Le 14 mars 2003, le gouvernement de Schröder lançait officiellement son Agenda 2010. L’objectif de ce programme de réformes était de donner un nouveau souffle à l’économie allemande. Cette dernière souffrant d’une décennie perdue (ein verlorenes Jahrzehnt) où la croissance allemande était atone et le taux de chômage aux alentours de 10 %. Les réformes Hartz (Hartz Reformen) votées de 2003 à 2005 marquent les évolutions les plus importantes du marché du travail allemand.
Dix ans après, le bilan de ces mesures est encore très débattu. Elles permettent à la fois d’expliquer le regain compétitif de l’Allemagne et ont permis au pays de sortir du chômage de masse. Toutefois, il est indéniable que les réformes mises en place ont fragilisé le modèle social allemand en augmentant les inégalités.
Tu trouveras dans cet article un éclairage sur les différentes mesures mises en place et leurs conséquences sur l’économie allemande. Et plus particulièrement sur le marché du travail.
I – Le contexte et le contenu des réformes Hartz
Le contexte économique allemand était difficile au début des années 2000. Une croissance nulle en 2002 et un taux de chômage proche des 10 %, supérieur à la moyenne de la zone euro. Dans ce contexte, les principaux objectifs assignés aux réformes Hartz étaient de réduire le chômage et d’augmenter les incitations à la recherche d’emploi. Notamment pour les femmes et les seniors, catégories bénéficiant souvent d’allocations, coûteuses pour l’État.
Le gouvernement a alors proposé différentes réformes dans le cadre de l’Agenda 2010, s’inscrivant toutes dans la logique fördern und fordern (inciter et exiger). Quatre lois sont à retenir :
- janvier 2003, Hartz I : augmentation des possibilités de recours au travail temporaire (intérim, CDD, temps partiels…) en supprimant la durée maximale de mission (qui était de 24 mois) ;
- avril 2003, Hartz II : mise en place d’aides facilitant la création d’entreprise par les chômeurs (Gründungszuschuss) ;
- janvier 2004, Hartz III : durcissement des conditions d’indemnisation du régime d’assurance chômage. Il faut avoir travaillé minimum 12 mois dans les deux dernières années pour toucher une allocation ;
- janvier 2005, Hartz IV : fusion des systèmes de prestations sociales et amélioration du placement des chômeurs grâce à la collaboration entre les communes et le service de l’emploi.
II – Des réformes qui ont permis une baisse du chômage
Le taux de participation au marché du travail a considérablement augmenté après la mise en place de ces mesures. La fin des départs anticipés à la retraite incite fortement à la recherche d’emploi à cause d’une baisse des allocations chômage. Elle entraîne aussi une hausse de la population active (part de la population exerçant ou cherchant activement un emploi). Entre 2004 et 2011, la population active allemande a augmenté de 4,9 %.
De même, le taux d’emploi a également fortement augmenté en raison des créations d’emplois dits atypiques. Une législation moins contraignante sur les missions d’intérim ou sur les CDD pousse davantage les employeurs à avoir recours à ce genre d’embauches. En 2012, l’Allemagne connaissait un taux d’emploi supérieur à 72 % (il était de 63 % en France à cette même date).
C’est 2,5 millions d’emplois qui ont été créés en Allemagne entre 2004 et 2012, la plupart d’entre eux étant des « Mini-jobs ». L’emploi intérimaire, pratiquement inexistant en Allemagne jusqu’au début des années 2000, a connu une explosion (presque 1 million d’intérimaires en 2012).
III – Une hausse non négligeable des inégalités
Depuis le début des années 2000, les inégalités de revenus ont très largement augmenté en Allemagne. Notamment sur la première moitié de la décennie, années de mise en œuvre de l’essentiel des réformes Hartz. Le coefficient de Gini (coefficient qui mesure les inégalités) a progressé de 2,6 points, passant de 26,2 en 2000 à 29,2 en 2008. Ce qui témoigne d’une hausse non négligeable des inégalités.
De même, le taux de pauvreté, notamment des personnes en emploi, a également augmenté, tout particulièrement au début des années 2000. Entre 2000 et 2005, le taux de pauvreté était en hausse de 2,2 points, atteignant presque 15 %.
Si d’un point de vue quantitatif, le taux de chômage est plus faible, ce n’est qu’un leurre. Ce chiffre cache en réalité un emploi et un mode de vie tous deux précaires pour beaucoup d’Allemands. Ces inégalités sont ancrées dans l’économie allemande et le gouvernement peine aujourd’hui à inverser la donne.
Tu peux d’ailleurs lire cet article sur les inégalités en Allemagne pour approfondir ce sujet !