Fortes d’une absence quasi totale de concurrence internationale, les entreprises chinoises du numérique ont su monter en puissance, jusqu’à dominer complètement le marché chinois. Elles ont par ailleurs bénéficié d’une marge de manœuvre considérable de la part du Parti communiste chinois pendant des années. Cependant, depuis quelques mois, ce dernier resserre les boulons dans le domaine du numérique. De grandes entreprises telles que Tencent, Didi ou Alibaba payent grandement les frais de cette nouvelle posture, visant les entreprises mais également le contenu.
La stabilité financière et le respect de la concurrence
Le point de départ : l’annulation en dernière minute de l’introduction en Bourse d’Ant, une filiale d’Alibaba, en novembre 2020. Un des arguments avancés était celui du maintien de la stabilité financière du pays. Ant pourrait, grâce aux données récoltées par Alibaba, proposer des services bancaires qui ne répondraient pas aux mêmes exigences que les banques traditionnelles. Mais plus récemment, en avril 2021, Alibaba a été condamné à une amende record de 2,8 milliards de dollars pour abus de position dominante. Dans son élan pour réduire les pratiques monopolistiques du secteur de la tech, le PCC a demandé à 34 grandes sociétés technologiques chinoises, dont Tencent et ByteDance, de revoir leur fonctionnement en profondeur.
Dimension géopolitique : la corde sensible du transfert des données à l’étranger
De nouvelles lois ont été proposées par l’Administration chinoise du cyberespace en août. Elles portent sur la sécurité des données et la protection des informations personnelles, rappelant ainsi le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en vigueur en Europe depuis 2018. Seulement, les règles chinoises sont plus sévères sur un point : le transfert des données à l’étranger. Cela illustre un profond sentiment de méfiance de la Chine, qui souhaite se déconnecter de l’Occident.
Cette offensive n’est évidemment pas sans lien avec la montée des tensions avec les États-Unis. Ce sont principalement les entreprises qui y sont cotées, ou qui ont pour projet de l’être, qui sont dans le collimateur.
Étude de cas : Didi
L’application de taxi Didi Chuxing, le « Uber chinois », est l’exemple le plus éloquent de ce tour de vis. Un jour seulement après son entrée à la Bourse de New York en juin dernier, les autorités financières de Pékin ont ouvert une enquête pour violation des règles du cyberespace. Dans les jours qui ont suivi, l’enregistrement de nouveaux utilisateurs a été suspendu, puis l’AppStore a été contraint à supprimer l’application Didi.
Première raison : l’entreprise contrôle environ 90 % du marché des courses partagées en Chine. Deuxième raison : deux actionnaires étrangers sont impliqués dans l’entreprise, la société japonaise SoftBank et l’américaine Uber. Or, dans la bataille technologique que se livrent les États-Unis et la Chine, cette dernière ne peut permettre que des données concernant ses citoyens tombent dans des mains étrangères, encore moins américaines.
Tu peux utiliser cet exemple pour démontrer plusieurs points dans une dissertation. Il peut servir à illustrer la guerre technologique sino-américaine, en montrant l’inévitable implication des entreprises privées. L’exemple de Didi peut également te servir dans un sujet sur les nouveaux enjeux du cyberespace, afin de démontrer le lien entre les datas et la sécurité nationale. Je te renvoie vers notre article qui te permettra de réaliser une superbe étude de cas.
Les algorithmes de recommandation dans le viseur
Ces nouvelles mesures visent non seulement les entreprises et l’exportation de leurs capitaux, mais également le contenu diffusé sur les différentes plateformes. Pour ce faire, l’Administration du cyberespace a mis en place une régulation concernant les algorithmes de recommandation. Ils permettent à des sociétés telles qu’Amazon ou Alibaba de cibler les internautes avec des offres qui leur correspondent. Ces algorithmes doivent maintenant être enregistrés auprès des régulateurs, respecter les « valeurs mainstream » et « diffuser activement une énergie positive ». C’est une mesure à double tranchant. D’un côté, les citoyens chinois se voient offrir une protection vis-à-vis des grandes entreprises et de certaines mesures abusives. D’un autre côté, cette harmonisation des normes accroît le pouvoir de contrôle, et potentiellement la capacité d’espionnage du gouvernement chinois envers ses propres ressortissants.
Les conséquences en quelques chiffres
Inévitablement, les résultats de ces entreprises décrochent. Les investisseurs sont inquiets, les cours en Bourse chutent. Les pertes s’élèvent à plusieurs milliards de dollars pour les fondateurs. Selon le Financial Times, les 24 milliardaires concernés auraient perdu, au total, 87 milliards de dollars depuis juillet. Le fondateur du géant chinois de l’e-commerce Pinduoduo a perdu un tiers de sa fortune, tandis que l’action Tencent a dégringolé de 19 %.
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De nouveaux secteurs visés
Après le numérique, le gouvernement chinois s’attaque désormais aux acteurs privés de l’éducation. Ceux-ci ne peuvent plus lever de fonds à l’étranger, et doivent être enregistrés en tant qu’organismes à but non lucratif. D’autres secteurs vont probablement suivre, ce qui invite certains à parler d’une « Révolution culturelle 2.0 ». Pour en savoir plus, consulte cet article !