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Parvenir à lutter contre les armes à feu est un défi crucial aux États-Unis qui ne cesse de bouleverser la scène internationale. Tu peux consulter cet article sur les tueries de masse, paru en 2017. Il pourra t’apporter de nombreuses connaissances sur la question des armes à feu jusqu’à la fin de l’ère Obama.

Mais comment la situation a-t-elle évolué au cours des cinq dernières années ? Faire un petit point d’actualité s’impose !

Introduction

Chaque mois, les États-Unis sont endeuillés par de nouvelles fusillades. Ce terme de « fusillades de masse » (mass shootings en anglais) désigne des tueries faisant au moins quatre victimes, mortes ou blessées. D’après un rapport publié en septembre 2022 par Gun Violence Archive, les victimes ont atteint un total de 1 420 depuis le 1er janvier 2022, dont 293 morts et 1 127 blessés. Cela fait des États-Unis la nation qui compte le plus de fusillades de masse au monde.

Mais ces mass shootings ne sont que la partie visible du chaos engendré par les armes à feu. En effet, bien que les fusillades de masse dans les écoles/supermarchés/églises attirent davantage l’attention des médias, les dégâts causés par les armes à feu sont bien plus nombreux au sein des foyers et des maisons. Ainsi, le même rapport déclare que si l’on décidait de compter le nombre de victimes par armes à feu toutes causes confondues (fusillades, accidents, homicides, police, suicides, etc.), le total des décès dépasserait la barre des 20 000 depuis janvier 2022.

Les armes à feu sont donc un véritable fléau aux États-Unis (qui connaît un taux d’homicide par armes à feu en moyenne 25 fois plus élevé que celui d’un autre pays développé). Il est aujourd’hui nécessaire de faire face à cette violence. D’autant plus à l’heure où les tragiques événements de 2022 font écho à une situation déjà problématique depuis plusieurs années.

Un constat alarmant

Des chiffres

Chiffres de Gun Violence Archive

  • Au cours des 145 premiers jours de 2022, les États-Unis ont connu 213 fusillades de masse. Il y a donc en moyenne bien plus d’une fusillade par jour.
  • En septembre 2022, le total des décès engendrés par des armes à feu depuis le 1er janvier dépasse la barre des 20 000.

Chiffres du Giffords Law Center

  • En moyenne, 41 000 Américains sont tués par des armes à feu chaque année (soit 112 individus par jour).
  • Le fait d’avoir accès aux armes à feu aux États-Unis triple le risque de suicide. La plupart des suicides (59 %) impliquent une arme à feu.
  • Trois millions d’enfants sont directement exposés à la violence armée chaque année, et une partie d’entre eux sont blessés/tués par ces mêmes armes.
  • Les armes à feu coûtent à l’économie américaine au moins 229 milliards de dollars chaque année.

Chiffres du projet Small Arms Survey

  • Aux États-Unis, il y a plus d’armes en circulation que de citoyens. En 2018, 393 millions d’armes sont en circulation, contre 332 millions d’habitants (soit près de 120 armes pour 100 individus).
  • À eux seuls, les habitants des États-Unis possèdent près de la moitié des armes à feu détenues par des civils dans le monde.

Des exemples parlants

De nombreux exemples

Ce sont les fusillades de masse qui nous choquent le plus. Ce sont donc elles que tu peux utiliser comme exemples marquants. Parmi les plus destructrices : la fusillade de l’école Columbine en 1999 (13 morts), la fusillade de l’université Virginia Tech en 2007 (32 morts), la tuerie de l’école primaire Sandy Hook en 2012 (28 morts), la fusillade dans une boîte de nuit à Orlando en 2016 (49 morts), la fusillade de Las Vegas en 2017 lors d’un concert en plein air (59 morts), la fusillade dans un magasin Walmart à El Paso (22 morts) ou encore la fusillade dans un supermarché à Boulder en 2021 (10 morts).

Les énumérer de cette manière dans ton commentaire peut d’ailleurs être une bonne stratégie pour insister sur la nécessité de contrôler l’accès aux armes à feu.

Focus sur les fusillades les plus importantes de 2022

  • Le 14 mai, le pays a été secoué par la tuerie de Buffalo. Dix personnes, dont une majorité d’Afro-Américains, ont été abattues par un jeune suprématiste blanc de 18 ans. Pour rappel, le suprémacisme blanc est une idéologie raciste consistant à prôner la supériorité de la « race blanche » sur les autres. Cette idéologie a été, du XIXᵉ siècle jusqu’aujourd’hui, la source de nombreux actes de violence. Le suspect, Payton Gendron, a par ailleurs diffusé cette fusillade en direct sur Twitch.

N.B. : Pour un point sur les tensions raciales aux États-Unis, je te conseille cet article.

  • Le 24 mai, un autre jeune de 18 ans a tué 21 personnes (dont 19 enfants) dans une école d’Uvalde au Texas. Il s’agit de la plus grosse tuerie dans une école aux États-Unis depuis celle de l’école primaire Sandy Hook en 2012 et de « la fusillade scolaire la plus meurtrière de l’histoire du Texas ».
  • Le mois de juin a lui aussi été tragique. Le 1er juin, un homme d’une trentaine d’années a tué au moins quatre personnes dans un hôpital de Tulsa, dans l’Oklahoma. Le 9, une autre tuerie a provoqué la mort de trois personnes à Smithburg dans le Maryland. Le 12, une autre fusillade a éclaté lors d’une fête organisée dans un entrepôt à Los Angeles, en Californie, faisant trois morts et plusieurs blessés.

Bref, l’année 2022 illustre à quel point pouvoir accéder si facilement aux armes à feu aux États-Unis est encore et toujours un problème.

Et malheureusement, la situation ne risque pas de s’améliorer

Un taux de criminalité à la hausse depuis plusieurs années

D’après le rapport récemment publié par Gun Violence Archive, le nombre total de fusillades est passé de 348 en 2017 à 692 en 2021.

Les autorités peinent donc à lutter contre cette violence qui prend désormais une ampleur considérable.

Une hausse notamment amplifiée par la crise de la Covid

L’année 2020 a grandement participé à la hausse de cette criminalité. L’ATF constate une augmentation de 64 % du nombre d’armes vendues. Elle constate aussi une augmentation de 35 % des homicides par armes à feu entre 2019 et 2020.

Pour les autorités de santé, la pandémie a joué un grand rôle dans cette hausse. Mais comment ? C’est ce que nous allons étudier dans cette deuxième partie.

Pourquoi la criminalité est-elle aujourd’hui si forte ?

Raisons structurelles : droit, culture et lobbying

Trois raisons structurelles expliquent la persistance de ce problème vis-à-vis des armes à feu aux États-Unis :

1) Le droit d’accéder aux armes à feu est un droit constitutionnel. Il est en effet garanti par le Second amendement (ratifié en 1791) qui défend le droit de détenir et de porter des armes. Ce qui rend le contrôle des armes à feu bien plus délicat.

2) Les armes à feu font partie intégrante de la culture américaine. En 1995, le politologue Robert Spitzer affirmait que la culture américaine des armes à feu s’explique par la prolifération des armes à feu depuis les premiers jours de la nation. Les armes sont donc enracinées dans la société.

3) Le lobbying pour les droits des armes à feu est bien plus fort que celui pour le contrôle des armes à feu. En 2017, le premier s’élève à 10 millions de dollars, tandis que le second peine à atteindre deux millions. La National Rifle Association of America (NRA), un groupe de défense des droits des armes à feu basé aux États-Unis, est un facteur explicatif majeur.

Raisons conjoncturelles : violence policière, crise et frustration

Les États-Unis assistent tout de même à une vague de criminalité particulièrement importante depuis plusieurs années. Elle peut principalement être expliquée par deux facteurs :

1) Un sentiment d’anarchie/de désordre qui découle notamment de la violence policière (= « A sense of lawlessness stemming from police violence »). Gary LaFree, Richard Rosenfeld et Randolph Roth ont étudié la question et soulignent que les vagues de criminalité surviennent souvent lorsque les normes sociales s’effondrent. Ce qui a été le cas récemment, notamment depuis le décès de George Floyd en 2020.

2) Un sentiment d’isolement et de frustration, sentiment qui a été exacerbé par la pandémie. La Covid a favorisé l’isolement et la prise de position sur de nombreuses questions et a ainsi divisé les concitoyens. Or, lorsque l’empathie pour les autres citoyens décline, la criminalité augmente. Mais il y a aussi eu une certaine rupture entre les citoyens et le gouvernement. En effet, d’après Gallup, 80 % des citoyens ne sont pas satisfaits par la direction du pays pendant la pandémie. Cela a amené à la fois scepticisme à l’égard de la démocratie et ouverture à la violence politique.

C’est donc une crise à la fois sociale et politique qui est à l’origine de cette hausse de la criminalité.

Pour pousser le raisonnement encore plus loin

Certains affirment même que cette relation singulière que les États-Unis tiennent vis-à-vis des armes à feu relève d’une forme sombre de l’exceptionnalisme américain. Cette notion peut se définir comme étant l’idée que les États-Unis sont intrinsèquement différents des autres nations et qu’ils se voient ainsi destinés et autorisés à jouer un rôle distinct des autres sur la scène mondiale.

Un futur prometteur ?

Des solutions existent

La première est d’appliquer des « buyback programs ». C’est-à-dire des programmes destinés à racheter les armes qui sont actuellement en circulation aux États-Unis. Cela permettrait de diminuer le nombre d’armes à feu disponibles et ainsi de faciliter leur contrôle. Cette mesure a notamment été mise en place en 1996 par le Premier ministre australien John Howard et elle est au cœur du National Firearms Agreement. Ces « buyback programs » se sont en général révélés particulièrement efficaces.

La seconde est de vérifier plus efficacement les antécédents (Effective background checks) pour résoudre l’une des grandes failles du système américain, souvent appelée « three-day loophole ». Pour l’expliquer rapidement : actuellement, les antécédents de toute personne souhaitant acheter une arme doivent être vérifiés sous un délai de trois jours pour que cette personne soit autorisée ou non à l’acheter. Cependant, si les services américains ne réussissent pas à traiter un dossier sous un délai de trois jours, l’individu peut acheter l’arme (quel que soit son profil). Tu l’auras compris, cela est problématique puisque des personnes dangereuses ont accès à des armes à feu librement chaque année.

N.B. : En 2017, 22 % des Américains disent avoir acquis leur arme à feu la plus récente sans que leurs antécédents aient été vérifiés.

Le Président a la volonté de bien faire

« When in God’s name are we going to stand up to the gun lobby? » Joe Biden, 25 mai 2022, après la fusillade d’Uvalde.

Le bilan au sujet des armes à feu est dans l’immédiat assez décevant. Alors que Barack Obama souhaitait faire du contrôle des armes l’une des priorités de ses mandats, il n’a pas fait le poids face au lobbying proarmes (et notamment face à la NRA).

Quant à Donald Trump, il a tout fait pour ne rien faire.

Pour Biden, et depuis le début de sa présidence, il « faut agir » et au plus vite, car l’« épidémie » de la violence des armes à feu est à ses yeux une « honte internationale ».

Mais qu’en est-il des actions menées ?

Des progrès

11 avril 2022 : Joe Biden a durci la réglementation des armes dites « fantômes ». Ces armes sont dangereuses, car non réglementées. Elles ne sont pas traçables et n’existent actuellement pas au regard de la loi. Le gouvernement américain a donc décidé de sévir contre les fusils artisanaux achetés et vendus sans registre. Et c’est devenu l’une des lignes directrices du plan de Biden.

Le problème qu’il affronte ici est réel et inquiétant. On estime que le nombre de ce que l’on appelle les « ghost guns » a été multiplié par dix en cinq ans (entre 2016 et 2021). Alors même que ce type d’armes à feu a été utilisé lors de plusieurs tueries de masse. La loi du 11 avril est donc une véritable avancée pour le pays.

24 juin 2022 : Joe Biden signe une loi qui permet enfin de renforcer le contrôle des armes à feu dans le pays. Ces mesures visent à renforcer la sécurité des écoles, à assurer un meilleur contrôle de la vente illégale d’armes, à limiter l’accès des personnes dangereuses aux armes à feu et enfin à financer des programmes de soutien psychologique. Biden qualifie ces réformes « d’avancées importantes », qui n’incluent pour autant pas « ce qui est nécessaire pour sauver des vies ».

Des projets inaboutis

Le projet de loi Enhanced Background Check Act of 2021 est quant à lui en suspens. Celui-ci visait notamment à pallier le problème du « three-day loophole », en étendant le délai du contrôle des antécédents à 10 jours.

Le fait que ce projet soit encore inabouti montre bien qu’il reste encore du chemin à faire avant de parvenir à réduire les fusillades de masse et à apaiser ce climat de violence qui pèse sur les États-Unis depuis plusieurs années.

En attendant, les citoyens peuvent agir à leur échelle : un exemple concret

Manifestations

Descendre dans les rues pour lutter contre les armes à feu, c’était le projet des manifestations « March for Our Lives » qui se sont déroulées en 2018, en réaction à la fusillade de Parkland. C’est aussi un moyen de demander un contrôle accru des armes à feu aux États-Unis, en sensibilisant les Américains et leur gouvernement à la question.

Ainsi, en 2018, certains jeunes particulièrement affectés par les fusillades ont manifesté et ont pris la parole devant des milliers de personnes.

Réseaux sociaux

Ce mouvement a été amplifié sur les réseaux sociaux grâce à des hashtags tels que #NeverAgain, #MarchForOurLives, #WhatIf et #IWillMarch. Et pour une fois, au lieu de faire du tueur le personnage principal, les réseaux se sont concentrés sur les survivants.

Dans la foulée, le hashtag viral #OneLess est apparu, avec pour objectif que chacun se filme en train de détruire son arme et poste la vidéo sur les réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux sont ainsi devenus la scène principale du boycott de la NRA.

Des initiatives qui ont atteint leur cible

Le mouvement « March for Our Lives » a bel et bien eu un impact. Suite à ces manifestations, l’État de Floride a décidé de passer une loi augmentant l’âge minimum pour détenir une arme à feu et instaurant un contrôle plus important des antécédents.

Les individus peuvent donc agir à leur échelle dans le sens du contrôle des armes à feu et 2018 en est la preuve.

N.B. : Pour un point sur les manifestations et l’impact qu’elles peuvent avoir, je te conseille cet article.

Conclusion

L’heure est grave et les fusillades qui se sont produites en 2022 aux États-Unis sont une piqûre de rappel. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir sur la question des armes à feu. Le climat de violence qui pèse actuellement sur le pays ne cesse de plonger de nombreux concitoyens dans l’inquiétude. Tous craignent de perdre demain leur enfant, leur père, leur sœur.

Reste à voir quels efforts seront faits dans les mois à venir pour lutter contre cette violence. « Banning guns is an idea whose time has come », selon Joe Biden.