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On parle beaucoup de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine. Avec l’augmentation des prix de l’énergie et l’appel à la sobriété énergétique, les Allemands craignent de ne pas pouvoir passer l’hiver au chaud. Celle qui est pointée du doigt, c’est la politique énergétique menée par Angela Merkel, qui a rendu l’Allemagne dépendante de la Russie.

Je te propose dans cet article un petit rappel sur la politique énergétique allemande et ses enjeux géopolitiques.

La sortie du nucléaire : une décision controversée

La question du nucléaire est un sujet sensible en Allemagne. La première centrale nucléaire allemande est entrée en activité en 1966 à Rheinsberg en RDA. À l’ouest, le choc pétrolier de 1973 pousse également Helmut Schmidt à encourager le développement du nucléaire civil pour limiter la dépendance envers les pays pétroliers.

Cependant, la catastrophe de Tchernobyl de 1986 provoque une perte de confiance des Allemands dans le nucléaire. Bien que le chancelier Helmut Kohl estime qu’il n’y ait pour l’heure aucune alternative possible au nucléaire, son gouvernement accepte d’investir dans les énergies renouvelables face à la pression croissante de la population.

La loi Atomique 2002

Dès 2002, la coalition entre le SPD et les Grünen programme un abandon progressif de la production d’énergie nucléaire : c’est la loi Atomique 2002. En 2011, la catastrophe de Fukushima au Japon accélère la fin du nucléaire en Allemagne. La chancelière Angela Merkel prend la décision de sortir définitivement de l’énergie nucléaire d’ici 2022. Elle donne pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Aujourd’hui, il reste encore trois centrales nucléaires en activité en Allemagne, qui fournissent environ 6 % de l’électricité nationale.

Toutefois, cette décision a été critiquée. La sortie du nucléaire devait être compensée par le développement des énergies renouvelables et l’accélération de la transition énergétique (die Energiewende). Cependant, il faut rappeler que les énergies renouvelables sont intermittentes. Des énergies de transition (die Brückentechnologien) sont donc nécessaires pour répondre à la demande nationale. L’Allemagne a ainsi fait le choix du charbon et du gaz. Certains ont critiqué la sortie du nucléaire en affirmant que cela a provoqué une augmentation de la production de charbon et une hausse des émissions de gaz à effet de serre.

La transition énergétique allemande cacherait donc une réalité beaucoup moins verte.

La transition énergétique, quel bilan ?

Les critiques exercées contre la transition énergétique allemande sont cependant à nuancer. Le développement des énergies renouvelables est indéniable. En 2010, les énergies renouvelables représentaient seulement 23 % du mix énergétique allemand, alors qu’en 2020, ce pourcentage s’élevait à plus de 50 %. L’Allemagne apparaît aujourd’hui comme un des leaders des énergies renouvelables.

De son côté, contrairement à ce qui est souvent entendu, la production de charbon a diminué en Allemagne depuis 2011. Sa part dans le mix énergétique allemand a été divisée par deux depuis 2010. La sortie du charbon, initialement prévue en 2038 par Angela Merkel, a même été avancée à 2030 par l’actuel ministre de l’Économie, Robert Habeck.

À l’échelle européenne, chacun tente de défendre sa stratégie. Ainsi, alors que la France mise sur l’énergie nucléaire, l’Allemagne y est fermement opposée. L’élaboration d’une taxonomie européenne pour encourager les énergies propres a donc été difficile. Finalement, la Commission européenne a tranché en 2022 en classifiant le gaz et le nucléaire comme des énergies vertes, mais seulement de transition.

Je te conseille cet article si tu veux en savoir plus sur le débat sur le gaz et le nucléaire dans la taxonomie européenne.

 

Les conséquences de la guerre en Ukraine

Cependant, la transition énergétique allemande est mise à mal par la guerre en Ukraine et la géopolitique. Tout d’abord, alors que le gaz est l’un des piliers de la transition énergétique, ses approvisionnements sont compromis. Avant la guerre, 55 % du gaz allemand était importé de Russie. Pour atténuer sa dépendance, l’Allemagne a décidé de réduire ses approvisionnements en provenance de Russie.

Le gazoduc Nord Stream 2, achevé en 2021, a définitivement été abandonné sans jamais avoir été mis en activité. De son côté, face aux sanctions occidentales, la société russe Gazprom prétexte fréquemment des incidents techniques et réduit ses livraisons via Nord Stream 1. En juin 2022, l’Allemagne importait encore 35 % de son gaz de Russie.

Olaf Scholz a annoncé d’importantes mesures pour réduire la dépendance de l’Allemagne vis-à-vis de la Russie. En diversifiant ses sources d’approvisionnement et en appelant à la sobriété énergétique, il affirme que son pays pourra se passer totalement de pétrole et de charbon russes d’ici la fin de l’année 2022. En septembre 2023, le gouvernement allemand a annoncé avoir pris le contrôle de la filiale allemande du groupe pétrolier russe Rosneft. Cela lui permet de mieux maîtriser l’approvisionnement de l’Allemagne, notamment grâce au pétrole importé d’autres pays que la Russie.

Pour le gaz, l’objectif est fixé à 2024

Cette date plus tardive pour le gaz s’explique en partie par le fait que l’Allemagne ne dispose pas pour l’heure de terminal méthanier sur son territoire. Robert Habeck a annoncé la construction de plusieurs terminaux pour pouvoir recevoir du GNL, notamment en provenance des États-Unis et du Qatar. En septembre 2023, le directeur général de GRTgaz, le réseau de gaz en France, a annoncé le développement d’une nouvelle capacité d’export de gaz de la France vers l’Allemagne dès la mi-octobre.

Néanmoins, le prix de l’indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie est très élevé pour l’Allemagne. Il pourrait remettre en cause les objectifs de neutralité carbone de Robert Habeck. Les cinq dernières centrales à charbon qui devaient fermer en 2022 ou 2023 vont continuer leur production. Il s’agit pour l’Allemagne de reconstituer ses stocks d’énergie avant l’hiver. Cependant, Robert Habeck estime que cela ne remet pas en cause la sortie du charbon en 2030.

De plus, la sortie du nucléaire prévue pour 2022 a été repoussée. En septembre 2022, Olaf Scholz a annoncé que deux centrales nucléaires resteraient en veille jusqu’à la mi-avril 2023 pour produire de l’énergie en cas de pénuries.

Tu peux également consulter cet article sur les enjeux géopolitiques de la flambée des prix du gaz.

Comment l’Allemagne se prépare-t-elle pour passer l’hiver au chaud ?

Pour limiter la consommation énergétique de l’Allemagne et face à l’explosion des prix de l’énergie, Robert Habeck a appelé ses concitoyens à la sobriété énergétique. Il a notamment annoncé que le chauffage des bâtiments publics sera limité à 19 °C et que les bâtiments historiques devront être éteints pendant la nuit. Rien n’est laissé au hasard, car toutes les économies sont bonnes à prendre. Par exemple, l’eau des douches des piscines municipales et des salles de sport devra être froide. Les Allemands sont aussi encouragés à utiliser les transports en commun.

Enfin, Olaf Scholz a annoncé la baisse de la TVA sur le gaz de 19 à 7 % afin de lutter contre l’inflation et la hausse des prix de l’énergie. Le gouvernement allemand avait d’abord essayé de supprimer totalement la TVA sur le gaz, mais la Commission européenne a refusé cette mesure.

Cette hausse des prix de l’énergie menace l’Allemagne de tomber en récession. En effet, en septembre 2023, l’institut de recherche allemand IFO a abaissé de quatre points sa prévision de croissance pour l’Allemagne. Ce qui entraînerait une chute du PIB de 0,3 en 2023. Le dirigeant de la Banque centrale allemande a estimé que l’inflation pourrait atteindre 10 % d’ici la fin de l’année. Ce qui serait un record depuis les années 1950.

Ainsi, tu as vu que la guerre en Ukraine a de réelles conséquences en Allemagne, non seulement géopolitiques, mais aussi économiques et sociales. Néanmoins, si l’on est un peu plus optimiste, on peut également y voir une accélération de la transition énergétique avec une forte diminution de la consommation de pétrole et de charbon.

Maintenant que tu sais tout de la politique énergétique allemande, il ne te reste plus qu’à apprendre ton vocabulaire de l’environnement pour pouvoir briller dans tes essais !