love jihad et nationalisme hindou

Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver dans ce 4ème épisode de “L’Accroche”, la série de podcast de Major-Prépa qui décrypte des curiosités historiques ou géographiques pour te donner de supers accroches à intégrer dans tes copies d’ESH, d’HGG et de CG. Pour continuer la série, je te propose une plongée dans les affres du nationalisme hindou avec la découverte d’un concept carrément disruptif : le Love Djihad…

Une radicalisation du nationalisme hindou

Fin 2020, l’Uttar Pradesh, dirigé par le BJP, le parti nationaliste du président Narendra Modi (arrivé au pouvoir en 2014), a criminalisé les mariages inter-religieux entre hindous et musulmans. Le prétexte ? Ces mariages ne seraient qu’un moyen pour les musulmans de forcer des hindous, notamment des jeunes femmes (qui comme chacun sait sont incapable de décider elle-même de qui elles veulent épouser, même à 25 ans), à se convertir à l’Islam.

Le nom de cette menace fantasmée par le gouvernement nationaliste ? Le Love Jihad. Ça sonne à moitié menaçant, à moitié blagueur, mais les autorités indiennes prennent très au sérieux ces mariages. Des manifestations pacifistes contre cette loi ont été réprimées dans le sang, faisant plusieurs morts, et deux cadres de Netflix ont été attaqués en justice par des États indiens pour avoir participé à la réalisation de la série Un garçon convenable, qui raconte l’histoire d’un amour contrarié entre une hindoue et un musulman dans les années 60s. Si on devait attaquer en justice toutes les séries qu’on aime pas trop j’aurais déjà collé un procès aux producteurs de Riverdale mais le sujet n’est pas là. Le problème est évidemment la présentation romantique d’une telle relation, intenable pour les nationalistes hindous fondamentalistes : une véritable apologie du Love Jihad…

En 2019, une loi sur la nationalité discriminant les musulmans avait déjà causé de grandes manifestations dans le pays.

Un garçon convenable

Un passif historique très lourd

Cette opposition entre hindous et musulmans n’est évidemment pas apparue en 2014. Elle est au contraire ancrée depuis des siècles dans l’histoire d’un pays où 14% de la population est musulmane.

Au XVIème siècle, l’empire Moghol (dirigé par des princes musulmans) domine politiquement l’Inde et une grande partie de l’Asie centrale. Une première division entre les dominateurs musulmans et les opprimés, les hindous, se fait. Cette division se durcit lors de la colonisation indienne par les Britanniques, dès le milieu du XVIIIème siècle. Les Britanniques soutiennent alors la Ligue musulmane, devenue minoritaire, dans une manœuvre classique de la période coloniale : soutenir et armer une minorité que l’on peut facilement contrôler, et qui elle-même se montrera loyale et se battra pour les colons en pensant aussi se battre pour elle-même. Les Sikhs, au nombre aujourd’hui de 20 millions en Inde, sont particulièrement soutenus et deviennent les soldats des colons.

Dès 1920, les musulmans manifestent en Inde contre le démantèlement de l’Empire Ottoman. Les hindous en sont des victimes collatérales, et développent malgré leur situation largement majoritaire un sentiment d’inquiétude.

Lors de l’indépendance et de la partition de l’Inde entre l’Inde actuelle (hindoue) et le Pakistan (musulman) en 1947, la violence contenue explose. Gandhi est assassiné en 1948 par un extrémiste hindou qui lui reprochait de ne pas être assez dur avec les musulmans. Le mouvement dont il est originaire, le RSS, crée alors un parti politique nationaliste hindou, le BJS, qui deviendra le BJP, organisation quasi para-militaire, au pouvoir depuis 2014.

En 1992, la destruction de la mosquée d’Ayodhya entraîne des émeutes dans le pays : 2000 personnes, en majorité musulmanes, perdent la vie. En 2002, un pogrom anti-musulmans au Gujarat fait 2000 morts environ ; la police reçoit l’ordre de ne pas intervenir. Le niveau de violence est inédit depuis 1947.

En 2008, Mumbai est le théâtre de 10 attaques terroristes islamistes organisées depuis le Pakistan par des organisations terroristes. L’attentat fait grand bruit : de nombreux morts hindous, Juifs, des personnalités étrangères sont à déplorer.

La situation particulière des Sikhs

Les Sikhs, eux, demandent et obtiennent leur propre état en 1966 (le Haryana). Mais ils y sont de moins en moins majoritaires et le nationalisme sikh est renforcé. En 1984, un groupe d’extrémistes sikhs armés se réfugie dans le temple d’or, haut lieu du sikhisme. Une fusillade éclatera entre les soldats de l’armée et les sikhs retranchés, faisant de nombreux morts. Cet évènement a probablement été décisif dans le processus d’assassinat, la même année, de la Première Ministre Indira Gandhi par son garde du corps sikh. Les émeutes qui s’en suivront causeront des milliers de morts et réveilleront les vélléités du nationalisme hindou. En 2004 cependant, suite à un apaisement des relations, un Premier Ministre sikh (Manmohan Singh) sera élu. Il est d’autant plus désolant de voir que le pays, avec des concepts comme le “Love Jihad”, n’est pas parvenu à dépasser pleinement les fractures et replonge dans le nationalisme hindou.

Cette anecdote peut t’être utile pour introduire ou développer de nombreux sujets sur l’Inde, le nationalisme hindou, les violences religieuses, les héritages de la colonisation, le Love Jihad et bien d’autres. Quant à nous, on se retrouve très bientôt dans le prochain épisode !