Le sujet est à retrouver ici : Géopo ESCP 2019 – Sujet

L’analyse ici : Géopo ESCP 2019 – Analyse du sujet

Les statistiques

Le rapport

Les attentes du jury

L’épreuve a été traitée par 3 929 candidats. La moyenne générale s’est élevée à 10,61 / 20, tandis que l’écart-type moyen s’est établi à 3,92, ce qui témoigne du caractère discriminant de ce sujet.

Les remontées du jury témoignent que, dans l’ensemble, ce sujet centré sur les matières premières a été plutôt apprécié, tant par les candidats que par leurs préparateurs, même s’il a aussi été jugé plus difficile que ceux tombés les années précédentes par certains membres du jury. Cependant les matières premières occupent une place très centrale dans la géopolitique contemporaine, surtout depuis la remontée des cours mondiaux et la prise de conscience générale de leur caractère fini.

Comme chaque année (ainsi que cela est rappelé systématiquement dans les rapports du jury), le sujet 2019 couvrait le champ des deux années de préparation au concours. Si la question des matières premières est certes plus spécifiquement abordée en première année, la seconde année fournissait cependant une kyrielle d’exemples détaillés à exploiter, ce qui a été bien compris par la majorité des candidats. L’originalité des exemples choisis et leur pertinence a de ce fait joué un rôle important dans la discrimination des copies.

Les trois disciplines de cette épreuve (l’histoire, la géographie et la géopolitique) étaient largement à convoquer, même si la dimension géopolitique était plus clairement centrale dans ce sujet. Le jury s’est félicité à cette occasion d’observer que les mises en perspective historique ont été plus nombreuses que lors des épreuves des années antérieures, ce qui a aussi contribué à mieux discriminer les copies, notamment par rapport à celles qui se sont cantonnées au contexte strictement contemporain. 

Remarques de correction

Le libellé proposé ne présentait aucune ambiguïté de compréhension, d’autant que les « matières premières » faisaient d’emblée l’objet d’une précision utile sous la forme d’un astérisque (« agricoles, minières et énergétiques ») qui levait les quelques doutes éventuels quant à ce qu’il fallait entendre par cette expression. Les candidats qui auraient hésité notamment sur l’insertion ou non des matières premières agricoles ont de ce fait été rassurés (le document 5, intitulé « Les principaux producteurs mondiaux de blé, de maïs et de riz », y invitait d’ailleurs très explicitement). Cependant l’eau ne faisait pas partie du sujet. Le jury a cependant relevé qu’un certain nombre de copies ont intégré malencontreusement l’eau dans leur démonstration, ce qui été à l’origine de développements souvent longs et surtout hors-sujets. Cette erreur témoigne de la confusion opérée par certains candidats entre ressources naturelles et matières premières.

Rappelons que, par définition, les « matières premières » interviennent dans la production de produits intermédiaires ou de produits finis : minéraux (minerais divers et plus ou moins rares, mais aussi produits pondéreux comme les sables, les graviers, etc.), hydrocarbures (pétrole, gaz, pétrole et gaz de schistes, etc.), végétaux (céréales, bois, fibres, caoutchouc, etc.), enfin produits d’origine animale et de la mer (cuir, laine, viande, farine animale, etc.).

Les matières premières ont en commun d’être inégalement réparties sur la planète, ce qui accroît leur caractère stratégique puisque sans doute aucun pays n’est totalement autosuffisant. Elles sont donc des objets de convoitise pour les États et, à travers eux, les entreprises qui les recherchent, les exploitent ou les utilisent, surtout dans le contexte contemporain de prise de conscience du caractère fini de ces matières premières et de l’envolée de la demande mondiale qui semble inexorable, compte tenu de l’explosion démographique. À l’heure où les tensions, la raréfaction, voire les pénuries, se multiplient sur nombre de produits, la dimension proprement stratégique des matières premières se trouve donc directement posée. Pour autant, toutes ces matières premières ne sont pas à mettre sur un même pied d’égalité, ce qui était clairement à rappeler en raison de leur plus ou moins grande abondance mesurée à travers l’état de leurs réserves, qui détermine des horizons temporels différents.

Les autres termes du libellé du sujet méritaient d’être davantage explicités. En effet, les candidats les ont pris trop souvent comme s’ils allaient d’eux-mêmes.

La notion de « puissance » a fait certes l’objet d’une certaine attention de la part des candidats, mais curieusement surtout au travers des deux seules définitions données par Raymond Aron (« La puissance est la capacité de faire, produire ou détruire » … / … « La capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités » ; … /… « La capacité d’influencer sans être influencé en retour, mais aussi celle d’imposer sa volonté aux autres : cf. Paix et guerre entre nations, 1962) et Serge Sur (la « capacité de faire, de faire faire, d’empêcher de faire, de refuser de faire » : Relations internationales, 2000). D’autres approches de cette notion de puissance pouvaient être exploitées. Par exemple celles de Max Weber (« toute chance de faire triompher, au sein d’une relation sociale, sa propre volonté contre la résistance d’autrui » : cf. Économie et société, 1921) ou de Kenneth Waltz (« l’idée, simple et ancienne, qu’un agent est d’autant plus puissant qu’il affecte les autres plus que ceux-ci ne l’affectent » : cf . Man, the State and War, 1964).

Mais plus que le concept de puissance en tant que tel, ce sont bien les « stratégies de puissance des Etats », leurs motivations, leurs effets et leurs formes qu’il convenait surtout de discuter. Ainsi faute d’avoir défini avec soin la notion de stratégie (« l’art de coordonner les actions pour atteindre les objectifs que les Etats se sont fixés » selon le dictionnaire Larousse), le sujet est alors devenu chez beaucoup de candidats « Les matières premières facteurs de la puissance », ou « objets de pouvoir », ce qui n’était pas la même chose, d’autant que le cadre étatique a aussi été passablement omis dans certaines copies.

La puissance des Etats n’est pourtant pas un acquis. Elle est la résultante d’un construit complexe et de la mise en œuvre de stratégies spécifiques. Le jury attendait à cet égard l’identification claire des différents types de stratégies de puissance organisées autour de la question des matières premières, tant offensives que défensives, sans pour autant que la dissertation ne se transforme en une simple typologie. Leur adoption dépendait très fortement de la situation rencontrée par les Etats à différents moments de leur histoire. Les conflits militaires entre Etats voisins, les conquêtes coloniales et impérialistes, mais aussi les conflits néocoloniaux entre pays ont souvent eu pour objet l’accès aux matières premières (les exemples à exploiter étaient nombreux dans le programme des deux années de préparation). Les experts n’écartent pas d’ailleurs le retour à l’avenir de nouvelles opérations de ce type face à la raréfaction de certaines matières premières. De manière moins belliqueuse, la recherche de stratégies de sécurisation a poussé les Etats moins dotés que d’autres (ou soucieux de ne pas puiser prématurément dans leurs réserves) à négocier des alliances et des accords préférentiels d’approvisionnement avec des pays fortement dotés (cas des Etats-Unis avec l’Arabie Saoudite dès l’après-guerre pour un accès préférentiel au pétrole : Pacte de Quincy du 14 février 1945), à développer des politiques d’aides généreuses avec des contreparties obligées (cas de la Chine vis-à-vis de l’Afrique subsaharienne depuis les années 1990), à se regrouper pour mettre en commun des matières premières (cas de la CECA entre 1951 et 2002) ou pour peser dans les négociations internationales (cas des pays du groupe de Cairns depuis 1986), etc.

Mais il convenait aussi de montrer que ces stratégies étatiques peuvent dans certains cas entrer en contradiction avec celles développées par d’autres types d’acteurs avec lesquels ces Etats partagent des intérêts communs : des regroupements régionaux ; des firmes 10 transnationales ; le monde de la finance et des spéculateurs ; les grandes institutions internationales (qui se singularisent ces dernières années par la mise en œuvre de conférences visant à la recherche de solutions communes) ; les groupes informels des grandes puissances (G 7, G 8, G 20) ; les regroupements de pays signataires autour de grandes causes (cas notable de la Transparence dans les Industries Extractives, ou ITIE, initiative déjà signée par 52 Etats) ; etc.

L’articulation des différents termes du sujet invitait à poser toute une série des questions importantes et complémentaires : en quoi les matières premières sont-elles un levier ou un obstacle à la puissance des Etats ? Est-ce la possession des matières premières ou leur contrôle à des échelles plus vastes qui permet aux Etats de développer des stratégies de puissance efficaces (sachant que parmi les plus riches figurent des pays peu ou mal dotés en matières premières stratégiques) ? En quoi la non possession de matières premières compromet-elle les stratégies de puissance de certains Etats ? Peut-on être une grande ou une moyenne puissance quand on est dépendant de l’extérieur pour ses approvisionnements ? Les matières premières sont-elles susceptibles de modifier à l’avenir les rapports de force économiques et géopolitiques mondiaux ? Plus prosaïquement, de quelles manières procèdent les Etats pour assurer leur sécurité alimentaire, énergétique et minière ? Etc.

Comme toujours dans cette épreuve, plusieurs problématiques étaient possibles et recevables (attention, la simple reprise en l’état du sujet ne constitue pas une problématique), à condition que celles-ci soit clairement exposées dès l’introduction et suivies tout au long de la dissertation. Tel que libellé, ce sujet invitait principalement à se demander comment les matières premières (dans leur ensemble et / ou plus spécifiquement pour certaines d’entre elles) contribuaient à l’élaboration, à la mise en œuvre et à la pérennisation de la puissance des Etats. Autrement dit, comment les matières premières sont (et ont été par le passé) intégrées dans les stratégies des Etats pour asseoir leur puissance par ce qu’elles apportent de spécifique, notamment en termes d’autonomie vis-àvis de l’extérieur et des autres puissances. La plus ou moins grande dotation en matières premières agricoles, minières et énergétiques, mais aussi la capacité de leur contrôle par d’autres biais et à des échelles plus larges constituent donc pour les Etats des impératifs stratégiques majeurs, car elles conditionnent l’un des fondements principaux de leur puissance, à savoir l’indépendance (à l’instar de l’indépendance technologique, militaire, etc.) par rapport aux autres Etats. Elle est ainsi à la base de l’idée de la souveraineté et de la sécurité des Etats. Cette notion d’indépendance était à entendre comme l’absence de contraintes (« ne pas être tributaire de »), de subordination, de soumission ou d’influences diverses par l’élaboration de stratégies permettant une autonomie forte ou relative vis-à-vis de l’extérieur et des autres puissances. Cette notion d’indépendance était à cet égard indispensable à mobiliser dans le cadre de ce sujet par les candidats. Elle pouvait même constituer un des principaux fils directeurs d’analyse.

La dotation très inégale des Etats en matières premières avivent les rivalités, voire les conflits. Aucun Etat ne peut d’ailleurs se vanter d’être totalement indépendant vis-à-vis de l’extérieur, surtout dans une économie mondialisée. Eu égard à l’extraordinaire diversité des dotations et des besoins en termes de matières premières et d’énergie, il existe donc toute une gamme de situations, depuis les pays presque totalement dépendants parce qu’ils ne possèdent rien ou presque (cas des micro-Etats comme Singapour), jusqu’aux pays particulièrement choyés par la nature et le hasard : le « scandale géologique de l’Afrique australe, le Brésil (mines, bois, productions agricoles, etc.), la Russie et les pays du Golfe (hydrocarbures), etc. constituaient des cas d’école attendus (la Russie fut particulièrement prisée par les candidats, et ce à bon escient). Mais ces situations sont plus ou moins durables. Certains pays ont pu par exemple perdre leurs avantages suite à l’avènement d’un nouveau contexte énergétique, productif et technologique : cas de l’Europe de la Révolution industrielle, qui a progressivement abandonné le charbon à partir des années 1950 au profit de l’électricité (produite à partir de centrales thermiques au fioul et au gaz importés, ou encore par des centrales nucléaires fonctionnant avec de l’uranium importé), ce qui en fait désormais la région du monde la plus dépendante sur le plan de ses approvisionnements énergétiques. L’Afrique du Sud est aussi un pays qui a perdu beaucoup de son attractivité passée en raison de l’épuisement de nombre de ses mines d’or ou de pierres précieuses. Il lui faut donc réinventer un modèle de développement.

Les matières premières ont joué, jouent et joueront sans doute de plus en plus à l’avenir un rôle décisif dans les stratégies des Etats. Sur ce sujet, les Etats-Unis fournissaient un exemple remarquable, à travers le cas d’école de l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste (hydrocarbures non conventionnels) à partir de la fin des années 2000, dans la perspective d’une indépendance énergétique vis-à-vis des pays du Moyen-Orient et notamment de son principal allié, l’Arabie Saoudite (suite à l’attentat du 11 septembre 2001 qui a révélé sa fragilité). Cependant cet exemple des Etats-Unis n’a finalement été que peu développé par les candidats. Un autre exemple très pertinent à rappeler était celui de la prise de conscience très récente du désastre que représente la désindustrialisation dans les pays développés. Celle-ci remet la question industrielle au centre de la notion de puissance de ces Etats et, avec elle, celle de l’accès sécurisé à certaines matières premières très stratégiques et en tension (pour les NTIC, les batteries des véhicules électriques, etc.), car monopolisées par un petit nombre d’Etats.

Cependant ce rôle décisif des matières premières dans les stratégies des Etats est variable selon les périodes et n’est pas forcément automatique. On pouvait rappeler par exemple que l’effondrement des cours mondiaux des matières premières énergétiques et minières au cours de la décennie 1990 et jusqu’au début de la décennie 2000 a rendu provisoirement moins stratégique que par le passé la question de leur dotation ou de leur contrôle, au point que les Etats s’en sont largement désintéressées (effondrement des investissements de prospection et de modernisation des infrastructures ; fermeture temporaire de sites miniers et de gisements aux coûts d’exploitation trop coûteux). Celle-ci est revenue de manière spectaculaire par la suite (notamment entre 2002 et 2007), nonobstant la parenthèse de la crise mondiale apparue en 2007-2008.

Le lien entre puissance des Etats et matières premières n’est pas aussi évident que l’on pourrait le penser, comme l’atteste aussi le cas du « syndrome hollandais ». La stratégie de l’économie rentière est connue de beaucoup de candidats, notamment au travers des exemples contemporains du Venezuela, de la Syrie, de l’Algérie ou de l’Irak qui, bien que richement dotés, n’ont pas réussi à transformer cet atout en développement équilibré (les matières premières comme obstacle à la puissance ?).

Ce sujet invitait cependant à aller au-delà de la simple restitution des connaissances, notamment par des mises en perspectives historiques intéressantes, des choix très variés d’exemples à différentes échelles, mais aussi par le recours à la prospective : par exemple au travers de l’évocation judicieuse des effets actuels et à venir de l’explosion démographique mondiale ; de la montée des pays émergents depuis une vingtaine d’années et de leurs besoins d’approvisionnement considérables ; de la transition énergétique à venir ; ou encore des conséquences multiformes de l’exploitation de ces matières premières, notamment sur le plan environnemental et du dérèglement climatique (la puissance, mais à quel prix environnemental ?).

Sur la forme, le jury a relevé une assez bonne tenue d’ensemble des copies par rapport aux exigences de la dissertation. Presque toutes les copies formulent un questionnement et proposent un plan en trois parties. Toutefois le jury a relevé cette année le côté très souvent désincarné de beaucoup d’introductions, qui se contentent de définir les termes du sujet sous la forme d’un catalogue, sans vraiment les articuler et surtout sans véritable problématique convaincante et argumentée. Ce dernier point est à souligner, car l’absence de problématique pèse lourdement sur l’appréciation des correcteurs et donc la note finale, car beaucoup de copies dérivent alors vers des propos très généraux et l’oubli du sujet posé… Rapportées à la longueur de la dissertation, les introductions sont aussi souvent beaucoup trop longues (au point de représenter jusqu’au quart de la longueur totale de la dissertation !), ce qui nuit gravement à la démonstration, car elles déflorent le sujet et suscitent de nombreuses répétitions par la suite. Le niveau d’orthographe a enfin été jugé très moyen, voire franchement médiocre, ce qui confirme la dégradation observée en la matière depuis plusieurs années maintenant. Cette tendance de fond commence à devenir inquiétante, car même de très bonnes copies (qui auraient pu prétendre au 20 /20) n’échappent plus à cette règle, ce qui leur fait perdre au final quelques points précieux.

La confection de la carte a été jugée aussi plus complexe (et donc plus discriminante) que les années passées, car le sujet rendait plus difficile la restitution de figurés passe-partout à la manière d’un copier-coller, comme cela a souvent été observé lors des sessions précédents 

Conseils aux futurs candidats

Rappelons quelques règles de base. Tout d’abord, l’introduction doit être soignée. La problématique choisie doit notamment y apparaître avec clarté. Celle-ci ne doit pas se ramener à la simple reprise du libellé (ce qui annonce d’emblée une copie sans relief). L’ajout de quelques questions judicieuses est vivement encouragé à condition de ne pas y répondre dès l’introduction, afin de ne pas déflorer le sujet. Le plan doit aussi être annoncé clairement, ce qui suppose que le candidat s’y tienne tout au long de son développement. Surtout, l’introduction ne doit pas être trop longue afin d’éviter les répétitions inutiles par la suite.

Chaque sujet se construit autour d’un plan qui lui est propre. Par paresse intellectuelle ou logique assurantielle, beaucoup de candidats plaquent maladroitement des morceaux de plans étudiés durant l’année ou appris par cœur lors de leur bachotage, souvent sans rapport vraiment explicite avec le sujet posé. Ces plans passe-partout et formatés se contentent de généralités. Ils n’entrent pas dans le sujet posé, donnent l’impression de tourner autour de la question et ne permettent guère à une copie de se singulariser. Il en résulte à leur lecture une impression de banalité. Des thèmes importants sont généralement oubliés à cette occasion. Des paragraphes entiers sont aussi hors-sujets. Trop de candidats se contentent simplement de réciter leur cours, si bien que les correcteurs sont souvent amenés à corriger des copies ternes qui répètent invariablement les mêmes exemples, s’organisent selon le même plan, ressassent les mêmes informations. Par ailleurs, trop de candidats ignorent l’actualité récente et n’y font nullement référence. L’entame de l’introduction est souvent un bon endroit pour glisser un élément d’actualité intéressant.

Beaucoup de candidats se révèlent totalement incapables de citer avec précision des références bibliographiques et des auteurs de référence en liaison avec le sujet posé. D’autres candidats pêchent aussi par excès, par la multiplication disproportionnée de citations (souvent tronquées et déformées, voire attribuées à d’autres auteurs !), qui présentent le fâcheux inconvénient de se substituer à l’analyse personnelle des candidats.

La carte reste par ailleurs un excellent exercice qui permet de vérifier facilement si les connaissances de bases sont acquises ou non, si les localisations sont exactes, etc. Les dynamiques doivent y apparaître clairement, notamment à travers la question des flux.

Elle doit comporter un titre (le titre est d’ailleurs obligatoire), qui n’est pas forcément le libellé du sujet de la dissertation. Notée sur 5 points, elle ne doit pas être pensée comme une simple illustration, mais bien comme un document qui appuie la démonstration.

Construite tout au long de l’épreuve (et non dans les minutes qui précèdent le rendu de la copie, comme cela se fait souvent !), elle aide le candidat dans sa réflexion sur les implications spatiales du sujet, en lui évitant des oublis fâcheux, en lui inspirant des dynamiques spatiales pertinentes, des mises en relation fructueuses pour sa démonstration, etc. Elle invite naturellement à la diversification des exemples géographiques. Elle doit être citée à plusieurs reprises dans le corps du texte.

Pour être efficace et faire gagner des points précieux (ceux qui font souvent la différence avec les copies moyennes), la carte ne doit pas se ramener à un simple « exercice de coloriage ». Son élaboration demande du temps et une certaine pratique (l’investissement sérieux dans cet exercice durant les deux années de préparation se révèle payant). Une carte bien pensée annonce généralement une bonne dissertation. Inversement, les mauvaises copies sont presque toutes appuyées sur des cartes indigentes ou médiocres. Les candidats doivent bien comprendre que, plus encore que l’introduction, la carte est le premier contact visuel que le correcteur a avec la copie. C’est une raison de plus pour la soigner, ce qui ne signifie pas pour autant que l’on attend du candidat de faire montre de talents particuliers de dessinateur. Il faut néanmoins penser à apporter son petit matériel le jour du concours (crayons de couleurs variés, feutres fins en lieu et place de gros marqueurs, etc.), afin de ne pas la réaliser avec les seuls moyens du bord. Le choix des informations à cartographier, les dynamiques qui y sont représentées, la pertinence des figurés (ronds et flèches proportionnels à l’importance des phénomènes par exemple), ou encore l’ordonnancement de la légende sont décisifs. Les figurés traduisent tantôt des faits statiques, tantôt des dynamiques sur le temps long par le jeu sur l’épaisseur des traits, leurs couleurs, leur orientations, etc. Certains candidats maîtrisent très bien les bases de la sémiologie graphique au point, par exemple, de savoir enclaver des ronds proportionnels de couleurs différentes afin de montrer des évolutions sur deux périodes de référence.

Une bonne carte est le produit de choix judicieux et raisonnés, car tout ne peut pas être représenté. Par exemple, il est inutile d’y faire figurer tous les noms de pays. Certaines cartes sont littéralement surchargées et illisibles. La légende ne doit pas dépasser une page recto. En aucun cas elle ne doit se poursuivre sur le verso de la page de légende ! Elle doit enfin être hiérarchisée et claire.

Si beaucoup de cartes restent très moyennes et peu efficaces, en laissant notamment de grands vides (contrastant souvent avec des légendes fleuves !), certaines en revanche témoignent d’une très bonne maîtrise technique et d’un excellent niveau d’analyse. Surtout, la carte doit refléter étroitement le sujet proposé et ne pas donner l’impression d’être réutilisable pour un tout autre sujet, comme en témoigne par exemple l’absence fréquente de titre…

Rappelons qu’il convient d’élaborer la carte tout au long de la dissertation, ce qui permet au candidat d’y renvoyer à bon escient le correcteur.

Dans cette épreuve, le sujet posé s’accompagne de différents documents en nombre limité : tableaux, cartes, photographies, citations, etc. Les chronologies ont cependant disparu dans cette épreuve depuis 2016. Mais cette épreuve demeure fondamentalement une dissertation, avec sa carte à construire. Elle n’est pas un commentaire de documents. Ces derniers, comme cela est bien précisé chaque année sous le libellé du sujet, ne sont là qu’en accompagnement. Ils complètent utilement le sujet posé, provoquent des associations d’idées, rappellent des thématiques à aborder, ou encore ouvrent des pistes à creuser. Ils rassurent aussi les candidats qui peuvent se faire une idée plus claire de ce que l’on attend d’eux.

Mais attention, ces documents n’ont pas vocation à cerner le sujet dans sa totalité. Les candidats peuvent y glaner ici et là quelques informations utiles pour leur dissertation : un chiffre, un fait, etc. En revanche, certains candidats en panne d’inspiration y puisent volontiers toute leur argumentation, généralement dans une mauvaise paraphrase. Aussi sont-ils sanctionnés par les correcteurs. Rappelons que ces derniers valorisent dans leur notation tout ce qui vient enrichir une copie : choix pertinent des exemples et des échelles d’analyse ; chiffres connus et judicieusement restitués ; actualité du moment mobilisée à bon escient (mais avec parcimonie) ; mise en perspective historique ; etc. Autrement dit, plus le candidat exploitera intelligemment sa culture générale, plus il saura se démarquer par l’originalité et la pertinence de sa démarche et plus il aura de chance de réussir sa copie. Bref, il est très fréquent de constater que les meilleurs candidats n’ont pas besoin de faire référence à ces documents d’accompagnement (même si ceux-ci ont été utiles à l’élaboration de leur pensée).

Une ultime et très utile recommandation : les copies étant numérisées depuis la session de 2019, leur correction se fait donc uniquement sur écran. Il en résulte un brassage presque parfait des copies, ce qui constitue une indéniable avancée (demandée depuis de nombreuses années par le jury de cette épreuve). Malgré le soin apporté à ce travail de numérisation, l’utilisation de couleurs claires (notamment du bleu) pour la rédaction de la dissertation est absolument à proscrire, car celles-ci peuvent être difficiles à lire et à déchiffrer. L’encre noire et le stylo noir sont donc de rigueur.