latin

Que tu sois en khâgne A/L ou B/L, tu passeras peut-être les épreuves orales de latin à l’ENS Lyon ou pour Ulm. Pour les réussir, il est indispensable de connaître des éléments clés sur la vie et l’œuvre des grands auteurs latins. Aujourd’hui, nous te proposons d’en apprendre plus sur l’un des plus célèbres d’entre eux : Cicéron !

Des débuts au consulat

Cicéron, un orateur de talent

Né en 106 av. J.-C. dans le Latium, Marcus Tullius Cicero suit un cursus honorum. Fait insolite, Cicero, qui signifie « pois chiche », lui est attribué en raison de la présence d’une verrue sur son visage, à laquelle il doit son surnom. On peut en parler comme d’un homo novus, puisqu’aucun de ses aïeuls n’a eu de charge élective.

Au début de sa carrière, Cicéron veut s’affirmer comme un « consul populaire ». Selon le latiniste Jacques Gaillard, on peut considérer qu’il allie l’esprit sénatorial des optimates (courant politique conservateur) avec l’esprit de réforme des populares (courant politique plus proche du peuple, parfois désigné comme « populiste »).

Avant de devenir consul en 63 av. J.-C., il est un avocat réputé pour ses discours. Les Verrines, prononcés en 70 av. J.-C., constituent son premier succès. Il y dénonce l’influent magistrat romain Verres, accusé d’abus de pouvoir, de détournement de fonds et de vol d’œuvres d’art. Alors même que ces pratiques n’ont rien d’exceptionnel pour l’époque, le préteur malhonnête fait face à un accusateur exceptionnel. Finalement, Verres n’attend même pas le verdict du procès qu’il sait perdu et quitte Rome pour se réfugier à Marseille.

Le consulat et l’affaire Catilina

Pendant son consulat, Cicéron s’impose de nouveau comme un orateur de talent. On l’informe que Catilina, sénateur ruiné originaire d’une bonne famille, fomente un complot pour faire chuter les institutions. Les Catilinaires dénoncent avec virulence cette conjuration.

Face au Sénat romain, Cicéron interpelle son adversaire avec virulence : « Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? » (« Jusqu’à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ? »). Il demande ensuite la mise à mort de Catilina et de ses complices dans son dernier discours. Les troupes de la conjuration sont écrasées peu de temps après à la bataille de Pistoia.

Tableau de Cesare Maccari, « Cicero Catilinam Denunciat » (Cicéron dénonce Catilina), peint entre 1882 et 1888.
Ce tableau de Cesare Maccari, « Cicero Catilinam Denunciat » (Cicéron dénonce Catilina), peint entre 1882 et 1888, représente le procès de Catilina par Cicéron, également appelé la « conjuration de Catilina ». Il s’agit d’une fresque exposée au Palais Madame à Rome.

Par la suite, ce coup d’éclat permet à Cicéron de se présenter en défenseur de la Ville. La publication des Catilinaires donne à voir le pouvoir de l’orator qui sauve la République du periculum (danger). En effet, ce dernier implore la classe politique divisée de faire preuve de concordia ordinum pour préserver les institutions. À la suite de cet épisode, on érige Cicéron en « père de la patrie ».

L’orateur se fait philosophe

Rapidement, le pouvoir politique de Cicéron faiblit. En réalité, il reposait essentiellement sur son ethos d’orateur et son éloquence. Il ne fait désormais plus le poids face à la coalition des populares, parmi lesquels figure Jules César. Accusé d’avoir fait exécuter Catilina dans un procès irrégulier, Cicéron doit prendre la fuite en 58 av. J.-C.

Cette période d’exil est l’occasion pour Cicéron d’écrire des théories philosophiques. Proprement latines, celles-ci ne seraient pas simplement des traductions d’écrits grecs. Il y est par exemple question de la beauté de l’éloquence qui permet de parler copiose (avec abondance) et ornate (ornement).

Se pose en outre la question du support. La philosophie peut par exemple passer par la maxime poétique, le traité didactique ou encore la lettre. Cicéron opte pour le dialogue, qui permet de mettre en scène une discussion et de dépasser le simple exposé dogmatique. L’auteur est également attaché au platonisme. C’est à travers la discussion par le pour et le contre qu’émerge une théorie nouvelle.

Il propose sa vision globale des rapports entre culture, action et politique dans le cadre d’une cité dont les institutions et les mœurs sont en crise. Entre 55 et 51 av. J.-C., il écrit trois textes particulièrement célèbres :

  • De oratore (De l’orateur) ;
  • De republica (De la République) ;
  • De legibus (Des lois).

« De oratore », une œuvre majeure

Loin d’être un traité de rhétorique, De oratore ne s’intéresse pas à l’éloquence comme technique, mais à l’orateur comme personne. Y sont définies point par point des exigences méthodiques, culturelles et morales. Cicéron souligne également le pouvoir de l’orateur qui est un artisan du langage, dont le pouvoir sur les consciences et sur la cité est grand.

Différents personnages dialoguent, parmi lesquels Crassus qui reçoit les autres chez lui. Ce dernier doit lutter contre le démagogue Philippus qui met la cité en péril. Les éléments rhétoriques développés et la situation d’énonciation concourent tous les deux à prouver l’importance de la rhétorique.

Cicéron présente l’art oratoire comme une discipline difficile et exigeante du fait du pouvoir qu’elle donne à l’orateur. L’éloquence implique de posséder certaines connaissances essentielles :

  • une culture approfondie et méditée ;
  • une connaissance du cœur humain ;
  • la maîtrise de la théorie du discours qui doit delectare ou placere (plaire), movere (émouvoir) et docere (enseigner).

De la dictature à la chute de César

Alors que Cicéron est en exil, la situation politique romaine empire. La rivalité entre les conservateurs pro-Sénat, menés par Pompée, et les populares modernisateurs, menés par César, s’était légèrement amoindrie à partir de 61 av. J.-C., puisque les deux hommes, alliés à Crassus, formaient le premier triumvirat (une alliance politique). Les tensions reprennent à la mort dudit Crassus en 53 av. J.-C. Après la campagne victorieuse de César en Gaule, la guerre civile semble imminente, puisque le leader des populares a le contrôle d’une armée.

À la même époque, Cicéron rentre à Rome. Il nous est possible de connaître ses opinions sur les actualités politiques et les activités de ses contemporains en lisant Ad Familiares ou Lettres à Atticus, des correspondances où il s’exprime plus ouvertement auprès de ses proches. Jacques Gaillard en parle comme d’un « journal des temps difficiles ».

Cicéron n’est pas en accord politique avec César qui se place en opposition au Sénat. La dictature césarienne n’est pas une période facile pour l’auteur du De Oratore. Il n’est pas mécontent lorsque César est assassiné aux ides de mars en 44 av. J.-C.

Un projet philosophique qui se poursuit pendant les temps difficiles

En dépit de l’époque troublée, Cicéron continue d’écrire. Son objectif est de repenser la philosophie grecque à la lumière des réalités romaines. Les personnages qui échangent dans les dialogues sont Romains et ils argumentent en grande partie à l’aide d’exempla historica (des événements ou des personnages reprenant les hauts faits de l’histoire romaine). Cicéron semble préférer aux spéculations théoriciennes une méditation qui implique des conduites, des choix et des valeurs à travers une philosophie parfois décrite comme « concrète ».

On peut citer De finibus bonorum et malorum (Des suprêmes biens et des suprêmes maux) publié vers 45 av. J.-C. Au-delà de la question a priori très théorique du « souverain bien », Cicéron y traite des différents courants des écoles philosophiques, notamment de l’épicurisme et stoïcisme. Aux épicuriens, il reproche leur philosophie du plaisir au nom des mores (morale). Il juge la rigueur stoïcienne dogmatique et déconnectée du réel.

Pour finir, dans ses œuvres plus tardives comme les Académiques et Tusculanes, Cicéron évolue de disputationes (dialogues) en véritables conférences. En effet, l’auteur se présente comme un véritable orator réalisant de plus longs discours fonctionnant par dialogisme. Il n’y a pas réellement d’interlocuteur et Cicéron formule lui-même des objections.

Philippiques, sa dernière œuvre

Avec Philippiques, prononcés entre septembre 44 et avril 43 av. J.-C, Cicéron semble retrouver le souffle des Catilinaires. Alors même qu’il n’a plus de charge institutionnelle et n’a pour lui que son rang sénatorial et son prestige consulaire, Cicéron entend être la conscience de la République pour organiser la résistance face à Marc Antoine.

Finalement menacé par le triumvirat que ce dernier forme avec Octave et Lépide, Cicéron fuit Rome pour son domaine de Tusculum. Mais il n’est pas pour autant en sécurité, Marc Antoine lui en veut d’avoir fait voter son exil et lui tient rigueur de ses propos dans les Philippiques. Cicéron décide de rejoindre la Macédoine, où l’attend son ami Brutus qui a assassiné César.

D’après l’historienne Joëlle Chevé, sa fuite en bateau est interrompue, car Cicéron souffre du mal de mer. Il décide donc de se reposer un temps dans son domaine de Gaète. Il est finalement rattrapé et tué par des séides de Marc Antoine.

Tu es à présent incollable sur la vie et l’œuvre de Cicéron ! On parle ici d’un des auteurs les plus célèbres du panthéon littéraire latin, le jury ne tolérera pas que tu n’aies pas d’éléments de contexte lors de ton passage à l’oral. N’hésite donc pas à mobiliser ces connaissances pour nourrir l’introduction ou le développement de ton commentaire de texte le jour de l’épreuve ! Pense aussi à relire nos conseils pour réussir ta traduction le jour J !