Dans le cadre de la préparation des oraux, nous te proposons quelques clés d’analyse du thème de l’amour dans Le Ravissement de Lol V. Stein et Les Lettres portugaises, si tu venais à tomber sur l’un de ces textes. Tu trouveras leurs grandes caractéristiques narratives et stylistiques, de façon à nourrir ton analyse de termes précis et techniques.
Introduction
À y regarder de plus près, l’amour semble toujours passer par le prisme d’une narration – intérieure, réécrite, fantasmée. Et si aimer, c’était avant tout écrire, raconter, inventer ? De Marianne, l’amoureuse transie des Lettres portugaises, à Lol V. Stein, l’amour ne se donne jamais directement, mais à travers un voile : celui du récit.
Marianne, ou l’amour comme mise en scène
Première question : Marianne aime-t-elle réellement ? Dans les Lettres portugaises, la jeune religieuse écrit avec une intensité déchirante à son amant français disparu. Mais cette intensité est-elle la marque d’un amour vécu ou d’un amour reconstruit, fantasmé ?
Tout est affaire de discours, de langage : Marianne ne vit plus l’amour. Elle le rejoue, elle le ressasse, elle le met en scène dans l’espace clos de sa lettre. L’absence de l’autre crée un vide que seul le récit peut combler. Chaque mot devient un substitut, une tentative de fixer l’amour dans une forme. L’amour est mort ? Marianne le ressuscite par l’écriture.
« Je ne puis m’accoutumer à votre indifférence. »
Par cette phrase, Marianne rejoue sans cesse la scène de l’abandon. Elle ne dit pas l’amour, elle dit l’absence, et c’est cette absence qui produit l’écriture. À travers cinq lettres, elle se livre à une réécriture obsessionnelle de l’histoire d’amour, qui devient plus vraie dans sa reconstruction littéraire que dans sa réalité première.
Par conséquent, l’œuvre littéraire donne forme à l’expérience intime. Ici, le sentiment amoureux n’existe plus qu’à travers une réécriture douloureuse et poétique.
Lol V. Stein, ou l’amour rêvé, recomposé, dissous
Chez Duras, l’amour n’est plus crié : il est murmuré, effleuré, parfois nié. Lol V. Stein, abandonnée par Michael Richardson, ne cesse de tourner autour de cet événement initial – sans jamais le revivre vraiment. Elle n’aime pas, elle rejoue la scène de la perte. Tout est mis à distance, filtré, presque irréel. Et surtout, ce n’est pas elle qui raconte, mais Jacques Hold, narrateur instable, amoureux d’elle, qui tente de reconstituer sa pensée, de lui prêter des émotions. Dès lors, comment savoir si Lol aime ? Ou si elle simule, imite, mime l’amour ? Duras brouille les pistes, joue avec la mémoire, avec la subjectivité, avec la fiction.
« Ce n’est pas Lol V. Stein qui parle, c’est moi. »
Cette phrase du narrateur est cruciale : elle souligne que ce que nous lisons n’est jamais la vérité de Lol, mais un récit sur elle, une fiction projetée par un autre. Duras sème ainsi le doute : Lol aime-t-elle encore ? N’a-t-elle jamais aimé ? Ou n’est-elle que le miroir des désirs et des récits des autres ?
« Des pensées, un fourmillement, toutes également frappées de stérilité une fois la promenade terminée – aucune de ses pensées jamais n’a passé la porte de la maison – viennent à Lol V. Stein pendant qu’elle marche. On dirait que c’est le déplacement machinal de son corps qui les fait se lever toutes ensemble dans un mouvement désordonné, confus, généreux. »
Cette phrase, prononcée dans une langue trouble, presque flottante, dit tout du roman : l’amour devient un souvenir douteux, un mythe personnel, une légende privée que le récit tente de cerner – sans jamais y parvenir.
Ainsi, le récit prend le dessus sur le vécu. Chez Duras, l’amour devient un objet d’enquête, jamais totalement saisissable, toujours reconstruit.
Conclusion
Ainsi l’amour dans la littérature ne se donne-t-il jamais brut. Il est toujours dit, écrit, traversé par un regard subjectif. De Marianne à Lol, les héroïnes n’aiment pas tant qu’elles racontent ce qu’elles croient aimer. Et c’est là toute la force de l’œuvre littéraire : elle transforme une émotion fuyante en matière narrative, en construction esthétique. L’amour n’est plus un état, mais un récit.
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