Jimmy Carter

Lorsque Jimmy Carter se présente aux élections présidentielles, il désire incarner l’homme qui sortira les États-Unis du chaos engendré par le Watergate et la démission de Richard Nixon. Beaucoup comparent sa démarche à celle de Joe Biden, qui lui aussi s’était présenté comme l’homme qui sauvera les États-Unis de Donald Trump et de ses errements.

Candidature

Jimmy Carter, ancien Marine, a d’abord été sénateur, puis gouverneur de Géorgie. Malgré son ambiguïté lors de la campagne électorale, il est le premier gouverneur d’un État du sud profond à assumer haut et fort être contre la ségrégation raciale. Il est ainsi conservateur sur le plan fiscal et libéral sur le plan sociétal.

Lors de son discours d’inauguration en tant que gouverneur, il déclare : « Je dois vous dire franchement que le temps de la discrimination est terminé. » Il surprend ainsi les électeurs qui avaient voté pour lui en pensant qu’il était raciste. Cette phrase est suivie d’actes tangibles, puisqu’il nomme des personnes noires à des postes de responsabilité en Géorgie. Il devient ainsi l’un des visages de ce « Nouveau Sud », tournant la page de décennies de ségrégation et de racisme.

Au lendemain de la démission de Nixon, Jimmy Carter met en place sa candidature, d’ailleurs sans trop d’espoir. Il se présente comme un homme idéaliste, qui tient beaucoup à la foi chrétienne et qui veut rendre l’espoir et la croyance aux États-Unis : « We want to have faith again. »

Quand la campagne de 1976 commence, Jimmy Carter a du mal à décoller. Il est surnommé « Jimmy Who », car les Américains ne le connaissent pas vraiment. Mais son profil de fils de fermiers simples, d’origines modestes, très religieux, incarnant la probité, séduit de plus en plus. Il grimpe alors progressivement dans les sondages, dépassant les personnalités démocrates ayant une plus grande renommée nationale.

Cet ex-Marine finit par remporter les primaires démocrates et, à partir de là, engage toute sa campagne contre Gerald Ford, le vice-président devenu président à la suite de la démission de Richard Nixon. Il exploite intelligemment la décision de Gerald Ford de gracier le président déchu et est donc finalement élu 39e président des États-Unis. Mais l’élection est quand même très serrée (la plus serrée depuis 1916), avec une considérable abstention (45 %). Walter Mondale est son vice-président.

Dès le début de son mandat, Jimmy Carter doit faire face à de grosses difficultés économiques, avec la récession la plus importante depuis les années 1930. Les taux d’inflation et de chômage battent, eux aussi, des records.

Politique extérieure

Très rares sont les présidents ayant eu autant d’impact en un seul mandat au niveau de la politique étrangère des États-Unis. Fidèle à ses valeurs, Jimmy Carter assume de mener une politique qui laisse de côté l’interventionnisme américain traditionnel, relevant de la Realpolitik. Il lui préfère la Moralpolitik.

Là où les États-Unis soutenaient habituellement les régimes en fonction de leurs intérêts politiques et économiques, Jimmy Carter conditionne son soutien au respect des droits de l’homme et de la démocratie. La politique de Carter en Amérique latine illustre très bien cela. Il rend à Panama la gestion du canal et cesse l’aide militaire américaine aux juntes militaires d’Amérique latine, y compris dans leur lutte sanglante face aux guérillas communistes. Au Chili, par exemple, il condamne sévèrement la junte militaire et regrette l’intervention américaine de 1973.

Sans surprise, il y a parfois quelques exceptions à cette Moralpolitik, comme le montre la bonne entente entre Jimmy Carter et le Chah d’Iran. Mais, lors de la révolution iranienne de 1979, Carter préfère ne pas soutenir cet autocrate, qui est finalement renversé. Cependant, avec du recul, il aurait peut-être continué de le soutenir s’il avait su qui allait s’emparer du pouvoir en Iran…

Carter entame également des négociations avec l’URSS pour se rapprocher de la fin de la Guerre froide. Il signe ainsi les accords SALT II avec Brejnev pour diminuer la prolifération nucléaire. De même, il poursuit le rapprochement avec la Chine, commencé par Richard Nixon en 1971-72. Cependant, lorsque l’URSS entame sa guerre en Afghanistan, Carter s’y oppose violemment et mène une campagne mondiale de boycott des JO de Moscou de 1980.

Son héritage le plus célèbre est sans doute les Accords de Camp David de 1979. Il réussit l’exploit de réconcilier l’Égypte et son ennemi juré, Israël. La poignée de main chaleureuse entre Anouar el-Sadate et Begin restera dans les annales de l’Histoire. Cet accord vaudra à Sadate et Begin le prix Nobel de la Paix, même si le président égyptien paiera cet accord de sa vie en 1981.

Problème politique

Malgré ses incontestables succès diplomatiques, Jimmy Carter ne parvient pas à les transformer en gains politiques et sa popularité ne décolle pas. Déjà lors des élections de mi-mandat, il subit une sévère défaite.

L’injustice de la vie politique fait même qu’on lui reproche beaucoup de se préoccuper surtout de la politique étrangère et pas assez de la politique intérieure. Ses succès se retournent contre lui, alors qu’il doit faire face aux conséquences économiques des deux chocs pétroliers, avec l’augmentation considérable des taux par Paul Volcker en 1979.

À cela s’ajoutent des maladresses politiques qui viennent saper sa présidence et donner de la force aux républicains, qui ne ratent aucune occasion de lui tomber dessus. On retrouve ici un autre parallèle avec la présidence de Joe Biden, qui, alors même qu’il mène une politique très active et laisse un héritage législatif sans précédent pour un président ayant fait un seul mandat, n’a aucune popularité du fait des maladresses dues à son âge. En effet, la côte de popularité de Jimmy Carter est aussi basse que celle de Richard Nixon durant le Watergate, c’est dire. À la fin de son mandat, la crise iranienne finira de le terrasser.

Crise iranienne

La crise qui vient achever Jimmy Carter est la crise iranienne. En 1979, des « étudiants » envahissent l’ambassade américaine à Téhéran et prennent en otage tout le personnel : 52 diplomates et civils américains. L’opération censée les libérer est un échec cuisant et les négociations ne mènent nulle part.

Les otages seront finalement libérés le jour de l’investiture de Ronald Reagan. Ce dernier laissera Carter accueillir en personne les otages à leur retour. Il ne le dira pas publiquement, mais Jimmy Carter est convaincu au fond de lui que Reagan aurait négocié avec les Iraniens pour retarder la libération des otages afin d’affaiblir son concurrent.

C’est dans ce contexte délétère qu’il annonce se représenter pour les élections présidentielles. Il remporte difficilement les primaires démocrates, avec 51 % des voix, soit le score le plus serré pour un président sortant depuis très longtemps. Le républicain Ronald Reagan l’emporte facilement en 1980.

Après-présidence 

Jimmy Carter crée en 1982 la Fondation Carter, qui promeut la démocratie, l’aide au développement humanitaire et la défense des droits de l’homme. Il mène ainsi de nombreuses missions d’observation des élections à travers le monde entier : Panama, Éthiopie, Indonésie… En 1994, il fait éviter à son pays une crise nucléaire avec la Corée du Nord. Il mène aussi des campagnes de sensibilisation pour des sujets peu connus, comme l’éradication du ver de Guinée. En 2002, il fait une visite remarquable à Cuba, où il critique à la fois le retard au niveau des droits de l’homme et le blocus américain. Ses actions lui valent de remporter le prix Nobel de la Paix en 2002.

Il n’hésite pas ensuite à donner son avis sur la politique étrangère américaine au Moyen-Orient, critiquant sévèrement l’intervention des États-Unis en Irak en 1991 et encore plus en 2003. Il critique également la politique de colonisation d’Israël, le traitant « d’État d’apartheid », s’offusquant du fait qu’il est impossible aux États-Unis de critiquer Israël, du fait d’une autocensure. Ces positions lui valent de nombreuses critiques, que ce soit de la part des démocrates ou des républicains.

Le 1er octobre 2024, Jimmy Carter fête ses 100 ans, une première pour un président américain. Son entourage indique qu’il a voté par correspondance pour Kamala Harris.

 

N’hésite pas à consulter toutes nos ressources géopolitiques.