France-Allemagne

La relation franco-allemande, souvent qualifiée de « couple moteur » de l’Europe, est le fruit d’une longue histoire marquée par des conflits, des réconciliations et une coopération croissante. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les deux pays ont su transformer leur rivalité historique en un partenariat solide, essentiel à la construction européenne.

Les fondations de la réconciliation (1945-1963)

La fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945 a laissé l’Europe dévastée, avec la France et l’Allemagne en ruines. La nécessité de reconstruire et de garantir une paix durable a conduit les deux nations à envisager une réconciliation.

En 1950, Robert Schuman, alors ministre français des Affaires étrangères, a proposé la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Cette initiative visait à placer les ressources de charbon et d’acier des deux pays sous une autorité commune, rendant ainsi une nouvelle guerre « non seulement impensable, mais matériellement impossible ».

La CECA, entrée en vigueur en 1952, a marqué le début de l’intégration européenne et a jeté les bases d’une coopération économique durable.

Le 22 janvier 1963, le traité de l’Élysée a été signé par le président français Charles de Gaulle et le chancelier allemand Konrad Adenauer. Ce traité, qui instituait une coopération régulière entre les gouvernements des deux pays dans les domaines des affaires étrangères, de la défense, de l’éducation et de la jeunesse, symbolisait la réconciliation officielle entre la France et l’Allemagne.

L’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), créé la même année, a permis à plus de neuf millions de jeunes de participer à des programmes d’échange, favorisant ainsi une compréhension mutuelle et une amitié durable entre les deux peuples.

La construction européenne (1963-1990)

Les décennies suivantes ont vu un approfondissement de la coopération franco-allemande, notamment dans le cadre de la construction européenne. En 1979, la création du système monétaire européen (SME) a marqué une étape importante vers l’intégration économique et monétaire. Le SME visait à stabiliser les taux de change entre les monnaies européennes et à préparer le terrain pour une future union monétaire.

Les années 1980 ont été marquées par une coopération étroite entre le président français François Mitterrand et le chancelier allemand Helmut Kohl. Leur rencontre symbolique à Verdun en 1984, où ils se sont tenus main dans la main devant l’ossuaire de Douaumont, a illustré la profondeur de la réconciliation franco-allemande. Cette image puissante a marqué les esprits et a renforcé la détermination des deux pays à œuvrer ensemble pour la paix et la prospérité en Europe.

L’approfondissement de l’intégration (1990-2000)

La réunification allemande en 1990, soutenue par la France, a marqué un tournant dans les relations bilatérales. La France a joué un rôle clé dans ce processus, notamment en soutenant l’intégration de l’Allemagne réunifiée dans les structures européennes. En 1992, la signature du traité de Maastricht a créé l’Union européenne et posé les bases de l’euro, avec un rôle central de la France et de l’Allemagne dans la mise en œuvre de cette union monétaire.

Le traité de Maastricht a également renforcé la coopération dans les domaines de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de la justice et des affaires intérieures (JAI). La France et l’Allemagne ont été des moteurs dans ces domaines, promouvant une approche commune face aux défis internationaux et aux questions de sécurité.

Les défis du XXIe siècle (2000-2025)

Le début du XXIe siècle a été marqué par des défis économiques et politiques majeurs pour la relation franco-allemande. La crise de la zone euro en 2009 a révélé des divergences entre les deux pays sur la manière de gérer la crise de la dette souveraine. L’Allemagne, sous la direction d’Angela Merkel, a insisté sur des mesures d’austérité, tandis que la France, sous Nicolas Sarkozy puis François Hollande, a plaidé pour une approche plus conciliante. Malgré ces divergences, les deux pays ont réussi à trouver des compromis, notamment avec la création du mécanisme européen de stabilité (MES) en 2012.

La crise migratoire de 2015 a également mis en lumière des différences d’approche entre la France et l’Allemagne. Alors que l’Allemagne a accueilli plus d’un million de réfugiés sous l’impulsion de la politique d’ouverture d’Angela Merkel, la France a adopté une approche plus mesurée. Ces différences ont suscité des débats sur la manière de gérer les flux migratoires et de promouvoir une politique migratoire commune au sein de l’Union européenne.

En 2019, la France et l’Allemagne ont signé le traité d’Aix-la-Chapelle, visant à approfondir leur coopération dans divers domaines, y compris la défense, l’économie et la culture. Ce traité, souvent comparé au traité de l’Élysée, symbolise une volonté de renouveler le partenariat franco-allemand face aux défis du XXIe siècle. Il prévoit notamment la création d’un Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, ainsi que des initiatives communes en matière d’innovation et de transition énergétique.

La pandémie de Covid-19, qui a frappé l’Europe en 2020, a mis à l’épreuve la solidarité entre les deux pays. En juillet 2020, les dirigeants européens ont adopté un plan de relance de 750 milliards d’euros, fruit d’un compromis entre la France et l’Allemagne. Ce plan, financé par une dette commune, marque une avancée significative dans l’intégration européenne et témoigne de la capacité des deux pays à surmonter leurs divergences pour répondre aux crises majeures.

Les difficultés actuelles et les défis contemporains

En 2025, la relation franco-allemande est confrontée à de nouveaux défis qui mettent à l’épreuve sa solidité. Les tensions économiques persistent, notamment en ce qui concerne la politique budgétaire et les réformes structurelles. L’Allemagne, fidèle à sa tradition de rigueur budgétaire, reste prudente face aux propositions françaises d’investissements massifs et de relance économique par la dépense publique.

Sur le plan politique, les deux pays doivent faire face à la montée des populismes et des extrêmes, qui remettent en question le consensus européen. Les élections récentes ont révélé une fragmentation politique croissante, rendant la formation de coalitions stables et la mise en œuvre de politiques communes plus difficiles.

La transition énergétique et les enjeux climatiques constituent un autre défi majeur. Bien que les deux pays partagent des objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de CO2, ils divergent sur les moyens à mettre en œuvre. L’Allemagne mise sur une sortie progressive du nucléaire et un développement massif des énergies renouvelables, tandis que la France envisage de maintenir une part significative de l’énergie nucléaire dans son mix énergétique.

Enfin, les questions de défense et de sécurité restent au cœur des préoccupations. La guerre en Ukraine, qui a débuté en 2022, a révélé des divergences dans les approches stratégiques et les niveaux d’engagement militaire. La France et l’Allemagne doivent trouver des compromis pour renforcer la défense européenne et répondre aux menaces sécuritaires croissantes.

Conclusion

La relation franco-allemande, bien que mise à l’épreuve par les crises et les divergences, demeure essentielle pour l’avenir de l’Europe. Les défis actuels doivent être perçus comme des opportunités de renforcer ce partenariat, en adaptant les mécanismes de coopération aux réalités contemporaines.

Seules une vision commune et une volonté politique partagée permettront de préserver et de dynamiser cette alliance, garante de la stabilité et de la prospérité européennes. Aujourd’hui, on peut encore qualifier cette relation de solide. Par exemple, Emmanuel Macron était le seul chef d’État étranger invité à célébrer les 75 ans de la Loi fondamentale à Berlin, en 2024.