale à mon professeur de géopolitique qui m’a sans cesse répété qu’une bonne problématique contient un paradoxe et donc qu’il fallait toujours retrouver la locution conjonctive « alors que » dans sa problématique.

I. La géopolitique turque : s’entendre avec tous ses voisins

A) La géopolitique turque depuis l’avènement de l’AKP

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan fonde en 2001 le Parti de la justice et du développement (AKP), qui remporte les élections législatives en 2002, propulsant Erdoğan au poste de Premier ministre, puis de Président en 2014. Sous sa direction, l’AKP incarne un modèle de démocratie musulmane jusqu’en 2016. La géopolitique turque, marquée par une quête d’indépendance dans la région du Proche et Moyen-Orient, s’illustre par des décisions fermes, comme le refus de permettre aux forces de l’OTAN d’utiliser son territoire lors de la guerre en Irak en 2003.

Les questions géopolitiques qui préoccupent la Turquie incluent les aspirations d’autonomie des Kurdes, la situation de Chypre, où la République turque de Chypre du Nord est établie depuis 1974, et le conflit avec la Grèce sur la délimitation de la zone économique exclusive (ZEE) en mer Égée. Par ailleurs, la Turquie s’implique activement dans le conflit armé entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, soutenant l’Azerbaïdjan, un pays musulman, dans sa lutte pour le contrôle du Haut-Karabakh, un territoire historiquement disputé et majoritairement arménien. Ce qui souligne la rivalité religieuse et ethnique qui caractérise la région.

B) La bascule géopolitique du président Erdoğan

La Turquie, une république laïque depuis 1923, a été façonnée par l’occidentalisation de Mustafa Kemal, notamment avec l’adoption de l’alphabet latin. Elle a rejoint l’OTAN en 1952 et a établi un traité d’association avec la CEE en 1963, qui a conduit à la création d’une zone de libre-échange entre l’UE et la Turquie en 1996. Bien que la Turquie ait reconnu Israël dès 1949 et établi une coopération économique, notamment à travers un traité de vente d’eau potable entre 2002 et 2008, les relations se sont détériorées après l’intervention israélienne à Gaza en 2008, suivie de l’attaque d’un navire turc par Israël en 2010.

Historiquement, la Turquie et la Grèce sont en conflit depuis l’Antiquité, avec des racines remontant à l’invasion turque de l’Empire byzantin (XIe siècle-1453) et la transformation de Constantinople en Istanbul. Les tensions se sont intensifiées depuis le traité de Sèvres en 1920, qui a établi des contentieux territoriaux. Aujourd’hui, la Turquie est un acteur régional clé, rayonnant au Proche et Moyen-Orient, dans le Caucase, et jusqu’en Europe et en Russie, tout en participant aux négociations sur le programme nucléaire iranien en 2015.

Malgré son statut de membre de l’OTAN, la Turquie se rapproche de la Russie, son ancienne ennemie, particulièrement autour des détroits de Bosphore et des Dardanelles, des points stratégiques qui lui permettent de bloquer la Russie. Cette rivalité est accentuée par des différences religieuses entre la Turquie musulmane et la Russie orthodoxe. Aujourd’hui, malgré des accords d’armement avec la Russie, la Turquie refuse de soutenir l’élargissement de l’OTAN à la Finlande et à la Suède en 2022, et ne s’implique pas dans la guerre en Ukraine, soulignant une dynamique géopolitique complexe.

C) Le rêve néo-ottoman du président Erdoğan

En 2016, la tentative de coup d’État en Turquie a incité le président Erdoğan à consolider ses pouvoirs tout en adoptant une approche géopolitique plus assertive. Ce tournant s’est manifesté par des interventions militaires en Libye, une contestation des zones économiques exclusives (ZEE) de la Grèce et un soutien armé à l’Azerbaïdjan dans le conflit du Haut-Karabakh.

En conséquence, la Turquie a été confrontée à un embargo, notamment en raison de la vente d’armes à la Libye par l’entreprise Avrasya Shipping. Cette nouvelle orientation géopolitique a également freiné son intégration avec l’Union européenne. Aujourd’hui, la Turquie est perçue comme ayant des ambitions néo-ottomanes, cherchant à étendre son influence en Méditerranée, ainsi qu’en Libye, en Syrie et en Irak.

II. La géopolitique des monarchies pétrolières : défendre le pôle sunnite arabe

A) L’Arabie saoudite : un allié de poids des États-Unis au PMO

Le Pacte du Quincy, signé en 1945, établit une alliance stratégique entre l’Arabie saoudite et les États-Unis, prévue pour durer initialement 60 ans et renouvelée en 2005. Cette alliance repose sur un partenariat fondé sur la sécurité régionale et l’approvisionnement énergétique. Dans le cadre de cette dynamique, l’Arabie saoudite promeut le panarabisme et joue un rôle clé dans la création de la Ligue arabe en 1945.

Cette organisation regroupe des pays du Machrek, incluant la péninsule arabique et le croissant fertile, ainsi que des nations comme l’autorité palestinienne, la Mauritanie, le Maroc, la Tunisie, Djibouti, les Comores, le Soudan et la Somalie. Notamment, l’Égypte est exclue de la Ligue entre 1979 et 1990, en raison de son traité de paix avec Israël, signé lors des accords de Camp David en 1978 et officialisé à Washington en 1979, reflétant ainsi les tensions géopolitiques dans la région.

 B) L’Arabie saoudite : une puissance sunnite wahhabite

La géopolitique saoudienne, bien que récente avec l’établissement de son ambassade et de son ministère des Affaires étrangères en 1950, s’affirme par des actions diplomatiques et militaires. Elle joue un rôle majeur dans la guerre civile libanaise (1975-1989) en facilitant les accords de Taëf, tout en soutenant la Palestine sans affronter directement Israël en raison de son alliance avec les États-Unis.

La monarchie saoudienne veille à contenir l’expansion du chiisme dans son voisinage. Elle soutient l’Irak pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988), intervient lors des révoltes chiites à Bahreïn durant le Printemps arabe en 2011 et, en 2015, intervient militairement au Yémen contre les Houthis chiites.

Sa puissance se manifeste également au sein du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCEAG) – une zone d’intégration régionale fondée en 1981 avec Oman, le Qatar, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Koweït –, mais les tensions avec le Qatar, qui accueille une main-d’œuvre chiite, freinent cette intégration. Lors de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990, l’Arabie saoudite devient le centre stratégique de la coalition internationale. Ce qui alimente des sentiments anti-occidentaux et contribue à la montée du terrorisme islamiste, avec des répercussions internes, notamment des attentats.

C) L’alliance avec les États-Unis perdure malgré la volonté de s’affirmer géopolitiquement

L’Arabie saoudite s’est développée grâce à l’exploitation des hydrocarbures, notamment avec la nationalisation d’Aramco en 1980. Toutefois, le pays fait face à des défis internes, tels qu’un taux de chômage élevé (28 %, touchant particulièrement les jeunes en raison de la forte démographie), une crise du logement et un marché intérieur faible, menaçant de provoquer une crise sociale et de discréditer la famille royale.

Le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud a nommé son fils, Mohammed ben Salmane (MBS), prince héritier et Premier ministre. MBS modernise le pays, en accordant aux femmes des droits tels que le vote et la conduite, et prépare l’Arabie saoudite à l’après-pétrole par une diversification économique. Il renforce également les relations diplomatiques. En 2020, une visite officielle d’un Premier ministre israélien a marqué une reconnaissance d’Israël, en juillet 2022, 18 accords ont été signés avec les États-Unis (énergie, spatial, etc.), et en décembre 2022, plus de 20 accords ont été signés avec la Chine sur le tourisme et l’éducation.

Cependant, MBS a aussi suscité la controverse. En 2017, il a forcé la démission du Premier ministre libanais pour le remplacer par une figure plus hostile au Hezbollah, et en 2018, il a été impliqué dans l’assassinat du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, au consulat d’Arabie saoudite en Turquie.

III. La défense de l’arc chiite par l’Iran

A) Arc chiite contre arc sunnite

Selon Antoine-Louis de Prémonville dans Géopolitique de l’Iran : de l’Empire confiné au retour de la puissance (2015), bien que les Chiites représentent environ 70 % de la population dans le golfe Persique, ils sont généralement dominés par des pouvoirs sunnites, sauf en Iran, depuis 1979, et en Irak, depuis 2003.

En Syrie, environ 10 % de la population est chiite, et le pays est gouverné par le régime alaouite de Bachar el-Assad, soutenu par l’Iran. Au Liban, le Hezbollah, parti chiite armé, est également financé par Téhéran. L’Iran a ainsi mis en place un « arc chiite » reliant le Liban, la Syrie, l’Irak, et l’Iran, dans le but de s’affirmer comme une puissance régionale et de contrer l’influence de l’Arabie saoudite, sa rivale régionale.

B) Affrontements entre deux puissances régionales : Arabie saoudite et Iran

À la fin de la guerre Iran-Irak, l’Arabie saoudite finance la reconstruction de l’Irak, marquant une rupture nette dans ses relations avec l’Iran. Par la suite, l’Iran s’oppose aux islamistes sunnites en Syrie et en Irak, une position perçue comme une menace par l’Arabie saoudite. Au sein de l’OPEP, des tensions apparaissent également, l’Iran plaidant pour des prix du pétrole élevés face aux pays développés, tandis que l’Arabie saoudite adopte une approche plus modérée.

Les conflits autour du golfe Persique, notamment le contrôle du détroit d’Ormuz, aggravent encore les relations, car l’Iran pourrait bloquer les exportations pétrolières saoudiennes. Sous embargo de 2006 à 2015 et de nouveau depuis 2018 en raison de son programme nucléaire, l’Iran connaît des difficultés économiques, comme en témoignent les manifestations de 2019 contre l’inflation.

C) Les soutiens de l’Iran

Depuis 2009, l’Iran collabore étroitement avec le Qatar, Oman et le Koweït pour sécuriser le golfe Persique, ces pays refusant de servir de bases pour des opérations militaires contre Téhéran.

En 2022, un sommet trilatéral Russie-Iran-Turquie a soulevé des soupçons quant à une possible coopération entre la Russie et l’Iran dans le développement du nucléaire. Ce sommet a conduit à la signature d’un protocole entre Gazprom et la National Iranian Oil Company (NIOC), renforçant les partenariats énergétiques irano-russes.

Conclusion

Les trois puissances régionales au Proche et Moyen-Orient (Turquie, Arabie saoudite et Iran) organisent les rapports de force dans la région. Il existe une opposition forte Iran-Arabie saoudite qui ont chacun créé une aire de puissance au PMO. L’Iran s’affirme comme puissance en multipliant les alliances et malgré un embargo. L’Arabie saoudite s’affirme en conservant l’alliance avec les États-Unis.

 

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