Balkans

Territoire en périphérie de l’Europe continentale, les Balkans se trouvent de facto dans la sphère géostratégique immédiate de l’Europe. Le faible poids économique et démographique de ces pays les a longtemps fait apparaître comme marginalisés des grands dossiers du XXᵉ siècle. Pourtant, les pays balkaniques doivent répondre à de nombreux enjeux politiques et économiques.

Les enjeux géopolitiques qui secouent la région sont scrutés avec attention par ses voisins proches, au premier rang desquels, l’Union européenne. Plus encore, les Balkans sont le théâtre d’une sourde lutte d’influence entre les grandes puissances.

Enjeux sécuritaires, économiques et géopolitiques, affrontement informel entre les grandes puissances. Quelle analyse peut-on faire du positionnement géostratégique des Balkans ?

L’ambition de cet article est de te présenter quelques-uns des enjeux stratégiques des Balkans, afin que tu puisses construire une belle étude de cas en dissertation de géopolitique en prépa ECG !

Brève perspective historique et sociodémographique des Balkans

Caractéristiques sociodémographiques des Balkans

Héritière d’une histoire complexe, caractérisée par une succession d’annexions ou d’invasions (Grecs, Perses, Romains, Slaves, empire byzantin, Mongols, Ottomans ou encore empire austro-hongrois), la région porte la richesse d’une mosaïque culturelle unique au monde.

À la fragmentation culturelle, on doit ajouter les rivalités religieuses. Par exemple, la Croatie et la Slovénie sont à majorité catholique, tandis que l’Albanie est à majorité musulmane et la Bulgarie à majorité orthodoxe. « Les pays des Balkans constituent un ensemble d’une hétérogénéité culturelle et identitaire unique au monde », peut-on lire dans la Revue Défense Nationale de mai 2022 (« Géopolitique des Balkans occidentaux et sécurité de l’Europe », Revue Défense Nationale, Jean-Paul Perruche et Nathalie de Kaniv).

La complexe et douloureuse histoire des Balkans : les guerres de Yougoslavie

Déjà poudrière du continent européen à la veille de la Première Guerre mondiale, l’histoire agitée des Balkans s’est douloureusement embrasée à l’occasion des guerres de Yougoslavie. À partir de 1991 et jusqu’en 2001, de violents conflits, aux causes notamment ethniques, se sont succédé dans l’ancienne république fédérative socialiste. On estime le nombre de victimes à 140 000.

Les déclarations d’indépendance de la Slovénie et de la Croatie dès 1991 sont jugées illégales par le gouvernement fédéral yougoslave, qui tente, en apportant son concours à l’Armée populaire yougoslave (JNA), de prévenir l’éclatement du pays.

La violence est paroxysmique entre les communautés ethniques d’un même territoire, qui s’affrontent de manière quasi systématiques, donnant lieu à ce qu’on peut qualifier de « nettoyage ethnique » pour créer des ethno-États. On peut citer la campagne de « nettoyage ethnique », qui a eu lieu entre 1992 et 1994 dans la région de la ville de Foča, conduite par les forces militaires et paramilitaires serbes contre des civils bosniaques pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine.

La complexe et douloureuse histoire des Balkans : le massacre de Srebrenica

Les guerres de Yougoslavie ont été marquées par des violences d’une rare intensité et un nationalisme ethnique hypertrophié. Le massacre de Srebrenica illustre de manière paroxysmique ces deux composantes.

On appelle par massacre de Srebrenica, ou génocide de Srebrenica, le massacre en 1995 de plus de 8 000 Bosniaques dans la région de Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, par l’armée de la République serbe de Bosnie (VRS) et un groupe paramilitaire serbe, les Scorpions.

Les Balkans : quelle place dans la politique de l’Union européenne ?

Déjà, deux groupes de pays se dessinent dans la région balkanique. Alors que la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Roumanie et la Slovénie sont membres de l’UE, ce n’est pas le cas de l’Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, de la Macédoine du Nord, du Monténégro, de la Serbie et de la Turquie (si on englobe la définition géographique large des Balkans).

Les Balkans ou l’illusion d’une voix européenne unique

L’exemple du Kosovo est révélateur des difficultés européennes à afficher une ligne de front unie vis-à-vis de la politique étrangère. Le Kosovo proclame en effet son indépendance de la Serbie en 2008, conséquence d’un conflit étroitement lié aux enjeux de l’implosion de l’ex-Yougoslavie.

La reconnaissance du Kosovo indépendant divise les voix en Europe. Ainsi, cinq pays européens ne reconnaissent pas cet État : Chypre, Espagne, Grèce, Roumanie et Slovaquie. Exception faite de la Grèce, les États susmentionnés connaissent eux-mêmes des potentiels enjeux indépendantistes ou frontaliers. Les Pays Basques et la Catalogne en Espagne, Chypre du Nord pour Chypre et une minorité hongroise en Slovaquie et en Roumanie.

Les Balkans dans la politique européenne de voisinage

L’Union européenne est attachée à la promotion de la stabilité, au renforcement de l’état de droit et de la démocratie et au développement économique des Balkans. Dès 1999, l’UE met ainsi en place des Processus de stabilisation et d’association, qui visent à établir des relations privilégiées avec les Balkans occidentaux et à ouvrir des perspectives en vue d’une potentielle intégration.

En 2003, d’ailleurs, le Conseil européen de Thessalonique soutient que tous les pays concernés par les Processus de stabilisation et d’association sont considérés comme des candidats potentiels à l’UE.

Avant le sommet, Chris Patten, Commissaire chargé des relations extérieures, a déclaré : « Thessalonique enverra deux messages importants aux Balkans occidentaux : d’une part, que la perspective de leur adhésion à l’Union européenne est réelle et, d’autre part, que nous considérons que la carte de l’Union ne sera pas complète tant qu’ils ne nous auront pas rejoints », peut-on lire dans le communiqué de presse du 18 juin 2003.

Une relation renouée avec l’Union européenne

À partir de 2008, un renversement s’est opéré dans les relations que les pays de la région entretenaient avec l’UE, qui se sont massivement tournés vers l’Union. Même la Serbie, pourtant farouchement nationaliste et russophile, a déposé sa candidature officielle d’adhésion à l’UE en 2009.

Cependant, « plusieurs dirigeants de pays déclarant vouloir répondre aux attentes de l’UE se livraient en même temps à une dérive autocratique soulignée par une incohérence entre le déclaratoire et la réalité » (« Géopolitique des Balkans occidentaux et sécurité de l’Europe », Revue Défense Nationale, Jean-Paul Perruche et Nathalie de Kaniv).

Les Balkans, un théâtre d’affrontement informel entre grandes puissances

La sourde lutte informelle dans les Balkans entre la Russie et les États-Unis

Sans surprise, la Russie est un acteur majeur de la région balkanique. On peut citer les relations russo-serbes, dont la proximité, déjà en 1914, avait conduit la Russie à déclarer la guerre à l’empire austro-hongrois. Depuis 2013, la Serbie est d’ailleurs membre observateur de l’OTSC (Organisation du traité de sécurité collective), une organisation politico-militaire largement dominée par la Russie. La parenté culturelle entre les deux peuples, notamment héritée de la culture slave et orthodoxe, leur a permis de conserver des liens étroits.

La reconnaissance du Kosovo par les États-Unis a d’ailleurs renouvelé l’influence de la Russie en Serbie. Il en est de même du projet de gazoduc South Stream, dont le tracé devait traverser la Serbie, point nodal du projet, et développer des ramifications vers la Bosnie et la Macédoine.

Alors que l’OTAN progresse dans la région depuis la fin de la guerre froide (Albanie et Croatie en 2009, Slovénie en 2004, Monténégro en 2017) et que les pays balkaniques se tournent massivement vers l’UE depuis une dizaine d’années, la Russie cherche fermement à revivifier son influence dans la région.

Quelle place pour la Chine ?

Si on a longtemps considéré la Chine comme un acteur uniquement commercial dans la région, il apparaît de plus en plus clairement qu’elle s’affirme progressivement comme un acteur politique et géopolitique incontournable.

« Depuis dix ans, la Chine s’impose comme un investisseur majeur et agressif dans la région, devenant progressivement un acteur politique. » (« Géopolitique des Balkans occidentaux et sécurité de l’Europe », Revue Défense Nationale, Jean-Paul Perruche et Nathalie de Kaniv). Par la détention de la dette notamment, la Chine se dote progressivement de moyens d’influence considérables.

On peut citer le projet controversé de construction d’une autoroute, réalisée par la China Road and Bridge Corporation et financée grâce à un prêt chinois au Monténégro. La construction de 40 ponts et 90 tunnels est prévue pour réaliser une infrastructure surdimensionnée, censée relier le port de Bar au sud à la frontière serbe au nord. Le projet n’a pas non plus créé les milliers d’emplois escomptés par la population monténégrine, la China Road and Bridge Corporation employant sa propre main-d’œuvre.

Or, ce petit pays dépend fortement des recettes touristiques. En 2020, le pays était endetté à hauteur de 104,8 % du PIB. Les retards sur le projet s’accumulent. Et avec la pandémie et l’assèchement des recettes touristiques, la solvabilité de ce prêt, 800 millions d’euros contractés auprès de la China Exim Bank, est menacée.

N’hésite pas à regarder nos autres articles de géopolitique pour parfaire tes connaissances en prépa ECG !