Afrique

L’Union africaine publiait en 2015 l’Agenda 2063 au nom des « peuples d’Afrique et de la diaspora » qui définit l’Afrique que nous voulons : une « Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène mondiale. » Alors, l’Union africaine a-t-elle les moyens de faire de ce vœu une réalité ? Et quel rôle a-t-elle eu dans l’émancipation et l’autonomisation de l’Afrique ?

Pour un point d’actualité sur l’Afrique, consulte notre article sur le conflit au Tigré ou celui sur les défis de l’agriculture pour le continent !

En 1963 : l’OUA pour l’unité et la solidarité des pays africains

L’Organisation de l’unité africaine naît en 1963 dans le contexte de décolonisation, sous l’impulsion du président ghanéen, Kwame Nkrumah, et de l’éthiopien, Haïlé Sélassié. L’organisation apporte dans un premier temps son soutien aux mouvements indépendantistes dans les pays encore colonisés. Elle dénonce notamment le régime d’Apartheid en Afrique du Sud.

Mais dès sa création, l’OUA est divisée. Certains sont partisans d’un « panafricanisme maximaliste » (en faveur des « États-Unis d’Afrique »). D’autres défendent un « panafricanisme minimaliste » reposant sur le principe de non-ingérence et de souveraineté étatique. Cette division est une reconduction du débat entre Europe supranationale et « Europe des patries ». Les « minimalistes», menés par le président de l’OUA, Léopold Sédar Senghor, l’emportent. L’organisation devient alors un simple cadre de concertation sans autorité supranationale.

L’UA, qui s’inspire largement de l’UE, succède à l’OUA en 2002

Dans les années 1980, le président burkinabé, Thomas Sankara, déclare que « l’OUA telle qu’elle existait ne peut pas continuer » : l’organisation est moribonde. Le Maroc la quitte d’ailleurs en 1984 pour marquer son désaccord au sujet du Sahara occidental. L’Union africaine est alors créée à Durban en 2002, succédant ainsi à l’OUA. Ce sont notamment le Libyen Khadafi et le Sénégalais Abdoulaye Wade qui contribuent à cette renaissance.

L’UA se dote d’institutions semblables à celles de l’UE : une Conférence de l’Union (le pendant africain du Conseil européen), un Conseil exécutif, un Parlement panafricain et une Commission exécutive. L’organisation panafricaine cherche désormais à promouvoir le développement et l’intégration à l’échelle du continent. Son Acte constitutif prévoit la création d’un Fonds monétaire africain (pour 2023), d’une Banque africaine d’investissement (BAI), qui pourrait voir le jour d’ici 2025, et d’une Banque centrale africaine (d’ici 2028). Un projet de monnaie commune, l’afro, est également à l’ordre du jour.

L’UA cherche également à résoudre les conflits et les situations de crise en Afrique. Elle crée à cet effet le Conseil de paix et de sécurité en 2003. Le principe de non-ingérence est remplacé par le principe de non-indifférence qui permet à l’UA de sanctionner ou suspendre des États membres. Le Mali et Madagascar en font l’expérience (en 2012 et 2009).

Une UA plus autonome et plus ambitieuse en matière d’intégration ?

L’UA semble en effet avoir pour ambition de devenir une voix influente et un véritable acteur à l’échelle du continent. Cela s’illustre notamment à travers son initiative continentale de développement, le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique), qui s’intègre à l’UA en 2007. Renommé Agence de développement de l’Union africaine en 2018, l’organisme œuvre dans des secteurs prioritaires comme la sécurité alimentaire et les infrastructures. Mais beaucoup critiquent le poids prépondérant de l’Afrique du Sud dans cette initiative.

L’organisation prévoit également la création d’une « Force africaine en attente » (la FAA) en 2004, dans le cadre de la nouvelle Architecture africaine de paix et de sécurité de l’Union africaine. Supposée pouvoir intervenir lors des crises africaines, cette force de défense n’a pas réellement d’existence opérationnelle aujourd’hui. Les forces militaires intervenant en Afrique restent largement extra-africaines : Casques bleus de l’ONU, militaires de Wagner et jusqu’il y a peu encore les forces du G5 Sahel (le retrait de la France du Mali en particulier).

En matière d’intégration commerciale, l’UA jette en mars 2018 les bases d’une zone de libre-échange continentale. Elle viserait à augmenter le commerce intra-africain de 60 %. Mais sera-t-elle vraiment porteuse de développement pour l’Afrique ? L’absence de complémentarité économique des États africains empêcherait la valorisation de leurs « avantages comparatifs » respectifs (D. Ricardo, Principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817). L’abolition des frontières commerciales pourrait même avoir un effet déstabilisateur sur les marchés étatiques et nuire de ce fait au développement d’un Made in Africa.

Une UA qui peine à s’affranchir des influences étrangères

L’influence européenne sur le processus de construction de « l’africanité » était déjà observable dans les similitudes de l’UA et de l’UE. Cette influence se confirme lorsqu’on s’intéresse au financement de l’UA. Ce sont des donateurs étrangers, en grande partie européens, qui la financent à 60 %. Difficile de parler d’une autonomisation de son fonctionnement dans ces conditions.

La Chine intervient aussi dans le fonctionnement de l’UA et dans celui de l’Afrique. En 2012, elle finançait la construction du siège de l’UA à Addis-Abeba, en Éthiopie. La RPC a depuis (en 2018, voir les détails dans cet article) été accusée d’espionner les réunions qui s’y tenaient. L’intégralité du contenu des serveurs était en effet transférée à Shanghai. Un espionnage qui se fait en parallèle d’une « diplomatie du chéquier » de la Chine. Le concept de Chinafrique semble ainsi faire obstacle au développement de l’africanité.

Pour Léonora Miano, dans Mbembe et Sarr (2017), redéfinir l’africanité supposerait d’échapper aux injonctions et aux ingérences étrangères. Elle prône ainsi « l’aménagement d’instances non mixtes », c’est-à-dire ouvertes aux seuls Subsahariens pour inventer en toute souveraineté un « autre modèle ». L’enjeu est ainsi de fortifier et de stabiliser les gouvernements nationaux. Ils pourraient alors devenir de véritables acteurs régionaux.

Pour en savoir plus sur les actions de la Chine en Afrique, tu peux consulter cet article.