De nombreuses manifestations ont eu lieu à travers le monde au cours de ce mois d’octobre 2019. De façon générale, cette année a été marquée par de nombreux rassemblements civils pour différentes revendications. Commençons par faire un tour d’horizon des principaux, avant d’essayer d’en saisir les grandes tendances.
La carte
Algérie (« Hirak »)
Depuis début février, les Algériens manifestent dans les rues de leur pays, mais aussi – à travers leur diaspora – dans celles de Paris, de Londres ou de Montréal. En cause, l’intention du président Abdelaziz Bouteflika de se présenter pour un cinquième mandat lors d’une élection censée se produire en avril.
Début mars, Bouteflika a officiellement annoncé sa candidature. Les manifestations ont pris une tout autre ampleur : les Algériens se rejoignent par millions dans les rues chaque vendredi.
Le 11 mars, Bouteflika renoncera à se porter candidat, décalant l’élection à la fin de l’année et prolongeant ainsi son mandat. Mais les manifestations ne s’arrêtent pas là. Au-delà du rejet de la candidature de Bouteflika, les Algériens demandent plus de démocratie et l’abolition du régime au pouvoir depuis des décennies. La libération de détenus politiques, la démission du chef de l’armée ou encore le rejet de la candidature d’anciens membres du gouvernement sont autant de revendications qui ont poussé les manifestations à continuer tout au long de l’été et jusqu’à présent.
Soudan
En décembre 2018, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues d’Atbara suite à l’augmentation du prix de produits de première nécessité (le pain notamment). Les manifestations ont été très violemment réprimandées par le régime militaire d’Omar el-Bechir.
Début 2019, le peuple soudanais a continué de descendre dans les rues pour réclamer la fin du régime d’el-Bechir, au pouvoir depuis 1996. Un état d’urgence est mis en place en février : couvre-feu de 18 h à 6 h du matin, suspension des écoles et des universités à Khartoum, etc.
En avril, la mobilisation a regagné en vigueur et le 11 avril, l’armée a annoncé avoir renversé el-Bechir. L’ancien président est incarcéré et l’armée promet la mise en place d’un gouvernement civil.
Entre mai et juin, les négociations entre civils et militaires échouent. La répression des militaires est sanglante et ces derniers se rapprochent de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et des EAU.
Fin juillet, après des mois de manifestations, un accord permettant le transfert du pouvoir aux civils est trouvé avec la médiation de l’Union africaine.
Hong Kong
Fin mars 2019, les Hongkongais ont massivement manifesté contre la loi d’extradition vers la Chine tout juste amendée par le Parlement. Les manifestants réclament également la démission de la cheffe de l’exécutif, Carrie Lam.
Le 9 juin, ils étaient plus d’un million (un habitant sur sept) à descendre dans la rue. De violents affrontements avec les forces de l’ordre ont eu lieu tout au long des différentes manifestations. Les Hongkongais ont utilisé différentes techniques pour échapper aux moyens de surveillance pointus de la police (caméras, reconnaissance faciale, etc.).
Le 12 juin, le débat sur le texte est reporté à une date ultérieure. Deux millions de personnes descendent dans les rues pour exiger la démission de Carrie Lam.
Le 1er juillet, jour d’anniversaire de la rétrocession, des manifestants ont envahi le Parlement tandis que des milliers de personnes défilaient dans les rues. Au cours du mois de juillet, de violents affrontements ont eu lieu à l’aéroport de la ville, où les manifestants organisaient des blocages massifs pour se faire entendre.
Début octobre, l’interdiction de manifester avec un masque a redonné de l’ampleur aux revendications. Pékin devrait prochainement écarter Carrie Lam du gouvernement.
Irak
Le 1er octobre, les Irakiens sont descendus dans les rues pour protester contre le gouvernement en place. L’élément déclencheur : une pénurie d’électricité et d’eau potable. Les manifestants dénoncent des services publics à l’abandon, un chômage élevé ainsi qu’une mauvaise utilisation de l’argent généré par les ressources pétrolières. Couvre-feu et répression violente seront les réponses du gouvernement d’Abdel-Mehdi, le Premier ministre irakien, faisant 157 morts.
Le 6 octobre, le gouvernement a annoncé néanmoins un grand nombre de mesures sociales, ainsi que le limogeage de plusieurs commandants militaires par la suite. Fin octobre, les Irakiens continuent de manifester. Ils remettent également en cause les liens étroits du gouvernement avec l’Iran et les milices chiites.
Liban
Mi-octobre, des manifestations ont vu le jour au Liban suite à l’annonce d’une nouvelle taxe sur les appels émis via WhatsApp. Malgré l’annulation rapide de la mesure, les manifestations ont gagné le reste du pays (et même les régions du sud sous contrôle du Hezbollah). Les infrastructures libanaises sont fortement remises en cause et les manifestants réclament le départ de la classe politique au pouvoir. Malgré l’annonce de réformes sociales par le président du Conseil des ministres Saad Hariri, les manifestants ont – pour l’instant – décidé de continuer le mouvement jusqu’à démission de la classe politique.
Le 29 octobre, Hariri a annoncé sa démission.
Catalogne (Espagne)
Le 14 octobre, la Cour suprême espagnole a condamné neuf dirigeants indépendantistes catalans à des peines de prison allant de 9 à 13 ans. Deux ans après le référendum d’indépendance du 1er octobre 2017, les dirigeants catalans ont été jugés pour sédition, malversation de fonds publics et désobéissance. De grandes manifestations ont alors suivi dans les rues de Barcelone pour contester ces lourdes sanctions. Manifestations, pour certaines, bien plus violentes que celles connues par la région ces dernières années. Les réseaux sociaux ont également servi de base d’organisation et de coordination, notamment à travers la plateforme « Tsunami démocratique » sur Telegram.
Chili
Les premières manifestations ont débuté le 18 octobre suite à l’annonce de l’augmentation de 3,75 % du prix du ticket de métro. Ce fut le catalyseur d’un mouvement social aux revendications beaucoup plus larges. Les inégalités du pays et la politique libérale du gouvernement depuis plus de 30 ans font l’objet de grands rassemblements. Dans un premier temps, le pouvoir les a violemment réprimés (18 morts, dont un enfant de quatre ans).
Le président, Sebastián Piñera, s’est excusé pour cette dure répression et a annoncé des mesures sociales le 22 octobre. Malgré ça, les manifestations continuent, les Chiliens jugeant ces réformes non suffisantes et réclamant la démission de la classe politique au pouvoir.
Vendredi 25 octobre, plus de 800 000 personnes sont descendues dans les rues de Santiago.
Dans le reste du monde
– Moscou (Russie) : en août, des rassemblements ont eu lieu pour exiger des élections équitables.
– Le Caire (Égypte) : en septembre, les manifestants prônaient le départ du général al-Sissi.
– Quito (Équateur) : début octobre, manifestations menées par des dirigeants indigènes contre les réformes économiques.
– Bolivie : Evo Morales est accusé de manipulation dans les élections présidentielles, poussant la population à descendre massivement dans les rues mi-octobre.
On peut également rappeler le mouvement des Gilets jaunes en France, ou bien les manifestations étudiantes en Indonésie. Sans oublier les nombreuses manifestations « mondialisées ». Les marches pour le climat, par exemple, que vous pouvez retrouver sur notre carte sur le réchauffement climatique.
Conclusion
Qu’ont en commun toutes ces manifestations ? Tout et rien à la fois. À chaque pays, ses propres problèmes et revendications. Néanmoins, on note une hostilité générale envers les classes politiques au pouvoir. Les manifestants déplorent le manque de démocratie (que le régime soit démocratique ou non), ou bien ils se battent pour garder ce « privilège » (comme à Hong Kong). Ils déplorent parfois des situations économiques alarmantes. De façon générale également, ces manifestations débutent sur des éléments bien précis et parfois mineurs (augmentation de 3,75 % du prix du ticket de métro au Chili) pour déboucher sur des revendications plus profondes et beaucoup plus larges. La présence d’un élément catalyseur est commune. Les réseaux sociaux et les jeunes générations sont également au cœur de ces nombreuses manifestations.
Date de rédaction de l’article : 29 octobre 2019 (certaines manifestations/revendications ont pu évoluer depuis).
Pour approfondir l’analyse
https://podcasts.apple.com/fr/podcast/g%C3%A9opolitique/id115156820?i=1000454420586
https://www.nytimes.com/2019/10/23/world/middleeast/global-protests.html
Sources