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La cancel culture prend de plus en plus d’ampleur et nombreuses sont les opinions quant à cette pratique. Je te propose donc de revenir sur ce concept afin d’en saisir les enjeux historiques et actuels.

Définitions et perspective historique

La cancel culture est une pratique apparue aux États-Unis consistant à dénoncer publiquement, en vue de leur ostracisation, des individus, des groupes ou des institutions responsables d’actes, de comportements ou de propos perçus comme inadmissibles. C’est le fait « d’annuler » des gens, des œuvres, des idées ou des monuments historiques de l’espace public parce qu’ils ne correspondent pas à certaines valeurs. On a tendance à associer ce phénomène aux wokes.

Elle a tendance à prôner le politiquement correct (political correctness), concept qui définit un langage visant à offenser le moins possible les gens, surtout sur les sujets raciaux, culturels, sexuels et identitaires.

Dans les années 80 et 90, le politiquement correct a commencé à prendre de plus en plus d’ampleur. Il est alors devenu incorrect d’utiliser des termes racistes, sexistes ou homophobes. Nombreux sont ceux qui considèrent cela comme une avancée permettant notamment de sensibiliser les gens aux problèmes tels que le « Paki Bashing ». Il s’agit d’une pratique qui consiste à faire des blagues aux dépens des personnes du Commonwealth au Royaume-Uni. Les blagues les stéréotypant sont devenues taboues. Elles dépeignaient souvent les Écossais comme radins, les Irlandais comme stupides…

De nombreuses polémiques et des avis divergents

Si on t’en parle lors d’un oral ou que tu souhaites le mentionner dans un écrit, je te conseille de ne pas peindre un portrait tout noir ou tout blanc.

Certes, la cancel culture et le politiquement correct sont parfois excessifs. Par exemple, en 2005, il a été demandé aux instituteurs d’enseigner la chanson Baa Baa Rainbow Sheep aux enfants en bas âge. Nombreux sont ceux qui ont considéré qu’il s’agissait d’un excès. La chanson originale Baa Baa Black Sheep, une comptine populaire, remonte à une taxe sur la laine au XIIIᵉ siècle et n’avait aucune connotation raciale. Les défenseurs du changement insistent sur le fait que l’utilisation du mot arc-en-ciel encourage l’ouverture d’esprit, en particulier depuis que la communauté LGBTQ a commencé à utiliser l’arc-en-ciel comme emblème, alors que le mot noir a des connotations négatives.

Cela dit, on peut affirmer que le politiquement correct et la cancel culture sont nécessaires. La « diplomatie twitter » de Donald Trump a ouvertement insulté et marginalisé les minorités, appelant régulièrement la sénatrice Elizabeth Warren « Pocahontas », par exemple. Dans ce contexte, beaucoup ont estimé que quelqu’un devait lutter contre ces préjugés. La campagne qui a finalement conduit le Sun à abandonner sa traditionnelle photo de filles topless en page 3 est un autre exemple de progrès dans la lutte contre le sexisme.

La cancel culture aujourd’hui

Une culture qui permet au plus grand nombre de se faire entendre…

Aujourd’hui, on parle de plus en plus de la cancel culture. En effet, la culture woke a évolué vers la cancel culture avec le mouvement #metoo dans le cadre de la culture war. Une fois de plus, l’objectif initial du mouvement cancel culture semblait positif. Il s’agissait « d’exiger une plus grande responsabilité de la part des personnalités publiques », comme le définit Merriam-Webster. L’idée étant que cela donne au commun des mortels une chance de s’exprimer. Le contre-argument est qu’ils détruisent parfois la carrière des gens de manière injuste, sans procédure légale. Cela dit, la cancel culture est une mode des médias sociaux et la condamnation des individus a tendance à être éphémère, avant de passer à la cible suivante.

En 2020, J. K. Rowling a été très critiquée pour avoir posté une série de tweets qui ont offensé la communauté transgenre. Elle s’est opposée à un message parlant des « personnes qui ont leurs règles », affirmant que le mot personnes devrait être remplacé par le mot femmes, car les femmes transgenres n’ont pas de règles. Elle a précisé qu’elle n’était pas transphobe, mais qu’elle s’inquiétait de l’effacement des notions de sexe et de genre. En 2021, Rowling a fait partie des dizaines d’écrivains, d’universitaires et de militants qui ont signé une lettre ouverte dénonçant la cancel culture qui menaçait la liberté d’expression et les arts.

… et qui se propage par les réseaux sociaux et tente de revisiter l’histoire

Les médias et réseaux sociaux ont été critiqués pour avoir favorisé la cancel culture en fermant des comptes. Le conspirationniste Alex Jones a été banni de nombreux sites lorsqu’il a nié l’existence du massacre de l’école Sandy Hook, affirmant qu’il s’agissait d’un canular. De manière plus controversée, les comptes Twitter et Facebook de Donald Trump ont été fermés en 2020. Facebook a annoncé en 2021 qu’il interdirait tous les groupes, comptes et pages QAnon sur Facebook et Instagram, conformément à ses mesures d’application contre les « mouvements sociaux militarisés ».

Un autre aspect de la cancel culture consiste à revisiter l’histoire et à tenter de « supprimer » les aspects embarrassants du passé d’une nation. Cela a commencé avec la campagne visant à abattre les statues de personnages historiques étroitement associés à l’esclavage. Comme celle du général confédéré Robert Lee à Charlottesville en 2017, ou celle de l’ancien esclavagiste Edward Colston à Bristol (Royaume-Uni) en 2020. Mais beaucoup estiment que cela va trop loin. Abraham Lincoln et Winston Churchill étant même accusés d’être pro-esclavagistes et fascistes, malgré leurs combats historiquement reconnus contre ces deux mouvements.