On te propose dans cet article de te pencher sur le sort des entreprises familiales qui sont le cœur du « Made in Germany ». Et pourtant, cette force est menacée, et voici pourquoi.
Qu’est-ce qu’une entreprise familiale, ou Familienunternehmen ?
En Allemagne, 51,9 % des entreprises cotées sont familiales. Selon l’Institut für Mittelstandsforschung Bonn (IfM, l’Institut de recherche sur les PME), une entreprise est familiale lorsqu’une à deux personnes physiques ou membres de leur famille détiennent au moins 50 % des parts de l’entreprise et font partie de la direction.
Beaucoup de petites et moyennes entreprises (PME) sont familiales. Il existe cependant de grandes entreprises (plus de 500 salariés) considérées comme familiales, comme Volkswagen, Daimler ou Siemens.
Les raisons du succès de ces entreprises
Les PME et entreprises familiales réussissent parce que leurs propriétaires, souvent directement impliqués dans la gestion, prennent des décisions à long terme, assumant des risques personnels importants. Cette structure permet une plus grande réactivité face aux changements du marché, contrairement aux grands groupes.
Ces entreprises jouissent également d’une expertise datant parfois de longue date. Cela permet aux autres entreprises allemandes de profiter de l’image de qualité et de fiabilité. Ce sont des entreprises familiales comme Volkswagen ou Metro qui ont fait la réputation du « Made in Germany ».
Hériter d’une entreprise familiale était alors un vrai coup de chance (ein Glückstreffer), assurant une certaine stabilité économique à long terme, car l’entreprise familiale était source de revenus. Ces entreprises sont aujourd’hui toujours considérées par certains comme des « champions cachés » (Hidden Champions), comme Wickert, une entreprise familiale essentielle pour la production de vaccins.
Cela attise les intérêts de certains acteurs, comme les investisseurs chinois, que le gouvernement préférerait éviter : les entreprises familiales sont le moteur de l’économie allemande et de sa compétitivité. Leur rachat par des investisseurs étrangers met ainsi en péril la souveraineté économique du pays.
Quelles sont les menaces qui planent sur les entreprises familiales ?
Les menaces internes aux entreprises familiales : le manque de repreneurs
Un tiers des propriétaires d’entreprises ont plus de 60 ans et partiront bientôt à la retraite. Se pose alors la question du repreneur. Selon une étude de l’institut Ifo, plus de 40 % des entreprises familiales interrogées n’ont pas trouvé de successeur dans leur propre famille, malgré des dispositifs incitatifs mis en place par le gouvernement (exonérations conditionnelles des droits de succession, etc.).
La jeune génération s’interroge en effet sur la compétitivité effective du modèle allemand : les clients sont conscients que la technologie allemande n’est plus unique. Cette prise de conscience du risque et de la perte de compétitivité éloigne de plus en plus de jeunes Allemands de leur héritage familial.
À cela s’ajoutent la bureaucratie, les lois et les réglementations. Au niveau allemand comme au niveau européen, la bureaucratie freine les entreprises à de nombreux égards : recherches, démarches administratives, réglementations diverses.
Les démarches administratives pour transmettre une entreprise familiale peuvent prendre plus de 18 mois. Cela alourdit considérablement les frais juridiques et comptables nécessaires. De la même manière, pour obtenir des subventions, les entreprises doivent fournir des dossiers très détaillés, nécessitant parfois un degré de transparence comptable trop important pour des petites structures. Certaines entreprises abandonnent ces démarches, faute de moyens pour payer un comptable plus qualifié.
Mais la bureaucratie n’est pas la seule responsable, car nombre de potentiels repreneurs ont déjà fait leurs études et ont un emploi. Ils n’ont alors pas toujours les compétences nécessaires pour tenir une menuiserie ni l’envie de « se salir les mains ».
Les menaces internes au pays : l’AfD
L’AfD menace également l’écosystème des entreprises familiales. Bien que le parti se présente comme une force protégeant les PME allemandes, il va à l’encontre des intérêts des entreprises familiales. En réduisant le nombre de places en crèche, l’AfD condamne les mères à abandonner leur emploi pour garder les enfants. Or, cela se traduit par une perte de main-d’œuvre qualifiée pour les entreprises qui peinent de plus en plus à trouver des travailleurs qualifiés. Cela contracte donc l’activité des entreprises familiales, obligées de refuser certaines commandes.
En souhaitant quitter l’UE, l’AfD menace aussi tout l’écosystème européen d’entreprises familiales. Or, ce maillage est très important pour les PME allemandes ainsi que pour d’autres pays membres. Sortir du marché commun isolerait les entreprises allemandes et mettrait définitivement fin à leur compétitivité.
Les menaces externes : le risque de rachat
L’entrepreneuriat familial allemand semble être un atout considérable à l’exportation pour les entreprises familiales chinoises.
Depuis 2013, des délégations chinoises viennent régulièrement à Witten pour comprendre le modèle de réussite « entreprise familiale allemande ».
Si les entreprises familiales chinoises sont confrontées aux mêmes problématiques de succession qu’en Allemagne, la Chine représente aussi un vivier de repreneurs non négligeable. En effet, de nombreux investisseurs cherchent les champions cachés allemands afin de les racheter. Cette solution permet de résoudre la question de la succession pour le propriétaire allemand. Mais cela pose un problème de souveraineté nationale, que le gouvernement déplore.
Le rachat de ces fleurons allemands, de l’électronique par exemple, est un atout économique précieux qui quitte l’Allemagne au profit de la Chine.
Avec les élections américaines, l’avenir des entreprises familiales reste en suspens car, outre la Chine, les États-Unis sont un importateur conséquent de produits allemands.
Vocabulaire
- der berühmt-bewunderten sogenannten Mittelstand in Deutschland : la fameuse et admirée classe moyenne (ou PME selon le contexte) allemande
- KMU (kleine und mittlere Unternehmen) : PME
- Ein Glückstreffer : un coup de chance
- Hidden Champions : les champions cachés
- Die Nachfolge : la succession
- Das Erbe : l’héritage
- Die Zuverlässigkeit : la fiabilité
- Firmenbesitzer : propriétaires d’entreprises
- Familienunternehmen : les entreprises familiales
- Die Wettbewerbsfähigkeit : la compétitivité
- in die Unternehmensführung eingebunden sein : être impliqué dans la gestion de l’entreprise
- der Exportschlager : l’article (ici le modèle) d’exportation à succès
- börsennotierte Unternehmen : les entreprises cotées en Bourse
- der Wirtschaftsstandort : le lieu économique (on parle de l’économie allemande de cette manière concernant la concurrence)