Javier Milei

Dès la campagne présidentielle, Javier Milei promet un revirement total, avec un programme à la « tronçonneuse », pour faire face à l’inflation galopante et à la pauvreté endémique. Sa popularité et son ascension fulgurante résident dans sa manière de faire appel au sentiment de ras-le-bol d’une population qui n’en peut plus des crises. Pour lui, il n’y a qu’un responsable : la classe politique. Il devient Président de la Nation argentine en décembre 2023.

L’Argentine

Huitième pays du monde par sa superficie, troisième économie d’Amérique latine, l’Argentine est un vaste pays, riche de ses paysages, de sa culture et de ses ressources naturelles. C’est le pays des plaines fertiles, des glaciers, des baleines, du tango et, ne l’oublions pas, du football (Maradona et Messi).

Son histoire est plus complexe : l’Argentine a eu un passé particulièrement troublé. Alors même que c’était un des pays les plus prospères au monde à la fin du XIXe siècle, le pays a connu un XXe siècle très compliqué, dont la seconde partie fut sanglante à cause des dictatures militaires.

L’économie argentine a depuis plusieurs décennies la mauvaise réputation d’être instable. L’inflation caractérise en effet ce pays encore plus que le football ou le tango. La pauvreté y est endémique : plus de la moitié de la population vit avec moins de 250 euros par mois. Les scandales de corruption sont monnaie courante. C’est dans ce cadre troublé que s’inscrit la candidature de Javier Milei à la présidentielle de 2023.

Javier Milei, un caractère

Milei est un personnage atypique, ésotérique, souvent extravagant. Avec lui, il faut toujours s’attendre à tout. Mais, avant tout, c’est un personnage antisystème, comme l’est Donald Trump, son idole, aux États-Unis. C’est sur cela qu’il fonde sa popularité, devenant une véritable rock star, se déchaînant devant les foules venues l’acclamer. Il est, pour reprendre ses propres mots, « le roi de la jungle ». D’aucuns le surnomment « el loco » – le fou.

Économiste de formation, il connaît un certain succès sur les plateaux télé, où il présente ses idées néolibérales et anarchistes. Il passe son temps à s’en prendre à l’État, aux impôts, à la Banque centrale et à la gauche. C’est un libertarien, dont l’État est l’ennemi juré.

Une percée fulgurante

Avec une inflation à 300 %, même les plus réticents commençaient à accepter les arguments de Javier Milei, qui pointait du doigt la classe politique corrompue et incompétente, et l’intervention d’un État qui, selon lui, ne fait qu’aggraver les choses. Il incarne un renouveau, quelque chose qui n’avait jamais été tenté avant.

Son discours anti-establishment et populiste plaît et fascine. C’est l’esprit de revanche, c’est le retour à la gloire d’antan (un siècle plus tôt). Il se définit lui-même comme anarcho-capitaliste, ce qui lui attire la sympathie de ceux qui en ont marre des échecs de la gauche et de la droite. Sa volonté de se débarrasser du peso argentin pour le remplacer par le dollar séduit tous ceux pour qui le peso rime avec inflation galopante et endettement.

Sa percée s’explique également par son franc-parler. Javier Milei n’a pas sa langue dans sa poche. Son énergie débordante, sa chevelure ébouriffée et son langage sans filtre lui permettent de se distinguer des politiciens classiques.

Sa politique économique

Suite aux élections, il n’a pas de majorité au Congrès, ce qui ne lui permet pas vraiment d’appliquer tout son programme. Il doit donc négocier avec la droite et le centre droit, et parvient à trouver certains leviers de négociations.

Un choc d’austérité

Il décide de mettre en place un choc d’austérité dès son premier budget, en martelant partout qu’il voulait zéro déficit. Son mantra politique de liberté s’applique à l’économie. Il dévalue ainsi de 50 % le peso argentin et mène une grande politique de privatisation et de dérégulation. Il désire faire du Thatcher en plus fort et en plus extrême, mais sa minorité au Congrès l’oblige à faire certaines concessions.

Parenthèse à part, il ne peut pas vraiment se permettre d’invoquer Margaret Thatcher comme exemple, vu que celle-ci a mené et gagné la guerre des Malouines en 1982 contre l’Argentine, un souvenir mal digéré côté argentin. Ceci dit, l’État a quand même réduit ses dépenses de 30 % sous Milei, ce qui est évidemment très considérable.

Mais cette politique de haute austérité finit inéluctablement par provoquer la colère des plus pauvres et des plus démunis, et plusieurs manifestations ont lieu contre lui. Ce fut par exemple le cas lorsqu’il met son veto présidentiel à la hausse des retraites décidée par le Parlement, alors même que plus de 60 % des retraités vivent sous le seuil de pauvreté.

L’inflation ralentit, mais la précarité reste très élevée

Depuis décembre 2023, date de sa prise de fonctions, cinq millions d’Argentins ont basculé dans la pauvreté. Cela provoque une crise sociale, notamment avec la fin des aides alimentaires (soupe populaire…). Cependant, sa popularité à l’échelle nationale reste relativement élevée.

Cela est en partie dû à la dispersion de l’opposition, notamment les péronistes qui ont beaucoup de mal à se remettre de la défaite aux dernières présidentielles. La droite, quant à elle, est éclatée et a perdu beaucoup de ses voix à Javier Milei, qu’elle est obligée de soutenir sur certains projets de loi.

Milei a aussi d’autres projets en tête qu’il n’a pas encore appliqués, faute de moyens : dollarisation complète de l’économie avec le remplacement du peso argentin par le dollar, suppression de la Banque centrale, suppression des impôts…

Un ultraconservateur assumé

Sur le plan culturel et sociétal, Javier Milei est un ultraconservateur qui se dit antiwokiste. Il remet en cause le droit à l’avortement ainsi que certains acquis sociétaux, et il est clairement climatosceptique. Cette vision réactionnaire de la société séduit cependant un certain nombre de jeunes, et en particulier les jeunes hommes. Beaucoup d’entre eux ont beaucoup souffert du capitalisme sauvage et se retrouvent coincés entre le travail informel d’une part et le chômage de l’autre.

Ses propos par rapport au passé compliqué de l’Argentine sont souvent qualifiés de négationnistes ou de révisionnistes. Javier Milei défend les anciens régimes dictatoriaux, notamment celui du général Videla, qui ont mené une répression sanglante durant le siècle dernier (1956-1983). 30 000 personnes auraient disparu sous la junte militaire.

Diplomatie argentine de Milei

Milei réoriente la politique étrangère, refusant par exemple l’invitation des BRICS à les rejoindre, alors que son prédécesseur avait bataillé pour l’adhésion. Il s’en prend violemment aux dirigeants de gauche ou d’extrême gauche, comme Lula et Nicolàs Maduro, et critique sévèrement l’ONU, même pendant son discours à l’Assemblée générale. S’il y a un dirigeant que Javier Milei abhorre par-dessus tout, c’est très probablement son homologue vénézuélien, Nicolàs Maduro, et ce, encore plus après sa réélection contestée. Il va jusqu’à appeler l’armée vénézuélienne à se révolter contre Maduro pour faire respecter la démocratie.

Alors que la ligne politique de l’Argentine a longtemps été de rester neutre et de parler avec tout le monde, y compris la Chine, l’Iran ou la Russie, Milei assume de mettre fin à cette neutralité et de ne dialoguer qu’avec ses alliés. Le multilatéralisme ne l’intéresse pas vraiment. Sa ligne idéologique est celle d’un rapprochement avec les États-Unis (idéalement ceux de Donald Trump) et l’OTAN.

Javier Milei ne rate aucune occasion de s’afficher avec les dirigeants de son style, à l’instar de l’ex-Président brésilien Jair Bolsonaro et de l’ex-Premier ministre britannique Boris Johnson, ou encore le milliardaire Elon Musk, qui défend souvent sa politique économique sur X. Il est aussi un fervent soutien d’Israël, où il fait sa première visite officielle.

Il soutient également l’Ukraine dans sa guerre défensive contre la Russie. Zelenski se rend même jusqu’en Argentine pour assister à la cérémonie d’investiture du Président argentin.

Comme Donald Trump aux États-Unis, Javier Milei aime personnaliser la politique étrangère, considérant qu’une amitié entre deux États est d’abord une amitié entre ses deux dirigeants. L’inverse reste vrai aussi, comme le montre la brouille diplomatique entre Madrid et Buenos Aires, suite aux insultes proférées par Javier Milei à l’encontre du Premier ministre socialiste, Pedro Sanchez.

Conclusion

Le phénomène Javier Milei est difficile à comprendre. Son élection en tant que président de l’Argentine a pris de court les spécialistes et les observateurs. Pourtant, son élection s’inscrit dans le cadre de la montée des populismes dans de nombreux pays : Jair Bolsonaro, Donald Trump, Giorgia Meloni, Boris Johnson, Marine Le Pen, Geert Wilders, etc. Les populismes surfent sur la vague de méfiance à l’égard des institutions et des classes politiques qui semblent totalement déconnectées de franges entières de la population.

 

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