On espère que tu t’en sors avec les colles et les DST… Histoire de te faire gagner du temps, on te propose dans cet article un récap de la politique migratoire actuelle de l’Allemagne. C’est un sujet tendu dans le pays, mais aussi au niveau européen, alors autant clarifier la situation tout de suite.
La politique migratoire avant septembre 2024
La situation migratoire allemande
L’Allemagne est un important pays de migrations en Europe, en particulier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le droit d’asile est en effet inscrit dans la Loi fondamentale (Grundgesetz) de 1949 qui a servi de Constitution à l’Allemagne de l’Ouest.
Ce droit est le seul accordé aux étrangers, mais révèle la volonté de l’Allemagne de mettre en avant des valeurs humanistes lors de la reconstruction.
Quelques chiffres
Selon le rapport 2024 de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le nombre d’immigrés en Allemagne est passé de 9 millions en 2000 à 16 millions en 2020, devenant ainsi le premier pays d’accueil européen et le deuxième mondial (juste après les États-Unis). La part d’immigrés dans la population allemande s’élève désormais à 18,8 %, avec une importante proportion de réfugiés de guerre : les Ukrainiens, les Syriens et les Afghans sont les principales populations réfugiées en Allemagne.
L’Allemagne est aussi le pays européen qui a accueilli le plus de réfugiés ukrainiens. Certaines populations réfugiées s’estiment lésées. Les Ukrainiens disposent de droits et d’aides particulières et ne nécessitent pas l’obtention du droit d’asile, contrairement aux réfugiés afghans ou syriens.
Les défis posés par l’immigration
Cependant, les nombreuses aides accordées aux réfugiés ukrainiens posent des problèmes à l’Ukraine. En effet, ces réfugiés pourraient choisir de rester dans leurs pays d’accueil et, en émigrant, ils privent l’Ukraine de main-d’œuvre, de soldats et de population.
Par ailleurs, la part de migrants intégrés au marché du travail n’est pas à la hauteur des attentes. Selon le Tagesschau, sur 1,3 million de réfugiés ukrainiens (dont 855 000 en âge de travailler), seuls 187 000 occupent un emploi à temps plein. L’extrême droite leur reproche alors de profiter des aides sociales. Or, il y a encore 700 000 postes vacants en Allemagne qui pourraient être occupés et ce chiffre pourrait grimper à trois millions d’ici 2030. Cela montre bien la situation délicate de l’Allemagne qui a besoin de main-d’œuvre, mais qui se heurte à l’AfD et au mécontentement de certains Länder, en particulier ceux de l’est du pays.
La politique migratoire de 2023
La Chancenkarte
Le gouvernement fédéral souhaite depuis 2023 faciliter l’immigration de main-d’œuvre qualifiée pour combler le manque de main-d’œuvre. À cette fin, la coalition a adopté la loi sur l’immigration de main-d’œuvre qualifiée visant à créer une « carte des opportunités » (Chancenkarte). Cette loi repose sur trois volets : la qualification, l’expérience et le potentiel.
Parmi les critères de sélection figurent la qualification, les connaissances en allemand et en anglais, l’expérience professionnelle, le lien avec l’Allemagne, l’âge et le conjoint ou partenaire qui accompagne le candidat. Ces critères permettent l’obtention de points pour la Chancenkarte pour la recherche d’emploi en Allemagne.
Toute personne titulaire d’un diplôme peut ainsi exercer à l’avenir n’importe quel emploi qualifié et toute personne ayant au moins deux ans d’expérience professionnelle et un diplôme professionnel reconnu par l’État dans son pays d’origine peut immigrer en tant que travailleur. À l’avenir, le diplôme professionnel ne devra plus être reconnu en Allemagne, ce qui signifie moins de bureaucratie et donc des procédures plus courtes.
La Blaue Karte
En outre, la carte bleue européenne (Blaue Karte) des professions académiques devrait être étendue aux professions non académiques. Cette carte vise à attirer les travailleurs hautement qualifiés sans pénaliser les Allemands. Les universitaires, par exemple, doivent atteindre certains revenus minimaux afin d’exclure le dumping salarial. Le demandeur doit gagner 58 000 euros bruts par an. Pour les professions en pénurie (comme les scientifiques, les mathématiciens, les architectes, les ingénieurs et les scientifiques de l’ingénierie, les médecins), il s’agit de 45 500 euros bruts par an. La carte bleue est d’abord valable quatre ans.
Parallèlement, le gouvernement souhaite attirer les étudiants et les apprentis. Pour les apprentis, l’examen de priorité doit être supprimé. Les étudiants doivent pouvoir travailler plus facilement à côté de leurs études.
Le Doppelpass
L’accès à la nationalité allemande doit être accéléré et l’intégration des immigrés facilitée. Un immigré doit remplir les conditions suivantes pour obtenir la nationalité allemande : il doit vivre en Allemagne depuis huit ans, maîtriser la langue allemande, passer un test de naturalisation, avoir un emploi, adhérer à la Loi fondamentale et il ne doit pas avoir commis de délit. En outre, les personnes ne devraient plus être obligées de renoncer à leur ancienne nationalité. Jusqu’à présent, la double nationalité, le fameux Doppelpass, n’existait officiellement en Allemagne que dans des cas exceptionnels.
Malgré la volonté du gouvernement de cibler certains types de migrations, ce phénomène a une place délicate dans la société allemande, en particulier depuis le succès de l’AfD et l’attaque de Solingen cet été.
Quelle est la nouvelle mesure décidée par l’Allemagne ?
Depuis le 16 septembre, l’Allemagne a rétabli des contrôles individuels à la totalité de ses frontières, pour six mois au moins, dans le but de lutter contre l’immigration illégale, tenue responsable de certains attentats, comme celui de Solingen perpétré par un Syrien. Le durcissement de la politique migratoire après cet événement comprend aussi des expulsions plus rapides et plus nombreuses.
Nancy Faeser, la ministre fédérale de l’Intérieur du SPD, a déclaré vouloir « continuer à repousser la migration irrégulière, arrêter les passeurs, mettre fin aux agissements des criminels et identifier et arrêter les islamistes à un stade précoce ». Cela reflète particulièrement bien l’influence des victoires historiques de l’AfD sur la politique allemande, même si c’est l’augmentation du nombre de passages irréguliers à la frontière allemande qui aggrave la situation d’hébergement des réfugiés.
Les nouveaux contrôles concernent ainsi les frontières terrestres avec la France, le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Cependant, les frontières avec la France étaient déjà contrôlées depuis le 20 juillet en raison des Jeux olympiques.
Cette mesure est contestée
Le ministère estime que les contrôles aux frontières sont déjà efficaces, car ils auraient permis d’intercepter plus de 1 300 passeurs aux frontières entre octobre 2023 et fin juillet 2024, mais aussi de réaliser près de 30 000 rejets.
Les pays voisins de l’Allemagne, eux, ne sont pas particulièrement satisfaits de cette mesure, car l’espace Schengen prévoit des contrôles aux frontières extérieures de l’UE et non pas dans la zone de libre circulation.
Cette mesure a de nombreuses répercussions sur la charge de travail de la police, mais aussi sur la circulation des personnes et des marchandises aux frontières. Il y a donc une certaine inquiétude du point de vue économique, car les contrôles pourraient entraîner des retards dans les livraisons de marchandises et des augmentations de frais de stockage pour les entreprises.
En réponse à cela, Nancy Faeser a annoncé que les contrôles seraient flexibles et ciblés de manière intelligente afin de limiter l’impact sur le trafic routier, car rien n’indique que ces contrôles s’arrêteront vraiment en mars 2025.
Vocabulaire
- die Landesgrenzen wieder kontrollieren : contrôler à nouveau les frontières nationales
- die irreguläre Migration : l’immigration illégale
- Zurückdrängen : repousser
- Schleuser stoppen : arrêter les passeurs
- das Handwerk legen : mettre fin aux agissements des criminels
- Aufhalten : arrêter quelqu’un
- Die Zurückweisung an der Grenze : refoulement aux frontières
- Pendler : banlieusards
- Genervt aber auch verständnisvoll reagieren : réagir avec énervement, mais aussi de manière compréhensive
- Das Fachkräfteeinwanderungsgesetz : loi sur l’immigration de main-d’œuvre qualifiée