Voir le sujet de géopo ESSEC 2016 : https://major-prepa.com/
L’analyse de Patrice Gibertie : http://www.forum-commerce.com/viewtopic.php?f=9&t=12
L’analyse de Matthieu Alfré :
1. Les raisons pour lesquelles le sujet pouvait être attendu
Plusieurs raisons pouvaient se conjuguer pour rendre le sujet prévisible. D’une part, il fait partie de l’actualité brûlante à double titre. Depuis la crise de 2008, la construction Européenne est sous le feu des critiques pour des raisons économiques (manque de compétitivité de l’euro), politiques (déficit démocratique des institutions) ou sociale (absorption des vagues migratoires). Ensuite, la zone méditerranéenne n’était pas en reste puisque, par exemple, les tentatives de migration légale ou clandestine constituent un enjeu géopolitique fondamental aujourd’hui. D’autre part, le sujet permet d’apprécier la capacité des candidats à prendre du recul. Recul historique puisqu’il remonte aux sources mêmes de la construction de la construction Européenne. Recul géographique puisqu’il fait appel à 3 zones fondamentales du programme de deuxième année : l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient. Pour toutes ces raisons, le sujet pouvait servir d’excellent moyen de départager les candidats.
2. Les raisons pour lesquelles le sujet pouvait surprendre
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Cela étant, son intitulé pouvait déstabiliser les candidats. Certes, les bornes historiques n’appelaient pas de commentaire particulier. La construction européenne débutant dans les textes avec le traité de Rome de 1957 et vacille avec les menaces de sortie de son giron aujourd’hui (Grexit de 2015, Brexit de 2016). De même, les bornes géographiques n’exigeaient pas non plus de réflexion approfondie au vu de la carte fournie. Cependant, c’est la mise en relation de ces deux notions, la construction européenne et le monde méditerranéen, qui a dû provoquer le plus de difficultés. En effet, il fallait d’abord être capable de mettre à distance l’actualité la plus brûlante comme celle concernant les centaines de noyés tentant de gagner l’Europe perçue comme une terre d’asile. Et, il fallait ensuite s’attacher à déployer l’intégralité des relations qu’entretiennent ces deux mondes comme le suggéraient les excellents documents. Par exemple, sur le plan diplomatique, la construction européenne a pu peiner à jouer un rôle d’arbitre dans les conflits de sa périphérie méditerrannée : la force de l’OTAN KFOR intervient au Kosovo en 1999 sous mandat de l’ONU. Ou, sur le plan économique, les concurrences peuvent dominer les complémentarités dans les secteurs concurrentiels : le tourisme vers le Maroc est substituable à l’Espagne tandis que le textile peut être délocalisé en Tunisie plutôt qu’en France. Au demeurant, il est compréhensible que des candidats aient pu sentir un moment de solitude à la manière de leurs prédécesseurs de 2007 qui ont eu à traiter de la mer Méditerranée comme zone d’interfaces.
3. Les éléments de réponse structurés
Dans ces conditions, voici une tentative de problématisation scolaire mais efficace :
Problématique : La construction européenne est-elle déstabilisée ou renforcée par les défis que le monde méditerranéen connaît ?
I/ Face aux défis de la modernisation méditerranéenne, l’Europe a fait figure de modèle attractif.
II/ Pour autant, la construction Européenne peine à intégrer pleinement sa périphérie méditerranéenne.
III/ Ainsi, le monde méditerranéen met en question la robustesse de la construction européenne.
I.
1. Le défi politique : l’accession à l’indépendance (fin des protectorats, fin de et à la paix (stabilité politique sous l’égide de dictateurs au Maghreb, frise historique)
2. Le défi social : la gestion de la transition démographique d’une population à la culture différente (déséquilibres démographiques pour la fertilité ou les classes d’âges, texte de Morin)
3. Le défi économique : le développement économique par l’exploitation des ressources et la structuration industrielle (exploitation de ressources naturelles avec phosphate au Maroc, gaz/pétrole en Algérie, pétrole en Lybie)
II.
1. La construction européenne n’a guère de politique unifiée pour la Méditerranée (soutien aux États forts jusqu’aux Printemps arabes, intervention récurrentes des deux Grands notamment l’URSS dans les Balkans, politique européenne de sécurité et de défense tardive en 1999)
2. La construction d’une Europe de Schenghen se concentre sur les migrations internes (migrations de l’Europe du Sud vers Europe du Nord y compris Portugal pour la France ou Turquie pour l’Allemagne, politiques migratoires restrictives pour le droit d’asile ou nationalité dès les années 1970 en France)
3. En revanche, l’Europe économique vise une accélération des échanges (flux touristiques dans les îles Grecques ou les plages de la Tunisie/du Maroc ou plus récemment vers la Croatie, flux considérables en IDE dans les secteurs des matières premières ou de l’énergie, ventes de conseil comme dans les services financiers) ou une intégration rapide (Hétérogénéité économique de la zone euro liée aux pays d’Europe méditerranéens comme la Grèce)
III.
1. La problématique politico-militaire posée à l’Europe (problématique de démocratisation suite aux instabilités des Printemps Arabes avec des réussites contrastées comme en Tunisie ou en Egypte, problématique de pacification en Syrie ou reconstruction en Lybie depuis 2013)
2. L’enjeu migratoire qui met la pression selon les intérêts nationaux (intérêt économique et démographique d’accueillir des migrants dynamiques pour les 80M d’habitants de l’Allemagne vieillissante, danger de populisme en Europe comme le montrent les élections en Autriche capitalisant sur la gestion inefficace des frontières par Frontex ou des flux de réfugiés par les pays)
3. L’intérêt économique national recommence à prévaloir dans les défis (renforcement militaire des capacités au Moyen-Orient avec les ventes d’avions Rafale en Egypte françaises, négociations budgétaires serrées pour les fonds de convergence ou tensions monétaires autour du QE de la BCE pour relancer le crédit)
Conclusion :
Hier encore, la construction européenne se voulait bien consciente du besoin d’intégrer sa périphérie méditerranéenne. C’était en effet la raison d’être proclamée de l’initiative du partenariat Euro-méditerranéen de 2007. Pour autant, même avant la crise économique et politique qu’elle traverse, l’Europe n’a pas su déployer cette initiative avec les pays voisins. Aujourd’hui, les défis politiques, sociaux et économiques de la zone Méditerranéenne ne peuvent plus être relégués hors du champ de la construction de l’Europe. C’est donc en renouant avec la “mare nostrum” des Romains, sans domination mais avec coopération, que l’Europe saura faire durer encore sa construction.
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Matthieu ALFRE
Ancien élève du Lycée Kléber de Strasbourg, Matthieu Alfré est aussi titulaire de trois diplômes de master : HEC Paris, Sciences Po Paris et la Sorbonne. Au terme de ses études, il part autour du monde en solitaire pendant deux ans dans le cadre du projet « Faire de sa vie une aventure ». Aujourd’hui, il a fait le choix de se consacrer à ses passions qui sont l’éducation et l’aventure.