Tu te demandes comment l’État intervient pour corriger les dysfonctionnements du marché ? Cet article t’emmène au cœur des enjeux de la politique de concurrence et des défis posés par la numérisation. On y explore les conséquences actuelles des deux principales écoles de pensée : celle de Harvard et celle de Chicago.
Une politique évolutive
Deux écoles de pensée
Deux courants de pensée dominent historiquement la politique de la concurrence : l’école de Harvard et l’école de Chicago.
- L’école de Harvard, représentée par Mason (structuraliste), soutient qu’une concurrence accrue tend à favoriser le consommateur. Selon cette approche, l’État doit intervenir pour modifier la structure du marché, ce qui influence le comportement des entreprises et, par conséquent, leurs performances.
- L’école de Chicago, incarnée par Friedman (dynamique et comportementaliste), défend les oligopoles, arguant qu’ils garantissent productivité, croissance et innovation. Cette école considère qu’une concurrence trop intense, sans leader clair, pourrait décourager les investissements.
L’évolution récente des pratiques
L’intervention publique s’est matérialisée par l’adoption de lois antitrust visant à empêcher les monopoles, suivant le modèle européen inspiré par l’école de Harvard. Cependant, l’influence de l’école de Chicago a conduit à la défense de « champions mondiaux » aux États-Unis, comme les AAMAM (Apple, Alphabet, Meta, Amazon, Microsoft).
On observe une tendance mondiale à la concentration, aux fusions et aux acquisitions, qui ont quintuplé depuis 1990, selon la Commission européenne. Parallèlement, la part du travail dans la valeur ajoutée (VA) a reculé.
Schumpeter apporte une perspective intéressante : la concentration est à la fois la cause et la conséquence du succès. Les entreprises qui réussissent devancent la concurrence pour bénéficier d’une rente monopolistique temporaire. Selon lui, les marchés connaissent des cycles alternant de courtes périodes de compétition intense et des périodes prolongées d’oligopoles.
Répondre à la numérisation
Les néo-brandésiens critiquent le fait que, si une action est bénéfique pour le consommateur, elle est automatiquement adoptée par l’Union européenne, sans penser à la désincitation que cela peut créer pour les entreprises.
Ils dénoncent également le pouvoir excessif des firmes multinationales (FMN), qui risquent de « capturer » les régulateurs.
En outre, plus une entreprise est grande, plus elle a tendance à facturer ses consommateurs, comme le montrent les pratiques de Google ou de Meta.
Des solutions pas toujours appréciées
Le Digital Markets Act (DMA) vise à réguler les « contrôleurs d’accès », ces acteurs qui constituent des points de passage obligés pour accéder à Internet (effet de silo). Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, souhaite lutter contre les rachats de start-up (pour éviter la killzone), les ententes illicites et les abus de position dominante.
Un effet sur les consommateurs ?
Une autre solution pourrait être la discrimination tarifaire, se déclinant en trois types :
- la discrimination parfaite : le prix est fixé en fonction de la disposition à payer de chaque acheteur ;
- la discrimination de deuxième type : le prix est le même pour tous les clients, mais varie selon la quantité achetée ;
- la discrimination de troisième type : la clientèle est segmentée en sous-marchés et le prix est fixé en fonction de ces segments.
Le prix unique, théorisé par Shapiro et Pigou, fonctionne bien avec des algorithmes, mais les consommateurs n’apprécient pas toujours cette personnalisation des prix, car elle peut les amener à payer plus cher pour les produits qu’ils désirent le plus.