Depuis plusieurs années, les prépas privées hors contrats étonnent par les excellents résultats de leurs candidats aux concours BCE et Ecricome. Si ces performances remarquables se faisaient au gré de petits arrangements avec la déontologie du concours, La Prépa Autrement a franchi un autre stade depuis sa création, en 2020 : faire disparaitre de ses rangs les candidats dont le niveau est jugé insuffisant. Une tromperie que la BCE tente d’abolir cette année.

En janvier, de nombreux étudiants venant de prépas privées hors contrat, et notamment de La Prépa Autrement (LPA,) ont reçu un mail de la DAC (Direction des Admissions et Concours), organe pilotant le concours BCE, avec le message suivant :

“Bonjour,

Nous avons validé votre inscription.

Nous avons mis à jour la rubrique “Scolarité actuelle” de votre dossier d’inscription, afin que votre inscription soit en conformité avec votre attestation de scolarité.

Rappel du règlement de la BCE :

Les informations fournies par le candidat doivent être exactes et sans omission, elles engagent sa responsabilité. Toute déclaration erronée ou mensongères  expose le candidat à des conséquences pouvant aller jusqu’à l’exclusion du ou des concours présentés et à la perte du bénéfice éventuel de l’admission dans une école (voir règlement BCE – III – “Fraudes et sanctions”)

Comme nous sommes intervenus dans votre dossier, vous devez relire impérativement votre dossier et votre récapitulatif d’inscription dans la rubrique “Liste des impressions”.

Merci de retourner dans votre inscription.

Cordialement,

Directions des Admissions et Concours – Concours BCE”.

La raison ? Tous ces candidats indiquaient avoir suivi une première année de prépa dans un établissement privé, puis passer cette année les concours en tant que candidat libre. La BCE a en effet demandé davantage d’informations aux étudiants cette année, essentiellement afin d’éviter les potentiels passages frauduleux entre maths approfondies et maths appliquées en cette première année de concours pour les nouvelles prépas ECG.

L’arnaque des candidats libres pour progresser dans les classements

On peut passer le concours en “candidat libre” pour de nombreuses raisons. L’année dernière, ce sont quelque 278 étudiants qui se sont inscrits aux concours BCE sans être affiliés à aucun établissement. La plupart du temps, ces cas sont assez atypiques et plutôt marginaux. On peut penser par exemple à Zineb, qui a intégré l’ESSEC en 2021, puis HEC en 2022 en repassant les concours BCE, ou encore à Timour, que nous avions interviewé sur notre chaîne YouTube et qui a “bicarré” (ou plutôt fait 7/2, car en l’occurrence c’était un prépa ingé).

Or, et c’était un secret de Polichinelle jusqu’à présent, l’immense majorité de ces candidats libres sont en réalité bel et bien scolarisés dans des établissements privés hors contrat, à savoir des prépas privées qui n’entretiennent aucun lien direct avec les ministère de l’Éducation nationale ou de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (à la différence des établissements privés sous contrat, comme Ginette ou Grandchamp par exemple).

Dans les faits, cette technique permet de faire monter artificiellement ces prépas dans les palmarès des CPGE établis par nos confrères. Comme ces classements se basent sur le pourcentage d’étudiants présentés qui intègrent HEC, le top 3, 5 ou 10, il suffit de faire passer “sous les radars”, en tant que candidat libre, les candidats a priori moins bons et qui ont donc moins de chances de performer aux concours. Résultats, La Prépa Autrement se retrouve 12e du classement de l’Étudiant avec 48% d’intégrés dans le top 3 (28 étudiants sur 58). Or, d’après les multiples témoignages que nous avons recueillis, LPA accueillait en son sein bien plus qu’une petite soixantaine d’étudiants en capacité de passer les concours l’année dernière.

Lire aussi : Les classements Major-Prépa 2023 des prépas économiques et commerciales

Un contournement des règles ancien, mais exacerbé depuis quelques années

Pour ces officines, davantage encore que pour les prépas publiques, ce fameux taux d’admis dans les Parisiennes constitue l’alpha et l’oméga de leur attractivité. Il suffit de passer quelques secondes sur la page d’accueil du site de LPA (par exemple) pour s’en convaincre :

Auparavant, il y avait les fameux “doubles labels”. Cela consistait pour une prépa à faire passer les concours à ses élèves en les séparant sur deux marques distinctes sur la base de leur niveau au concours blanc et du ressenti des professeurs. En gros, la première moitié de classe sur la marque étendard, la seconde sur une autre marque confidentielle.

Il faut aussi ajouter à cela une autre pratique : le passage du concours en ECE voire en ECT par des ex-ECS, permettant aux candidats de plancher sur des épreuves de maths plus accessibles ; pratique qui avait été jugulée par la BCE et Ecricome en 2018. Ces techniques relevaient, au mieux, du tour de passe-passe, au pire, de la malhonnêteté la plus éhontée. Néanmoins, jusqu’à ce que nous imposions cette pratique dans nos classements dès 2015-2016, aucun média ne fusionnait les doubles labels dans ses palmarès !

En revanche, lorsque l’on intime à un candidat de déclarer aux responsables du concours en question ne pas être scolarisé pour ne pas faire baisser les résultats de son alma mater, les doutes ne sont plus permis. LPA a donc, depuis sa création, assez de flegme pour cumuler les deux (elle a aussi un second label, les Cours Schloesing, du nom de la rue du Commandant Schloesing, à Paris, où est basée la prépa). Selon plusieurs sources concordantes, la direction de l’établissement aurait même demandé aux candidats concernés par le mail présenté en début d’article de fournir une lettre attestant de leur absentéisme répété. Ce mot justifierait ainsi leur passage en candidat libre.

Contactée par nos soins, la DAC affirme être consciente de la fraude, “visiblement moins massive que les années précédentes” et nous a assuré qu’elle ne comptait pas céder face aux demandes de l’établissement de replacer ses candidats hors de la bannière LPA.

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Commercia et Saint-Jean de Douai également concernées

Ces fraudes sont également constatées, d’après nos sources, au sein de la prépa Commercia, ainsi qu’à Saint-Jean de Douai, qui est pourtant un établissement privé sous contrat avec l’État. Dans le cas de Douai, il s’agit apparemment d’étudiants qui se destinent à intégrer Saint-Cyr.

La fraude de LPA se distingue cependant par son ampleur : l’établissement aurait en réalité 110 étudiants inscrits en carré ou cube en ECG. De fait, la moitié de ces étudiants ont tout simplement disparu des fichiers de la DAC au moment des inscriptions BCE (en comptant ceux inscrits aux Cours Schloesing).

Quid du classement des privées hors contrat ?

En tant que média de référence des prépas économiques et commerciales, Major-Prépa établit depuis 2015-2016 ses propres classements. Nous nous appuyons sur une méthodologie unique, basée sur la loi normale centrée réduite, permettant de tenir compte de l’intégration de tous les élèves d’une classe donnée et pas seulement du taux d’intégrés dans le top 3 par exemple.

Conscients de ces fraudes aux candidats libres depuis l’année dernière et n’ayant aucun moyen de vérifier la probité des différents acteurs concernés, nous avions décidé de ne plus faire figurer aucune prépa privée hors contrat dans nos classements. Pour autant, dès lors qu’ils respectent les mêmes règles que les prépas publiques, nous n’avons rien contre ces établissements qui, pour la plupart, fournissent un service de qualité à leurs étudiants.

Aussi, nous établirons une charte à destination de ces prépas l’année prochaine, qui les engagera à la transparence sur leurs effectifs et leurs résultats. La signature de celle-ci sera une condition sine qua none pour apparaître dans nos classements.