Allemagne

On espère que tu as passé de bonnes vacances ! Ce n’est pas tellement le cas pour la politique allemande… Voici un aperçu de ce qui s’est passé pendant l’été.

Réforme constitutionnelle du vote

Olaf Scholz a réussi à faire approuver une partie de sa réforme du vote par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. C’est en effet un dossier à l’arrêt depuis un certain temps car, à chaque élection, le nombre de députés augmente au Bundestag (de 603 élus en 2002 à 736 en 2021, rendant les compromis très compliqués). Ceci est lié au système de double vote.

Comment fonctionne le double vote ? Pour les législatives, chaque électeur dispose de deux voix. Avec la première, il vote pour un des candidats de sa circonscription – celui obtenant la majorité des voix est alors élu. Avec la deuxième (Zweitstimme), l’électeur vote pour un parti à l’échelle fédérale. C’est ici le pourcentage recueilli par chaque parti au niveau national qui détermine la répartition des sièges, sur une base théorique de 598 sièges. Pour assurer la représentation proportionnelle, des mandats compensatoires (Ausgleichsmandate) ont été mis en place pour équilibrer le nombre de députés surnuméraires (Überhangsmandate), élus directement à la majorité dans leurs circonscriptions.

Cette réforme vise à réduire les coûts de fonctionnement du Bundestag qui s’élevaient à 1,14 milliard d’euros pour 730 membres, contre 857 millions d’euros pour 631 députés. Le nombre de mandats sera désormais plafonné à 630 députés.

Disputes de budget

Bien qu’un accord ait été atteint en juillet, le ministre des Finances, Christian Lindner (FDP), a révélé un déficit de cinq milliards d’euros dans le budget. Il est en grande partie dû à l’utilisation prévue de fonds initialement alloués au freinage des prix du gaz pour d’autres dépenses, évoquant le rappel à l’ordre de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe en 2023.

La réaction de Lindner a été critiquée par ses partenaires de la coalition, le SPD et les Verts, qui estiment que cette sortie publique était malvenue et visait davantage à renforcer son image qu’à résoudre les problèmes budgétaires.

Lindner, soutenu par des économistes, insiste sur la nécessité de respecter le frein à l’endettement (Schuldenbremse) inscrit dans la Constitution, une mesure que le FDP considère comme essentielle. Ce débat met en péril la cohésion du gouvernement à l’approche des élections prévues en septembre 2025.

Robert Habeck, vice-chancelier et membre des Verts, s’est par ailleurs moqué des propositions de réduction des dépenses faites par le FDP. Il s’attendait plutôt à ce que le FDP propose des coupes dans le ministère des Finances, dirigé par Lindner lui-même.

Ces débats mènent Olaf Scholz à qualifier la coopération au sein de la coalition de « laborieuse » et il a même qualifié les négociations politiques de « champ de bataille » (der Schlachtfeld). En effet, le SPD, les Verts et le FDP avaient démarré fin 2021 en tant que coalition de progrès (Fortschrittskoalition). Mais depuis le début de l’Ampel, les membres de la coalition se chamaillent à ciel ouvert (auf offener Bühne).

Bürgergeld

Le secrétaire général du Parti conservateur CDU, Carsten Linnemann, a déclenché une polémique en affirmant qu’une « centaine de milliers de personnes » abusent de cette aide en refusant de travailler. Il propose de la supprimer totalement pour ces bénéficiaires. Or, il n’existe encore aucune donnée statistique pour soutenir ses propos. Linnemann a été accusé de populisme à un mois des élections régionales dans trois États de l’Allemagne de l’Est, où les partis populistes comme l’AfD et le BSW gagnent du terrain.

Le Bürgergeld, introduit en 2023, remplace l’ancien Hartz IV et concerne environ 5,5 millions de personnes en Allemagne. En voulant limiter, voire abolir le Bürgergeld pour certains bénéficiaires, Linnemann se heurterait à un jugement de la Cour constitutionnelle de 2019, qui stipule que l’État doit garantir un minimum vital digne pour tous. La CDU, avec le soutien d’une partie de la coalition, plaide pour des réformes plus strictes afin de sanctionner les bénéficiaires qui ne respectent pas leurs obligations, notamment l’acceptation d’un emploi raisonnable.

Attaque de Solingen

Une attaque au couteau s’est produite le 23 août 2024 à Solingen. Que disent les faits ? Un individu armé d’un couteau a poignardé des participants au « festival de la Diversité » organisé pour le 650e anniversaire de la ville de Solingen. Le suspect, un jeune Syrien, a tué deux hommes âgés de 56 et 67 ans, ainsi qu’une femme de 56 ans, et a blessé huit autres personnes, dont cinq grièvement.

Cet événement s’est produit dans un contexte déjà tendu par d’autres agressions en Allemagne, visant des politiciens ou des policiers, comme à Mannheim deux jours auparavant, et tout juste une semaine avant des scrutins régionaux en Saxe et en Thuringe. Cette attaque, symptomatique de l’état de tension du pays, pourrait contribuer au renforcement du parti d’extrême droite (AfD) à l’avenir.

Rapide aperçu des élections en Thüringen

Le 1er septembre 2024, les 88 députés du Landtag ont été élus pour un mandat de cinq ans. Contrairement aux élections de 2019, où le parti Die Linke avait obtenu 30 % des voix, l’AfD a remporté un score record (32,8 %), en gagnant pour la première fois la majorité relative à de telles élections, avec comme têtes de liste Bjorn Höcke et Stefan Möller. La CDU arrive ensuite avec 23,6 % des voix, le nouveau parti de Sahra Wagenknecht avec 15,8 %, Die Linke avec 13,1 % et enfin le SPD avec 6,1 %.

Cette victoire de l’AfD est un mauvais signe pour le pays, mais aussi pour les autres partis. En effet, ces élections révèlent une fracture persistante entre l’Est et l’Ouest de l’Allemagne, et présagent de nombreuses difficultés pour constituer une coalition. La plupart des partis se refusent de gouverner avec l’AfD, mais cela rend la constitution d’une majorité très complexe, mettant à rude épreuve le modèle politique allemand reposant sur les compromis.

Les avancées de la politique climatique

Selon l’association de l’industrie automobile allemande (Verband der Automobilindustrie), la voie vers un trafic routier neutre en carbone d’ici 2045 doit être assurée par des directives plus strictes pour l’industrie pétrolière. L’industrie automobile veut parvenir à ce que le biocarburant et les e-fuels soient mis sur le marché en quantité suffisante pour rendre les flottes existantes de voitures à combustion respectueuses du climat. En effet, même si le gouvernement fédéral atteignait son objectif de 15 millions de voitures électriques d’ici 2030, il y aurait encore 40 millions de voitures à essence ou diesel.

Replaçons dans le contexte : l’objectif de l’UE prévoit d’ici 2030 une part d’énergie renouvelable d’au moins 29 %, ou une réduction des gaz à effet de serre de 14,5 %, par rapport à la quantité nécessaire de carburants fossiles. L’Allemagne a déjà décidé d’un taux de réduction plus élevé de 25 %, mais le VDA estime qu’une réduction de 35 % serait nécessaire à la place. Ces déclarations ont eu lieu juste avant que la situation économique du secteur automobile allemand plonge à la suite de problèmes de freins chez le constructeur BMW.

Vocabulaire

Le champ de bataille : der Schlachtfeld (er)

Le frein à l’endettement : der Schuldenbremse

Les mandats compensatoires : Ausgleichsmandate

Les députés surnuméraires : Überhangsmandate

Le député : der Abgeordnete

Se heurter à des critiques : auf heftige Kritik stoßen (ö ie, ist gestoßen)

Bien/ mal conduire le pays à travers : das Land gut/schlecht durch + A… führen

Fixer le cadre pour : den Rahmen setzen für + A

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe : das Verfassungsgericht in Karlsruhe

S’enliser : ins Stocken greaten sein (die Reforme ist ins Stocken greaten)

Une lacune de cinq milliards d’euros dans le budget : eine Haushaltslücke von fünf Milliarden Euro

L’association de l’industrie automobile allemande : Verband der Automobilindustrie

À ciel ouvert : auf offener Bühne

Les disputes (querelles) : die Streiterei (en)