Comme chaque semaine, Stéphan Bourcieu, Directeur Général de BSB, décrypte une actualité mondiale pour te permettre d’enrichir tes copies d’ESH ou d’HGG !
Pour cette 4e édition, on s’intéresse au vin ! Et si tu souhaites recevoir l’actu en priorité, inscris-toi sur le formulaire en bas de l’article !
Le vin au centre du commerce mondial
On dit que le vin délie les langues. En matière de commerce mondial, il aurait plutôt tendance à échauffer les esprits si vous voulez mon avis. J’en veux pour preuve la situation tendue entre la Chine et l’Australie.
Depuis le 28 novembre, les importations de vins australiens en Chine sont en effet soumises à des surtaxes comprises entre 107,1% et 212,1%. Ces sanctions douanières marquent une escalade dans la querelle australo-chinoise. En avril 2020 déjà, Pékin avait menacé les producteurs de vins australiens d’un boycott par les consommateurs chinois. Officiellement, la Chine proteste contre les subventions gouvernementales australiennes qui leur donneraient un avantage injustifié par rapport aux vins chinois. Le ministre australien du Commerce, Simon Birmingham, rejette toute allégation selon laquelle « le vin australien aurait fait l’objet de dumping », une pratique de concurrence déloyale consistant à vendre à l’étranger à des prix inférieurs à ceux pratiqués sur le marché national. Son homologue à l’Agriculture a indiqué que l’Australie défendra ses intérêts et utilisera toutes les voies de recours possibles via l’OMC.
Dans cette histoire, le vin n’est qu’un prétexte
Les tensions entre Canberra et Pékin ne datent pas de ces dernières semaines. Les relations ont commencé à se détériorer en 2018 quand l’Australie a exclu Huawei de la construction de son réseau 5G, au nom des Five Eyes. La crise s’est accentuée courant 2020 avec la demande d’enquête par l’Australie sur la gestion de l’épidémie de coronavirus en Chine et les prises de position sur la situation à Hong Kong.
La situation actuelle contraste avec l’embellie des dernières années. La signature d’un accord de libre-échange avec la Chine en 2015 puis la levée, en 2019, des barrières douanières sur les vins australiens importés [1] avaient permis à l’Australie de s’emparer de la première place sur le marché chinois, détrônant les vins français et chiliens. Entre 2017 et 2018, les exportations de vins australiens vers la Chine avaient augmenté de 51% pour s’établir à 648 millions d’euros, avant d’atteindre un niveau historique en 2019 à près de 760 millions d’euros.
Ces vives tensions commerciales interviennent au moment même où la Chine et l’Australie viennent, avec treize autres pays de la zone Asie-Pacifique, de signer le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP) qui a pour objectif de créer… l’une des plus grandes zones de libre-échange au monde. Le commerce mondial n’est pas à un paradoxe près !
Ce contexte n’est pas sans rappeler les sanctions douanières américaines appliquées par l’administration Trump aux vins français et européens depuis octobre 2019 [2]. Là encore, le vin n’est qu’un prétexte. En effet, l’origine du différend entre européens et américains ne se trouve pas dans les bouteilles, mais dans les aides publiques accordées par l’Union européenne à Airbus.
Quand on sait que les vins européens et les spiritueux britanniques pourraient également être un des enjeux des négociations commerciales autour du Brexit, à quelques semaines de l’échéance, on se dit que le vin est un enjeu commercial mondial et « qu’on a beau noyer sa raison dans le vin, on n’y noie pas le sujet de ses peines » (proverbe chinois).
Décidemment, même dans le domaine du vin, on devrait toujours écouter les proverbes chinois !
1. En 2018, les droits sur le vin s’élevaient à 5,6% contre 14% avant la signature de l’accord de libre-échange sino-australien.
2. La hausse de 25% des tarifs douaniers a conduit à une baisse de 15 à 20% des exportations de vins français à destination des États-Unis.