Voici une fiche d’histoire sur la Chine maoïste entre 1953 et 1973. Alors que la Chine prend son essor et s’éloigne du grand frère soviétique, les difficultés économiques et sociales demeurent importantes.
I. Le temps du « modèle soviétique » (1953-1958)
1. Des réformes sous l’aile du « grand frère »
Il s’agit, avec l’aide soviétique, d’instaurer « un programme général de transition vers le socialisme » par un plan quinquennal de 1953 à 1958. Les investissements se concentrent alors vers l’industrie à presque 60 % (contre 20 % pour les transports et 8 % pour l’agriculture). L’accent est mis sur l’industrie lourde et les grands projets (complexes sidérurgiques, barrages, etc.).
Les rapports officiels montrent de bons résultats : croissance de l’industrie lourde (production d’acier multipliée par cinq) et diversification. La Mandchourie reste le principal site industriel, mais le développement des transports permet un désenclavement. Les progrès agraires sont faibles. La production céréalière peine à croître, alors que la population ne cesse d’augmenter (taux d’accroissement naturel de 2,3 %).
2. Mao met en place le socialisme en Chine à travers la collectivisation et la nationalisation
Il s’agit également d’arriver à un système entièrement socialiste. À partir de 1955-1956, les entreprises sont nationalisées et la collectivisation mise en place. Alors que 40 % de la production industrielle était issue du secteur privé en 1954, elle est quasi nulle en 1956. Les paysans sont réticents à se regrouper en coopératives. Une réforme en 1953 pour une « agriculture organisée » ne concerne que 7 % des familles.
Puis, Mao lance une campagne de masse jusqu’à ce qu’il y en ait presque 120 millions en coopératives fin 1953. La fidélité au modèle soviétique dans le domaine politique s’illustre par une nouvelle constitution en septembre 1954. Le système repose sur le dualisme État/Parti, même s’il existe un multipartisme de façade. En réalité, le Parti contrôle soit à tous les échelons de l’État, soit par des organismes contrôlés (armée, syndicats).
3. Les campagnes de masse continuent la transformation idéologique de la société
Le Parti fonctionne selon le principe de centralisme démocratique, mais les dirigeants font souvent des campagnes de masse. Celles-ci ont pour objectif d’éradiquer les ennemis du parti ou d’imposer une politique.
C’est ainsi qu’est lancée au printemps 1956 la campagne des Cent Fleurs pour rallier les intellectuels au régime. Avec le dégel est lancée une campagne de rectification en avril 1957 contre la bureaucratie, le sectarisme et le subjectivisme, suscitant de vives critiques, voire une remise en cause du socialisme en Chine. Face à ce mouvement, le Parti envoie les intellectuels se faire « rééduquer » dans des petits villages.
II. La « voie chinoise » vers le socialisme (1958-1965)
1. Le Grand Bond en avant correspond à une rupture avec le grand frère soviétique
Début 1958, Mao abandonne le modèle soviétique pour un socialisme chinois via le Grand Bond en avant. Il s’agit de rattraper le retard industriel en compensant le manque de capitaux par l’emploi du potentiel de la main-d’œuvre rurale, « Marcher sur les deux jambes ».
Dès lors, la nouvelle base de la société communiste prend la forme de communes populaires qui vivent en autosuffisance industrielle. De même, elles remplacent l’administration locale dans l’éducation, la santé, le militaire. Un tel communautarisme s’étend aux entreprises, mais est difficile à mettre en place.
2. Il s’agit cependant d’un échec retentissant pour Mao
Mais c’est un échec, et ce dès l’été 1959, pour quatre raisons : catastrophes naturelles (typhons, sécheresse…), erreurs techniques (trop de défrichement entraîne érosion, remontées de sel), défaillance à cause de l’incompétence des cadres locaux et retrait des techniciens soviétiques à l’été 1960.
Ainsi, en 1960-1961, une famine provoque 10 à 15 millions de morts. Il s’agit donc de prendre des mesures de redressement : réduction de la taille des communes, contrôle des naissances, priorité des investissements à l’agriculture et l’industrie légère de consommation.
En 1963, un retour au niveau de vie de 1957 se produit, et malgré le départ des Soviétiques, quelques succès sont à noter, notamment avec l’exploitation pétrolière de Daqing et la bombe atomique en 1964.
3. Cet échec est un échec personnel pour Mao Zedong
Dès lors, des tensions au sein du Parti sont révélées, mais elles étaient déjà présentes avec la collectivisation et la campagne des Cent Fleurs. Il y a notamment contre Mao ceux favorables au modèle soviétique (et donc hostiles au Grand Bond en avant), avec Liu Shaoqi ou encore Deng Xiaoping.
Mao semble garder son influence dans le parti, même s’il doit démissionner de la présidence en avril 1959. Les critiques du Grand Bond en avant ne l’empêchent pas de remplacer son adversaire, Peng Dehuaï, par un de ses proches, Lin Biao.
Durant l’été 1963, il obtient du parti de relancer une campagne, le « Mouvement d’éducation socialiste », pour relancer la mobilisation révolutionnaire. Il s’appuie sur l’armée, qui diffuse le Petit livre rouge (1964), et sur la jeunesse intellectuelle et universitaire.
III. La Révolution culturelle à partir de 1965
1. Les débuts de la Révolution culturelle
La Révolution culturelle commence en 1965. S’appuyant sur la jeunesse comme « gardes rouges », elle vise à mobiliser la population par des manifestations. Elle est déclenchée par la publication d’un ouvrage critiquant ouvertement la destitution de Peng Dehuai.
Mao, reprenant le pouvoir au Comité central avec Lin Biao, permet, en août 1966, la production d’une charte de la Révolution culturelle. Il s’agit de lutter contre le révisionnisme, faire confiance aux masses et diffuser le maoïsme. Le mouvement se répand dans le pays en particulier dans les grands centres industriels, où des affrontements ont lieu : Shanghai en décembre 1966 et février 1967.
2. Cette révolution introduit des divergences politiques au sein du parti
Malgré une intervention armée en janvier 1967, la remise en ordre ne commence qu’à l’automne. Des Comités révolutionnaires sont créés, remplaçant le pouvoir local, formés par des gardes rouges, des « bons cadres » et l’armée. L’exclusion de Liu Shaoqi du parti marque la victoire définitive de Mao.
Dès lors, la Révolution culturelle laisse place à de nouvelles bases énoncées lors du IXᵉ Congrès du Parti en avril 1969. Le Parti semble alors dominé par Lin Biao, dauphin de Mao, mais leurs divergences posent la question de sa succession. Mao et Lin Biao divergent sur les questions de politique extérieure, de développement économique et de construction du Parti.
Cela se traduit par la mort de Lin Biao dans un « accident d’avion », alors qu’il fuyait en URSS en 1971. Dès lors, on assiste au repli de l’armée, concrétisé au Xᵉ Congrès du PCC en 1973, qui marque le déclin militaire et le retour de Deng Xiaoping.
3. Encore une fois, cette campagne est coûteuse en vies humaines
La Révolution culturelle n’est définitivement enterrée qu’en 1977-1978. Il s’agissait d’une campagne idéologique contre l’embourgeoisement : changer les structures pour lutter contre un éventuel retour au capitalisme.
C’est donc également une lutte au sein du parti opposant ceux qui font primer la conscience politique et idéologique (Mao), à ceux qui lui préfèrent le développement, induisant des entorses à la doctrine (Liu Shaoqi, Deng Xiaoping). Des millions de familles sont déportées et emprisonnées (causant deux millions de victimes), l’activité économique est perturbée, le culte de la personnalité se développe. Pourtant, certains secteurs sont épargnés, en particulier la technologie de pointe (Bombe H en 1967).
IV. La Chine et le monde extérieur
1. La Chine s’éloigne de l’URSS et s’ouvre au tiers-monde
Si la Chine semble participer activement au mouvement des non engagés (Conférence de Genève en 1954, de Bandung en 1955, visites de Zhou Enlai dans les pays dits neutres), elle garde des relations privilégiées avec l’URSS jusqu’à la rupture.
Du Grand Bond en avant jusqu’à la Révolution culturelle (1958-1966), la politique extérieure chinoise est alors marquée par un certain pragmatisme. C’est un pays isolé du camp socialiste et alors qu’il semblait se replier vers le tiers-monde, une guerre contre l’Inde (1962), suivie d’un rapprochement du Pakistan, vient mettre un coup d’arrêt à l’ouverture tiers-mondiste.
2. La Chine prend son essor dans un contexte de guerre froide
Par ailleurs, la Chine se tourne vers l’Afrique en pleine décolonisation, dont un bon exemple est le voyage de Zhou Enlai en 1963-1964, donnant lieu à des accords économiques. Enfin, du côté occidental, la seule avancée est la reconnaissance par la France en 1964.
Dès lors, avec le succès de la bombe atomique, la Chine se pense comme le seul adversaire de l’impérialisme américain et tente de se procurer des zones d’influence (soutien au PMO et en Érythrée, coup d’œil sur la révolution en Indonésie et au Vietnam). Mais elle n’en a ni les moyens militaires ni les moyens financiers. La Révolution culturelle cause un net repli dans la politique extérieure. Alors que le climat international est critique avec la guerre du Vietnam, le soutien chinois au Vietnam Nord n’est pas comparable à celui pour la Guerre de Corée.
3. La RPC est réintroduite sur la scène internationale
Mais avec l’explosion de la bombe atomique en 1967 et les graves incidents frontaliers avec l’URSS en 1969 se pose la question de l’appui à la Chine. Ainsi, dès 1970, la Chine normalise les relations avec l’Italie, la Yougoslavie et le Canada. Elle est admise à l’ONU en 1971 (remplaçant Taïwan) et membre permanent du Conseil de Sécurité.
Si les relations avec les États-Unis étaient d’abord tendues du fait de la guerre du Vietnam, elles se normalisent en 1971, se traduisant par une visite de Kissinger à Pékin, puis de Nixon (février 1972). Au monde bipolaire, la Chine oppose le modèle des « trois mondes ».
Cet article marque la fin de notre triptyque dédié à l’histoire politique, économique et sociale de la Chine du XXᵉ siècle ! Nous espérons que cette série t’a plu et t’a été utile ! Pour davantage d’articles de ce type, n’hésite pas à consulter notre rubrique dédiée aux prépas littéraires juste ici !