travail

Viser la joie… Être fier de soi… Voilà des objectifs au cœur des préoccupations actuelles ! Dans cet article, Major-Prépa te propose de voir comment le travail peut se muer en un outil indispensable afin d’atteindre cet état tant recherché.

Si tu n’as pas encore consulté notre introduction au thème du travail, c’est ici

S’éloigner de la triste indolence

« Il n’y a vraie joie dans le repos, le loisir, que si le travail joyeux le précède. » André Gide, Journal (1889-1939) 

« Tous les obstacles furent vaincus par un travail acharné. » (Virgile, Les Géorgiques, I). La nostalgie du paradis perdu serait vaine tant les exigences des hommes ne pourraient, malgré les discours parfois entendus, s’accommoder du repos. Et pour cause, comme le rappelle Virgile, le roi des dieux a fait du travail une chose très nécessaire afin d’éviter que son empire ne chavire et sombre dans une paresse maladive. Une « triste indolence » qui serait synonyme de mort de la force de vie jaillissant du travail des hommes.

Puisque « tout homme qui n’accepte pas les conditions de la vie vend son âme », selon Charles Baudelaire dans Le Haschisch (1860), peut-être revient-il à l’homme d’accepter des conditions parfois difficiles, afin de sublimer son œuvre et ainsi tendre vers la joie et la fierté. 

Le travail semble ouvrir la porte à la joie et à la fierté

« Heureux l’homme des champs, s’il connaît son bonheur ! / Fidèle à ses besoins, à ses travaux docile / La terre lui fournit un aliment facile. » Virgile, Les Géorgiques, II

Pour l’auteur des Géorgiques, coule dans le travail la source de joies et de fiertés multiples tant l’effort fructueux, entrant en connivence avec la notion d’accomplissement, constitue la seule véritable voie capable d’offrir à l’homme ces puissants sentiments. Ainsi, l’auteur décrit le paysan comme égal à un roi : « Avec ces richesses, il égalait, dans son âme, aux rois. »

Ce même constat est également dressé par Simone Weil : « Longtemps avant le travail en usine, j’avais appris à connaître le travail des champs […] et malgré des fatigues accablantes, j’y avais trouvé des joies pures et profondes.” Selon la philosophe du vrai, que ce soit la communion de l’homme avec la terre ingrate, ou plus tard celle de l’ouvrier avec sa machine, le travail « produit les conditions d’existence » et permet de développer fierté et joie du travail accompli.

Effectivement, même dans le monde contemporain régi par un capitalisme pervers décrit par Michel Vinaver, le travail, « oppressant » du fait de la pression apportée par la concurrence, n’en est pas moins essentiel dans la mesure où, stimulant les forces humaines, il permet ce que Benoît appelle « une aventure », et peut être l’aventure de la vie humaine vers la joie perpétuelle.

Or, c’est peut-être justement dans cette « aventure humaine » que réside la clé d’un travail heureux

Si, selon Simone Weil, « il est inévitable que le corps et l’âme souffrent », elle remarque également que « l’usine [sera] un lieu de joie » dès lors que les ouvriers parviendront à changer leur rapport au travail pour faire de leur activité, la construction d’un projet collectif et ambitieux. Métamorphosant ainsi le travail en divertissement pascalien, l’ouvrier peut alors faire de ce dernier une échappatoire au « silence éternel des espaces infinis » qui « effraie » afin de s’extraire des affres du spleen baudelairien. 

Peut-être revient-il à l’homme de métamorphoser son travail en un processus de création heureuse 

C’est ainsi que l’auteur des Géorgiques décrit la Rome antique : un pays de cocagne au printemps continu où la terre, débordante de générosité, offre à l’homme les fruits juteux et sucrés de son dur labeur. Car loin du mythe de Cocagne originel, Virgile met ici en avant la force créatrice du travail qui, éloignant l’homme des affres d’une « triste indolence », ouvre les portes d’une vie semblable à celle « que menèrent jadis les vieux Sabins ». C’est ainsi, par un travail acharné, que « grandit la vaillante Étrurie ; ainsi Rome devint la merveille du monde » (II). Ne se contentant plus seulement de cultiver, mais également de créer, bâtir et construire, le travailleur métamorphose ainsi une simple activité en un processus vertueux et créateur, dont il en est l’heureux auteur.

C’est pourquoi Simone Weil, dans ses deux lettres à Jacques Lafitte, invite chacun d’entre nous à « chercher une forme supérieure de travail mécanique où le pouvoir créateur du travailleur [aurait] un champ plus vaste que dans le travail artisanal ».

Vers une odyssée vertueuse ?

Effectivement, il y a dans la création la notion de réflexion : « Un produit ça ne se bricole pas […] ça se crée », déclare Dutot, « ça se pense », « ça s’imagine », « ça ne s’improvise pas », sous peine d’échouer et de ne pas parvenir au résultat escompté. C’est ainsi que l’homme peut éviter la torture de l’ennui et métamorphoser le vide de l’existence, guettant notamment Madame Lépine dès le début de la pièce de Vinaver, en une odyssée vertueuse. 

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Boîte à citations faisant du travail une action créatrice de bonheur 

Virgile, Les Géorgiques

Le travail bien fait apporte satisfaction et fierté. L’auteur latin est heureux de se voir réussir la mission de Mécène : « Je ne me dissimule pas en mon for intérieur combien il est difficile de vaincre mon sujet par le style et de donner du lustre à des minces objets. » (III) 

Le travail peut se métamorphoser en source d’épanouissement. Le poète reconnaît : « Un doux amour m’entraîne le long des pentes désertes du Parnasse ; il me plaît d’aller par ces cimes. »

Le travail, « [venant] à bout de tout », permet de s’émerillonner : « [Il] y a un plaisir à planter Bacchus sur l’Ismare et à vêtir d’oliviers le grand Taburne. » (II)

Simone Weil, La Condition ouvrière

La philosophe évoque notamment « la joie de manger un pain qu’on a gagné ». 

Le travail peut « élever [nos] cœurs » tant il est « enivrant d’avoir part au travail commun » : « Si nous changeons la nature des stimulants du travail […], si l’ouvrier transforme son rapport avec la machine, alors les jouissances rapides et brutales laisseront place aux joies longues et vraies. »

Vinaver, Par-dessus bord 

Le travail, lorsqu’il est le fruit d’une adhésion de l’homme, peut devenir « une expérience exaltante », selon le dramaturge français : « Ça me passionnerait de me jeter dans cette aventure-là. » (Benoît). 

Peut-être doit-il tourner autour de la recherche du bonheur, comme le remarque Olivier au deuxième mouvement : « Vous cherchez des excuses au lieu de vous occuper de votre boulot qui est d’insuffler de l’enthousiasme à vos hommes. »

In fine, si le travail semble parfois conduire à la souffrance, il peut également offrir des moments de joie et apporter un sentiment de fierté. La fierté de la tâche accomplie !